Dominique Meeùs
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Mots-clefs : ❦ interaction de la base et de la superstructure dans l’histoire ❦ hommes, font leur propre histoire ❦ individu, action sur l’histoire
Ad II qualifiziere ich Ihren ersten Hauptsatz so: Nach materialistischer Geschichtsauffassung ist das in letzter Instanz bestimmende Moment in der Geschichte die Produktion und Reproduktion des wirklichen Lebens. Mehr hat weder Marx noch ich je behauptet. Wenn nun jemand das dahin verdreht, das ökonomische Moment sei das einzig bestimmende, so verwandelt er jenen Satz in eine nichtssagende, abstrakte, absurde Phrase. Die ökonomische Lage ist die Basis, aber die verschiedenen Momente des Überbaus - politische Formen des Klessenkampfs und seine Resultate - Verfassungen, nach gewonnener Schlacht durch die siegende Klasse festgestellt usw. - Rechtsformen, und nun gar die Reflexe aller dieser wirklichen Kämpfe im Gehirn der Beteiligten, politische, juristische, philosophische Theorien, religiöse Anschauungen und deren Weiterentwicklung zu Dogmensystemen, üben auch ihre Einwirkung auf den Verlauf der geschichtlichen Kämpfe aus und bestimmen in vielen Fällen vorwiegend deren Form. Es ist eine Wechselwirkung aller dieser Momente, worin schließlich durch alle die unendliche Menge von Zufälligkeiten (d.h. von Dingen und Ereignissen, deren innerer Zusammenhang untereinander so entfernt odar so unnachweisbar ist, daß wir ihn als nicht vorhanden betrachten, vernachlässigen können) als Notwendiges die ökonomische Bewegung sich durchsetzt. Sonst wäre die Anwendung der Theorie auf eine beliebige Geschichtsperiode ja leichter als die Lösung einer einfachen Gleichung ersten Grades.
Wir machen unsere Geschichte selbst, aber erstens unter sehr bestimmten Voraussetzungen und Bedingungen. Darunter sind die ökonomischen die schließlich entscheidenden. Aber auch die politischen usw., ja selbst die in den Köpfen der Menschen spukende Tradition, spielen eine Rolle, wenn auch nicht die entscheidende. […]
Zweitens aber macht sich die Geschichte so, daß das Endresultat stets aus den Konflikten vieler Einzelwillen hervorgeht, wovon jeder wieder durch eine Menge besonderer Lebensbedingungen zu dem gemacht wird, was er ist; es sind also unzählige einander durchkreuzende Kräfte, eine unendliche Gruppe von Kräfteparallelogrammen, daraus eine Resultante — das geschichtliche Ergebnis — hervorgeht, die selbst wieder als das Produkt einer, als Ganzes, bewußtlos und willenlos wirkenden Macht angesehen werden kann. Denn was jeder einzelne will, wird von jedem andern verhindert, und was herauskommt, ist etwas, das keiner gewollt hat. So verläuft die bisherige Geschichte nach Art eines Naturprozesses und ist auch wesentlich denselben Bewegungsgesetzen unterworfen. Aber daraus, daß die einzelnen Willen — von denen jeder das will, wozu ihn Körperkonstitution und äußere, in letzter Instanz ökonomische Umstände (entweder seine eignen persönlichen oder allgemein-gesellschaftliche) treiben — nicht das erreichen, was sie wollen, sondern zu einem Gesamtdurchschnitt, einer gemeinsamen Resultante verschmelzen, daraus darf doch nicht geschlossen werden, daß sie = 0 zu setzen sind. Im Gegenteil, jeder trägt zur Resultante bei und ist insofern in ihr einbegriffen.
[…] D’après la conception matérialiste de l’histoire, le facteur déterminant dans l’histoire est, en dernière instance, la production et la reproduction de la vie réelle. Ni Marx, ni moi n’avons jamais affirmé davantage. Si, ensuite, quelqu’un torture cette proposition pour lui faire dire que le facteur économique est le seul déterminant, il la transforme en une phrase vide, abstraite, absurde. [A] La situation économique est la base, mais les divers éléments de la superstructure – les formes politiques de la lutte de classes et ses résultats, – les Constitutions établies une fois la bataille gagnée par la classe victorieuse, etc., – les formes juridiques, et même les reflets de toutes ces luttes réelles dans le cerveau des participants, théories politiques, juridiques, philosophiques, conceptions religieuses et leur développement ultérieur en systèmes dogmatiques, exercent également leur action sur le cours des luttes historiques et, dans beaucoup de cas, en déterminent de façon prépondérante la forme. [B] Il y a action et réaction de tous ces facteurs au sein desquels le mouvement économique finit par se frayer son chemin comme une nécessité à travers la foule infinie de hasards (c’est-à-dire de choses et d’événements dont la liaison intime entre eux est si lointaine ou si difficile à démontrer que nous pouvons la considérer comme inexistante et la négliger). [C] Sinon, l’application de la théorie à n’importe quelle période historique serait, ma foi, plus facile que la résolution d’une simple équation du premier degré.
Nous faisons notre histoire nous-mêmes, mais, tout d’abord, avec des prémisses et dans des conditions très déterminées. Entre toutes, ce sont les conditions économiques qui sont finalement déterminantes. Mais les conditions politiques, etc., voire même la tradition qui hante les cerveaux des hommes, jouent également un rôle, bien que non décisif. […]
Mais, deuxièmement, l’histoire se fait de telle façon que le résultat final se dégage toujours des conflits d’un grand nombre de volontés individuelles, dont chacune à son tour est faite telle qu’elle est par une foule de conditions particulières d’existence ; il y a donc là d’innombrables forces qui se contrecarrent mutuellement, un groupe infini de parallélogrammes de forces, d’où ressort une résultante – l’événement historique – qui peut être regardée elle-même, à son tour, comme le produit d’une force agissant comme un tout, de façon inconsciente et aveugle. Car, ce que veut chaque individu est empêché par chaque autre et ce qui s’en dégage est quelque chose que personne n’a voulu. C’est ainsi que l’histoire jusqu’à nos jours se déroule à la façon d’un processus de la nature et est soumise aussi, en substance, aux mêmes lois de mouvement qu’elle. Mais de ce que les diverses volontés – dont chacune veut ce à quoi la poussent sa constitution physique et les circonstances extérieures, économiques en dernière instance (ou ses propres circonstances personnelles ou les circonstances sociales générales) – n’arrivent pas à ce qu’elles veulent, mais se fondent en une moyenne générale, en une résultante commune, on n’a pas le droit de conclure qu’elles sont égales à zéro. Au contraire, chacune contribue à la résultante et, à ce titre, est incluse en elle.
Ad II. I would qualify the first of your main propositions as follows: According to the materialist view of history, the determining factor in history is, in the final analysis, the production and reproduction of actual life. More than that was never maintained either by Marx or myself. Now if someone distorts this by declaring the economic moment to be the only determining factor, he changes that proposition into a meaningless, abstract, ridiculous piece of jargon. The economic situation is the basis, but the various factors of the superstructure — political forms of the class struggle and its consequences, namely constitutions set up by the ruling class after a victorious battle, etc., forms of law and, the reflections of all these real struggles in the minds of the participants, i. e. political, philosophical and legal theories, religious views and the expansion of the same into dogmatic systems — all these factors also have a bearing on the course of the historical struggles of which, in many cases, they largely determine the form. It is in the interaction of all these factors and amidst an unending multitude of fortuities (i. e. of things and events whose intrinsic interconnections are so remote or so incapable of proof that we can regard them as non-existent and ignore them) that the economic trend ultimately asserts itself as something inevitable. Otherwise the application of the theory to any particular period of history would, after all, be easier than solving a simple equation of the first degree.
We make our history ourselves but, in the first place, under very definite premises and conditions. Of these, the economic are ultimately decisive. But the political, etc., and even the traditions still lingering in people’s minds, play some, if not a decisive, role. […]
In the second place, however, history is made in such a way that the ultimate result is invariably produced by the clash of many individual wills of which each in turn has been made what it is by a wide variety of living conditions; there are thus innumerable conflicting forces, an infinite number of parallelograms of forces, productive of one result — the historical event which itself may be seen as the product of a power operating unconsciously and involuntarily as a whole. For what each individual wants is obstructed by every other individual and the outcome is something that no one wanted. Thus, the course of history up till now has been like a natural process and has, indeed, been subject to much the same laws of motion. But the fact that individual wills — each of which wants what it is driven to want by bodily constitution and extrinsic and, in the final analysis, economic (whether personal or general social) circumstances — do not attain what they want but merge into an overall mean, a common resultant — does not justify the conclusion that they are nonentities. On the contrary, each one contributes to the resultant and is, to that extent, part and parcel of it.
Ceci est un des rares passages sur le matérialisme historique où Marx et Engels parlent de « la production et la reproduction de la vie réelle » et non seulement de la production (de l’économie). Par ce que la continuité de la vie suppose de faire des enfants, « le rapport entre homme et femme » est considéré dans l’Idéologie allemande au même titre que la production des moyens d’existence. On peut considérer que dans la fameuse préface à la Contribution…, « der gesellschaftlichen Produktion ihres Lebens » couvre la procréation autant que la production des moyens d’existence. (La traduction par existence en français et en anglais est un parti-pris sur le sens de Leben.)
Je souligne la phrase « ni Marx, ni moi n’avons jamais affirmé davantage ». Je pense que « davantage » veut dire « plus qu'en dernière instance ». Remet-il en cause la préface à la Contribution…, où Marx dit bien davantage, énonce des lois qui vont bien plus loin que ce qu'Engels dit ici essentiel dans une conception matérialiste de l'histoire ? Ici, Engels met d'abord en garde contre la réduction du matérialisme historique à un déterminisme économique. Il insiste sur l’interaction entre base et superstructure.
Cependant, il fait lui-même un glissement théorique bizarre, que je comprends mal. En dehors du facteur déterminant en dernière instance de la production et de la reproduction de la vie réelle, il y a [A] une multiplicité de facteurs. Cependant, ces facteurs [A] ne déterminent en fin de compte pas plus que la forme. Ils sont suffisamment indépendants [B] qu'on puisse les considérer comme hasard et ils finissent donc par se neutraliser. Ah ! penserait-on : maintenant qu'on a éliminé la diversité, on peut appliquer la théorie. Eh bien ! non [C]. Mais là, je ne comprends pas à quoi s'oppose « Sinon ». Surtout, je ne vois pas de quelle théorie on parle. On a commencé par la relation entre base et superstructure d'une société et on est passé subrepticement au changement d'une société dans l'histoire et à une théorie non autrement précisée. de ce changement.
L'idée revient ensuite d'une diversité qui se neutralise, qui se résout dans une résultante, « une force agissant comme un tout ». En fin de compte : « l’histoire […] se déroule à la façon d’un processus de la nature et est soumise aussi, en substance, aux mêmes lois de mouvement qu’elle. » On est arrivé ainsi à l'extrême opposé du « jamais affirmé davantage » du départ. On se demande pourquoi les historiens perdent leur temps à étudier l'histoire. Ils feraient mieux d'étudier les lois communes du mouvement de la nature et de l'histoire, qui leur permettraient de déduire toute l'histoire avec une certitude absolue, puisque la multiplicité des facteurs et les contingences se neutralisent et que seules interviennent les « lois de mouvement ». Pourquoi alors a-t-il dit plus haut [C] que ce n'est pas si simple ?
Cette contradiction revient tout le temps chez Engels (Anti-Dühring, Dialectique de la nature…). D'abord, dans un désir de scientificité, il voudrait qu'il y ait des « lois de mouvement ». Puis dans un sursaut de matérialisme, il insiste sur la primauté des faits. Je pense donc qu'il faut retenir surtout le [C], qu'on ne fait pas de l'histoire en appliquant des recettes simples. Cela concorde avec ce que Marx dit