Dominique Meeùs
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Ma lecture de la dialectique chez Marx et Engels

Table of contents

Engels dit explicitement : « avec chaque découverte qui fait époque dans le domaine des sciences naturelles » (à plus forte raison dans l’histoire de l’humanité), « le matérialisme doit modifier sa forme » (Ludwig Feuerbach). Ainsi, la révision de la « forme » du matérialisme d’Engels, la révision de ses principes de philosophie naturelle, n’a rien de « révisionniste » au sens consacré du mot ; le marxisme l’exige au contraire.

Lénine, Matérialisme et empiriocriticisme, Chapitre V. Œuvres, tome 14, p. 261-262.
  • With all the misinformation conveyed about dialectics, it may be useful to start by saying what it is not. Dialectics is not a rock-ribbed triad of thesis-antithesis-synthesis that serves as an all-purpose explanation ; nor does it provide a formula that enables us to prove or predict anything ; not is it the motor force of history. The dialectic, as such, explains nothing, proves nothing, predicts nothing, and causes nothing to happen.

    Bertell Ollman, Dance of the Dialectic : Steps in Marx’s Method, University of Illinois Press, Urbana and Chicago, 2003, p. 12.
  • Face à toute la mésinformation qui circule sur la dialectique, il est peut-être utile de commencer en précisant ce qu’elle n’est pas. La dialectique n’est pas cette triade d’airain thèse-antithèse-synthèse censée tout expliquer ; elle ne fournit pas de formule apte à prouver ou prédire quoi que ce soit ; elle n’est pas non plus la force motrice de l’histoire. La dialectique, en tant que telle, n’explique rien, ne prouve rien, ne prédit rien et n’est la cause de rien.

    Bertell Ollman, La dialectique mise en œuvre : Le processus d’abstraction dans la méthode de Marx, Éditions Syllepse, Paris, 2005, p. 23.
  • Dialectical materialism is not, and never has been, a programmatic method for the solution of particular physical problems. Rather, dialectical analysis provides us with an overview and a set of warning signs against particular forms of dogmatism and narrowness of thought.

    Richard C. Lewontin & Richard Levins, Chapitre 3. Science as a Social Product and the Social Product of Science, § 7. « The problem of lysenkoism », p. 191-192 in Hillary Rose & Steven Rose (eds.) The Radicalizaton of Science, 1976.
  • Le matérialisme dialectique n’est pas, et n’a jamais été, une méthode systématique pour la solution de problèmes physiques particuliers. L’analyse dialectique nous donne plutôt une vue d’ensemble et une série de signaux qui nous avertissent contre des formes particulières de dogmatisme et d’étroitesse de la pensée.

    Ma traduction.

Je ne sais pas quel est chez Hegel1, le statut de la dialectique (ou bien de la contradiction, ou bien de la négation de la négation). Je ne sais pas si c’est une « chose » existant réellement et qui gouverne le monde, qui en serait même, pour dire bref, le moteur. Ce serait une forme de réalisme idéaliste, de réification d’une idée2 en un sens platonicien. Cette conception ne serait pas fausse mais pire : dépourvue de sens. La dialectique ou la contradiction sont des concepts philosophiques qui n’ont aucune existence autre que comme concept, comme idée commune à un certain nombre de gens dans une certaine culture. Ni une telle « chose » idéelle ni les « lois » qui portent sur elle ne peuvent gouverner le monde. Le monde, tant physique que social, ne fonctionne pas au petit bonheur. Il y a des régularités et des nécessités internes (des « ressorts cachés »), qu’on peut appeler « lois de la nature » (ou de la société). C’est la mission des sciences d’essayer d’en rendre compte par des théories scientifiques, soumises au tribunal de la réalité du monde. Une « loi de la dialectique » est une « loi » tout au plus philosophique, qui ne peut gouverner qu’une certaine philosophie, qui ne peut se substituer ni aux lois de la nature ni aux lois scientifiques. Les liens entre science et philosophie sont multiples et importants, mais il s’agit de deux domaines qui se situent à des niveaux différents qu’on ne peut pas confondre impunément. On ne peut en aucun cas considérer un concept philosophique comme candidat recevable à être le moteur du monde.

Notes
1.
Je ne l’ai pas lu et je n’ai aucune intention de le lire :

primo, parce que c’est trop difficile pour moi ; j’ai en outre les pires difficultés à pénétrer les textes des gens dont la vision du monde et le mode de pensée me sont complètement étrangers ; en outre, je soupçonne que parfois (trop souvent ?) chez les philosophes, une succession de mots peut constituer une phrase syntaxiquement correcte, mais n’avoir strictement aucun sens, sauf incantatoire, poétique ;

secundo, parce qu’il n’y a que vingt-quatre heures dans une journée et que j’ai beaucoup trop de choses plus importantes que ça à lire, à écrire ou à faire.

2.
On pourrait retourner à Hegel l’accusation de métaphysique.