Dominique Meeùs
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Marx et Engels, ont rejeté Hegel dans leur jeunesse et longtemps se sont peu préoccupés explicitement de dialectique. Ils utilisent les mots Dialektik, dialektisch dans un sens banal. Jamais, à ma connaissance, dans leurs écrits pendant près de vingt ans, ils ne discutent de la dialectique hégélienne en tant que système, si ce n’est en 1947 dans la Misère de la philosophie où Marx se moque de la connaissance très relative qu’a Proudhon de la philosophie de Hegel, critique l’usage que Proudhon en fait en économie, mais, au-delà, critique très sévèrement la dialectique hégélienne elle-même. Jamais, à ma connaissance, dans leurs écrits pendant près de vingt ans, ils ne fondent leurs conclusions sur les « lois » de Hegel. Par la suite, à partir de 1858, ils se sont dit qu’il ne fallait pas jeter le bébé avec l’eau du bain 3.
J'avais pensé faire l'inventaire des occurrences de dialectique sous la plume de Marx et Engels, mais ce serait fastidieux si le plus souvent il ne s'agit pas de la dialectique de Hegel comme système. Je vais plutôt faire l'inventaire des passages qui invoquent bien une dialectique comme système.
Critique de la minceur de la culture hégélienne de Proudhon, mais, au-delà, critique féroce de la dialectique hégélienne elle-même.
Point de départ de l'affaire du retournement. Il en dit très peu : « ce qu’il y a de rationnel à la méthode que H a découverte, mais en même temps mystifiée ». C'est cependant très affirmatif : derrière la mystification, il y aurait une « découverte » de Hegel. (Mais ce serait une méthode, pas un édifice théorique.)
Marx, lettre à Engels, le 1er février 1858
Marx, lettre à Engels, le 1er février 1858Se moquant des prétentions hégéliennes de Lassalle, Marx dit qu'il ratiocine en accord avec les formes sacramentales. (MEW 29:274. MECW 40:259.) (Je note cette expression parce qu'après Marx et Engels, beaucoup se contenteront de répéter les « formules sacramentelles », sans chercher vraiment à comprendre.) Marx fait la distinction entre amener une science au point où elle est susceptible de présentation dialectique et, à l'inverse, appliquer un système de logique abstrait, prêt à l'emploi. (MEW 29:275. MECW 40:261.)
Regrette que Lassalle dans son livre ne soit pas montré plus critique à l'égard de la dialectique de Hegel. Cette dialectique est bien sûr le fin mot de la philosophie, mais il est donc d'autant plus important de la débarrasser de l'aura mystique que lui donne Hegel. (MEW 29:561. MECW 40:316)
Marx parle du Livre I du Capital (alors enfin en voie d'achèvement) et de « la transformation du maître-artisan en capitaliste — à la suite de changements purement quantitatifs » (!). Marx croit qu'il existerait une « loi de la brusque commutation du changement purement quantitatif en changement qualitatif », « également vérifiée en histoire et dans les sciences de la nature ». Il annonce aussi une note dans le Capital sur la chimie (« je parle de Laurent, de Gerhardt et de Wurtz »).
Il répète simplement son intention de janvier 1858. Cependant, la dialectique hégélienne n'était en 1958 qu'une méthode. Ici Marx estime pouvoir parler de « lois correctes de la dialectique » comme d'une chose indiscutable, qu'on est sensé connaître, pour les dire ensuite déjà présentes chez Hegel.
De la dialectique, Hegel a été « le premier à en exposer les formes générales de mouvement (Bewegungsformen) de façon globale et consciente ». (Je ne comprends pas ce que peut vouloir dire « formes de mouvement » de la dialectique. Dans la Dialectique de la nature, c'est l'opposé : au lieu de formes de mouvement de la dialectique, on a une dialectique des formes de mouvement.)
Là Engels proclame la fin de la philosophie, mais, de la philosophie de Hegel, il faut « en sauver le contenu nouveau qu’elle avait acquis ». On doit, une fois de plus, se contenter d'une annonce, d'une promesse : « Nous verrons plus loin comment cela se fit. »