Dominique Meeùs
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Préface de la Contribution à la critique de l’économie politique (1859)
Eine allgemeine Einleitung, die ich hingeworfen hatte, unterdrücke ich, weil mir bei näherem Nachdenken jede Vorwegnahme erst zu beweisender Resultate störend scheint, und der Leser, der mir überhaupt folgen will, sich entschließen muß, von dem einzelnen zum allgemeinen aufzusteigen. Einige Andeutungen über den Gang meiner eignen politisch-ökonomischen Studien mögen dagegen hier am Platz scheinen.
Je supprime une introduction générale que j’avais ébauchée parce que, réflexion faite, il me paraît qu’anticiper sur des résultats qu’il faut d’abord démontrer ne peut être que fâcheux et le lecteur qui voudra bien me suivre devra se décider à s’élever du singulier au général. Quelques indications, par contre, sur le cours de mes propres études d’économie politique me semblent être ici à leur place.
Een algemene inleiding, die ik op papier gezet had, laat ik echter achterwege omdat mij bij nadere overweging elk vooruitlopen op resultaten die nog bewezen moeten worden storend lijkt, en de lezer die mij wil volgen de bereidheid moet hebben van het afzonderlijke naar het algemene op te stijgen. Enkele aanduidingen daarentegen over het verloop van mijn eigen politiek-economische studies lijken mij hier op hun plaats.
A general introduction, which I had drafted, is omitted, since on further consideration it seems to me confusing to anticipate results which still have to be substantiated, and the reader who really wishes to follow me will have to decide to advance from the particular to the general. A few brief remarks regarding the course of my study of political economy may, however, be appropriate here.
Marx parle ci-dessus du texte, dit Introduction…, de 1857, qui n’est donc pas une introduction au présent livre Contribution à la critique de l’économie politique. Le texte de 1857 présente un intérêt propre et un certain nombre d’éditeurs, parce qu’il faut bien le caser quelque part, l’ont mis en annexe d’éditions de la Contribution. (On le trouve aussi, sans doute plus à sa place, dans certaines éditions des Grundrisse.) Il y a donc un risque de confusion, par la parenté des titres, entre l’introduction de 1857 (indépendante de la Contribution) et la présente préface de la Contribution.
La confusion ne peut d’ailleurs se jouer qu’au niveau des titres. Il n’y a aucune comparaison entre un texte de pas loin de trente pages, comme l’Introduction… de 1857 et une simple préface de quatre pages et demie comme celle-ci. Quand il dit dans la présente préface qu’il renonce à l’Introduction… de 1857, ce n’est pas que ç’aurait pu constituer une préface alternative ; ce qu’il dit ici, c’est qu’il renonce à inclure ce texte dans le contenu du présent livre.
⁂
Suit un des textes les plus connus et les plus cités de Marx, celui où l’on trouve, entre autres : « Ce n’est pas la conscience des hommes qui détermine leur être ; c’est inversement… »
Ce que je cite ici de Marx est chez lui exactement un alinéa entier, continu. Pour mieux l’analyser, je le divise, après le passage introductif, en six morceaux (subdivision, avec intertitres, de moi).
Die erste Arbeit, unternommen zur Lösung der Zweifel, die mich bestürmten, war eine kritische Revision der Hegelschen Rechtsphilosophie, eine Arbeit, wovon die Einleitung in den 1844 in Paris herausgegebenen Deutsch-Französischen Jahrbüchern erschien. Meine Untersuchung mündete in dem Ergebnis, daß Rechtsverhältnisse wie Staatsformen weder aus sich selbst zu begreifen sind noch aus der sogenannten allgemeinen Entwicklung des menschlichen Geistes, sondern vielmehr in den materiellen Lebensverhältnissen wurzeln, deren Gesamtheit Hegel, nach dem Vorgang der Engländer und Franzosen des 18. Jahrhunderts, unter dem Namen „bürgerliche Gesellschaft" zusammenfaßt, daß aber die Anatomie der bürgerlichen Gesellschaft in der politischen Ökonomie zu suchen sei. Die Erforschung der letztern, die ich in Paris begann, setzte ich fort zu Brüssel, wohin ich infolge eines Ausweisungsbefehls des Herrn Guizot übergewandert war. Das allgemeine Resultat, das sich mir ergab und, einmal gewonnen, meinen Studien zum Leitfaden diente, kann kurz so formuliert werden:
Le premier travail que j’entrepris pour résoudre les doutes qui m’assaillaient fut une révision critique de la Philosophie du droit, de Hegel, travail dont l’introduction parut dans les Deutsch-Französiche Jahrbücher, publiés à Paris, en 1844. Mes recherches aboutirent à ce résultat que les rapports juridiques — ainsi que les formes de l’État — ne peuvent être compris ni par eux-mêmes, ni par la prétendue évolution générale de l’esprit humain, mais qu’ils prennent au contraire leurs racines dans les conditions d’existence matérielles dont Hegel, à l’exemple des Anglais et des Français du 18e siècle, comprend l’ensemble sous le nom de « société civile », et que l’anatomie de la société civile doit être cherchée à son tour dans l’économie politique. J’avais commencé l’étude de celle-ci à Paris et je la continuai à Bruxelles où j’avais émigré à la suite d’un arrêté d’expulsion de M. Guizot. p. 2 ¾Le résultat général auquel j’arrivai et qui une fois acquis servit de fil conducteur à mes études, peut brièvement se formuler ainsi :
Het eerste werk dat ik ondernam, om klaarheid te scheppen in de twijfels die mij bestormden, was een kritische toetsing van de Rechtsfilosofie van Hegel, een werk waarvan de Inleiding verscheen in de ‘Duits-Franse Jaarboeken’, gepubliceerd in 1844 in Parijs. Mijn onderzoek leidde tot de conclusie, dat rechtsverhoudingen evenals staatsvormen noch uit zichzelf begrepen kunnen worden noch uit de zogenaamde universele ontwikkeling van de menselijke geest, maar dat zij veeleer wortelen in de materiële levensverhoudingen, die Hegel in navolging van de Engelsen en Fransen uit de achttiende eeuw, in hun geheel samenvat onder de term ‘burgerlijke maatschappij’; dat de anatomie van de burgerlijke maatschappij echter gezocht dient te worden in de politieke economie. De studie van deze wetenschap, die ik in Parijs begon, zette ik voort te Brussel, waarheen ik uitgeweken was tengevolge van een uitwijzingsbevel van de heer Guizot. Het algemene resultaat waartoe ik kwam en dat mij, nadat het eenmaal was verkregen, tot leidraad diende bij mijn studies, kan kort worden geformuleerd als volgt:
The first work which I undertook to dispel the doubts assailing me was a critical re-examination of the Hegelian philosophy of law ; the introduction to this work being published in the Deutsch-Französische Jahrbücher issued in Paris in 1844. My inquiry led me to the conclusion that neither legal relations nor political forms could be comprehended whether by themselves or on the basis of a so-called general development of the human mind, but that on the contrary they originate in the material conditions of life, the totality of which Hegel, following the example of English and French thinkers of the eighteenth century, embraces within the term “civil society” ; that the anatomy of this civil society, however, has to be sought in political economy. The study of this, which I began in Paris, I continued in Brussels, where I moved owing to an expulsion order issued by M. Guizot. The general conclusion at which I arrived and which, once reached, became the guiding principle of my studies can be summarised as follows.
Ce passage introductif pose déjà de sérieux problèmes.
D’une part le « résultat… auquel j’arrivai » peut tout aussi bien désigner « le stade où j’en suis arrivé de mes réflexions », en rien un point final définitif à prendre pour parole d’Évangile. Il faut d’ailleurs noter que c’est en traduction seulement que Marx « arrive à » un résultat (« auquel j’arrivai », « waartoe ik kwam », « at which I arrived »). Marx, quant à lui, dit seulement que ce résultat s’est présenté à lui (« sich mir ergab »). Il est pour le moins léger de comprendre dans l’expression « résultat général qui s’est présenté à moi » la déclaration du succès dans l’élaboration d’une théorie achevée.
D’autre part, on ne peut prendre ce qui suit comme exposé d’une théorie achevée, précisément pour les mêmes raisons que celles que donne Marx de ne pas publier son Introduction de 1857 : ne pas « anticiper sur des résultats qu’il faut d’abord démontrer ne peut être que fâcheux et le lecteur qui voudra bien me suivre devra se décider à s’élever du singulier au général ». Ci-après, Marx assène le « général », anticipant sur un « singulier » dont je ne sais pas si quelqu’un l’a jamais trouvé dans l’œuvre de Marx1.
Préface de la Contribution à la critique de l’économie politique (1859)
[1. (D.M.) Rapports de production (en correspondance avec les forces productives), la base]In der gesellschaftlichen Produktion ihres Lebens gehen die Menschen bestimmte, notwendige, von ihrem Willen unabhängige verhältnisse ein, Produktionsverhältnisse, die einer bestimmten Entwicklungsstufe ihrer materiellen Produktivkräfte entsprechen. Die Gesamtheit dieser Produktionsverhältnisse bildet die ökonomische Struktur der Gesellschaft, die reale Basis, worauf sich ein juristischer und politischer Überbau erhebt, und welcher bestimmte gesellschaftliche Bewußtseinsformen entsprechen.
dans la production sociale de leur existence, les hommes entrent en des rapports déterminés, nécessaires, indépendants de leur volonté, rapports de production qui correspondent à un degré de développement déterminé de leurs forces productives matérielles. L’ensemble de ces rapports de production constitue la structure économique de la société, la base concrète sur laquelle s’élève une superstructure juridique et politique et à laquelle correspondent des formes de conscience sociales déterminées.
In de maatschappelijke productie van hun leven treden de mensen in bepaalde, noodzakelijke van hun wil onafhankelijke verhoudingen, productieverhoudingen; deze productieverhoudingen beantwoorden aan een bepaald ontwikkelingsniveau van hun materiële productiekrachten. Het geheel van deze productieverhoudingen vormt de economische structuur van de maatschappij, de materiële basis waarop zich een juridische en politieke bovenbouw verheft en waaraan specifieke maatschappelijke vormen van bewustzijn beantwoorden.
In the social production of their existence, men inevitably enter into definite relations, which are independent of their will, namely relations of production appropriate to a given stage in the development of their material forces of production. The totality of these relations of production constitutes the economic structure of society, the real foundation, on which arises a legal and political superstructure and to which correspond definite forms of social consciousness.
Préface de la Contribution à la critique de l’économie politique (1859)
[2. (D.M.) La base conditionne la superstructure et la conscience]Die Produktionsweise des materiellen Lebens bedingt den sozialen, politischen und geistigen Lebensprozeß überhaupt. Es ist nicht das Bewußtsein der Menschen, das ihr Sein, sondern umgekehrt ihr gesellschaftliches Sein, das ihr Bewußtsein bestimmt.
Le mode de production de la vie matérielle conditionne p. 3le processus de vie social, politique et intellectuel dans son ensemble. Ce n’est pas la conscience des hommes qui détermine leur être ; c’est inversement leur être social qui détermine leur conscience.
De wijze waarop het materiële leven wordt geproduceerd, is voorwaarde voor het sociale, politieke en geestelijke levensproces in het algemeen. Het is niet het bewustzijn van de mensen dat hun zijn, maar omgekeerd hun maatschappelijk zijn dat hun bewustzijn bepaalt.
The mode of production of material life conditions the general process of social, political and intellectual life. It is not the consciousness of men that determines their existence, but their social existence that determines their consciousness.
Préface de la Contribution à la critique de l’économie politique (1859)
[3. (D.M.) La contradiction entre les forces productives et les rapports de production]Auf einer gewissen Stufe ihrer Entwicklung geraten die materiellen Produktivkräfte der Gesellschaft in Widerspruch mit den vorhandenen Produktionsverhältnissen oder, was nur ein juristischer Ausdruck dafür ist, mit den Eigentumsverhältnissen, innerhalb deren sie sich bisher bewegt hatten. Aus Entwicklungsformen der Produktivkräfte schlagen diese verhältnisse in Fesseln derselben um. Es tritt dann eine Epoche sozialer Revolution ein.
À un certain stade de leur développement, les forces productives matérielles de la société entrent en contradiction avec les rapports de production existants, ou, ce qui n’en est que l’expression juridique, avec les rapports de propriété au sein desquels elles s’étaient mues jusqu’alors. De formes de développement des forces productives qu’ils étaient, ces rapports en deviennent des entraves. Alors s’ouvre une époque de révolution sociale.
Op een bepaalde trap van hun ontwikkeling raken de materiële productiekrachten van de maatschappij in tegenspraak met de bestaande productieverhoudingen, of, wat slechts een juridische uitdrukking voor hetzelfde is, met de eigendomsverhoudingen, waarin zij zich tot dusver hadden bewogen. Van vormen waarin de productiekrachten tot ontwikkeling kwamen, slaan deze verhoudingen om in ketenen daarvan. Dan breekt een tijdperk van sociale revolutie aan.
At a certain stage of development, the material productive forces of society come into conflict with the existing relations of production or – this merely expresses the same thing in legal terms – with the property relations within the framework of which they have operated hitherto. From forms of development of the productive forces these relations turn into their fetters. Then begins an era of social revolution.
Préface de la Contribution à la critique de l’économie politique (1859)
[4. (D.M.) Un tel bouleversement doit examiné comme fait matériel et non jugé à partir de ce qu’en pensent les acteurs]Mit der Veränderung der ökonomischen Grundlage wälzt sich der ganze ungeheure Uberbau langsamer oder rascher um. In der Betrachtung solcher Umwälzungen muß man stets unterscheiden zwischen der materiellen, naturwissenschaftlich treu zu konstatierenden Umwälzung in den ökonomischen Produktionsbedingungen und den juristischen, politischen, religiösen, künstlerischen oder philosophischen, kurz, ideologischen Formen, worin sich die Menschen dieses Konflikts bewußt werden und ihn ausfechten. Sowenig man das, was ein Individuum ist, nach dem beurteilt, was es sich selbst dünkt, ebensowenig kann man eine solche Umwälzungsepoche aus ihrem Bewußtsein beurteilen, sondern muß vielmehr dies Bewußtsein aus den Widersprüchen des materiellen Lebens, aus dem vorhandenen Konflikt zwischen gesellschaftlichen Produktivkräften und Produktionsverhältnissen erklären.
La transformation dans la base économique bouleverse plus ou moins rapidement toute l’énorme superstructure. Lorsqu’on considère de tels bouleversements, il faut toujours distinguer entre le bouleversement matériel des conditions de production économiques, constaté avec la rigueur des sciences de la nature, et les formes juridiques, politiques, religieuses, artistiques ou philosophiques, bref, les formes idéologiques sous lesquelles les hommes prennent conscience de ce conflit et le mènent jusqu’au bout. Pas plus qu’on ne juge un individu sur l’idée qu’il se fait de lui-même, on ne saurait juger une telle époque de bouleversement sur sa conscience de soi ; il faut, au contraire, expliquer cette conscience par les contradictions de la vie matérielle, par le conflit qui existe entre les forces productives sociales et les rapports de production.
Met de verandering van de economische grondslag wentelt zich — langzaam of snel — de gehele reusachtige bovenbouw om. Wanneer men dergelijke omwentelingen onderzoekt, moet men altijd onderscheid maken tussen de materiële omwenteling in de economische voorwaarden van de productie, die natuurwetenschappelijk exact kan worden vastgesteld, en de juridische, politieke, godsdienstige, artistieke of filosofische, kortom ideologische vormen, waarin de mensen zich van dit conflict bewust worden en het uitvechten. Zomin als men een individu beoordeelt naar wat het van zichzelf vindt, zomin kan men een dergelijk tijdperk van omwenteling beoordelen vanuit zijn eigen bewustzijn; men moet veeleer dit bewustzijn verklaren uit de tegenspraken van het materiële leven, uit het bestaande conflict tussen maatschappelijke productiekrachten en productieverhoudingen.
The changes in the economic foundation lead sooner or later to the transformation of the whole immense superstructure. In studying such transformations it is always necessary to distinguish between the material transformation of the economic conditions of production, which can be determined with the precision of natural science, and the legal, political, religious, artistic or philosophic — in short, ideological forms in which men become conscious of this conflict and fight it out. Just as one does not judge an individual by what he thinks about himself, so one cannot judge such a period of transformation by its consciousness, but, on the contrary, this consciousness must be explained from the contradictions of material life, from the conflict existing between the social forces of production and the relations of production.
Préface de la Contribution à la critique de l’économie politique (1859)
[5. (D.M.) Encore sur la correspondance entre forces productives et rapports de production]Eine Gesellschaftsformation geht nie unter, bevor alle Produktivkräfte entwickelt sind, für die sie weit genug ist, und neue höhere Produktionsverhältnisse treten nie an die Stelle, bevor die materiellen Existenzbedingungen derselben im Schoß der alten Gesellschaft selbst ausgebrütet worden sind. Daher stellt sich die Menschheit immer nur Aufgaben, die sie lösen kann, denn genauer betrachtet wird sich stets finden, daß die Aufgabe selbst nur entspringt, wo die materiellen Bedingungen ihrer Lösung schon vorhanden oder wenigstens im Prozeß ihres Werdens begriffen sind. In großen Umrissen können asiatische, antike, feudale und modern bürgerliche Produktionsweisen als progressive Epochen der ökonomischen Gesellschaftsformation bezeichnet werden.
Une formation sociale ne disparaît jamais avant que soient développées toutes les forces productives qu’elle est assez large pour contenir, jamais des rapports de production nouveaux et supérieurs ne s’y substituent avant que les conditions d’existence matérielles de ces rapports soient écloses dans le sein même de la vieille société. C’est pourquoi l’humanité ne se propose jamais que des tâches qu’elle peut résoudre, car, à y regarder de plus près, il se trouvera toujours que la tâche elle-même ne surgit que là où les conditions matérielles pour la résoudre existent déjà ou du moins sont en voie de devenir. À grands traits, les modes de production asiatique, antique, féodal et bourgeois moderne peuvent être qualifiés d’époques progressives de la formation sociale économique.
Een maatschappijformatie gaat nooit onder, voordat alle productiekrachten tot ontwikkeling gebracht zijn die zij kan omvatten, en nieuwe, hogere productieverhoudingen treden nooit in de plaats, voordat de materiële bestaansvoorwaarden ervoor in de schoot van de oude maatschappij zelf zijn uitgebroed. Daarom stelt de mensheid zich altijd slechts taken, die zij kan volbrengen. Want bij nader toezien zal steeds blijken, dat de taak zelf eerst opkomt, waar de materiële voorwaarden voor haar volbrenging reeds aanwezig zijn of althans in staat van wording verkeren. In grote trekken kunnen Aziatische, antieke, feodale en modern burgerlijke productiewijzen aangeduid worden als voortschrijdende tijdperken van de economische maatschappijformatie.
No social order is ever destroyed before all the productive forces for which it is sufficient have been developed, and new superior relations of production never replace older ones before the material conditions for their existence have matured within the framework of the old society. Mankind thus inevitably sets itself only such tasks as it is able to solve, since closer examination will always show that the problem itself arises only when the material conditions for its solution are already present or at least in the course of formation. In broad outline, the Asiatic, ancient, feudal and modern bourgeois modes of production may be designated as epochs marking progress in the economic development of society.
Préface de la Contribution à la critique de l’économie politique (1859)
[6. (D.M.) Dernière forme antagonique, sortie de la préhistoire de la société humaine]Die bürgerlichen Produktionsverhältnisse sind die letzte antagonistische Form des gesellschaftlichen Produktionsprozesses, antagonistisch nicht im Sinn von individuellem Antagonismus, sondern eines aus den gesellschaftlichen Lebensbedingungen der Individuen hervorwachsenden Antagonismus, aber die im Schoß der bürgerlichen Gesellschaft sich entwickelnden Produktivkräfte schaffen zugleich die materiellen Bedingungen zur Lösung dieses Antagonismus. Mit dieser Gesellschaftsformation schließt daher die Vorgeschichte der menschlichen Gesellschaft ab.
Les rapports de production bourgeois sont la dernière forme antagoniste du processus de production sociale, antagoniste non pas dans le sens d’un antagonisme individuel, mais d’un antagonisme qui naît des conditions d’existence sociale des individus ; cependant les forces productives qui se développent au sein de la société bourgeoise créent en même temps les conditions matérielles pour résoudre cet antagonisme. Avec cette formation sociale s’achève donc la préhistoire de la société humaine.
De burgerlijke productieverhoudingen zijn de laatste antagonistische vorm van het maatschappelijke productieproces; antagonistisch niet in de zin van individueel antagonisme, maar van een antagonisme dat voortkomt uit de maatschappelijke levensvoorwaarden van de individuen. Maar de productiekrachten die in de schoot van de burgerlijke maatschappij tot ontwikkeling komen, scheppen tegelijk de materiële voorwaarden om dit antagonisme op te lossen. Met deze maatschappijformatie eindigt daarom de voorgeschiedenis van de menselijke maatschappij.
The bourgeois mode of production is the last antagonistic form of the social process of production – antagonistic not in the sense of individual antagonism but of an antagonism that emanates from the individuals’ social conditions of existence – but the productive forces developing within bourgeois society create also the material conditions for a solution of this antagonism. The prehistory of human society accordingly closes with this social formation.
Au mot superstructure on pourrait opposer celui d’infrastructure qui désigne la base d’une construction importante (d’un « ouvrage d’art ») ou les équipements de base d’un pays comme les routes, chemins de fer, gares, canaux, ports. Certains auteurs disent infrastructure pour base dans un sens marxiste ; cela me semble de nature à encourager la confusion, une conception de la base comme matérielle au sens étroit. Ici la base concrète de Marx, cette structure économique, on pourrait légitimement la qualifier de matérielle aussi (ça existe vraiment), mais ce n’est ni l’infrastructure (au sens qu’on a dit), ni les forces productives, ni la production ; ce sont les rapports sociaux de production. La base économique est donc chez Marx le lieu où des classes se font face et s’opposent. Ce qui se trouve dans la superstructure, ce sont les organisations de classe, la conscience de classe… Si on entend politique au sens grec ancien de ce qui structure la πόλις (sens ancien mais qui survit dans économie politique), la politique, en ce sens premier, plus fondamental, ferait partie de la base. Ce qui se trouve dans la superstructure, ce sont les formes de la politique.
Concernant [2. (D.M.) La base conditionne la superstructure et la conscience]C’est un des passages les plus connus. La deuxième phrase ne me semble pas poser de problème. (Il y revient en [4.].) Quand on lit la première, il ne faut pas oublier que le mode de production de la vie matérielle, ce n’est pas la production seulement, mais les rapports sociaux de production, comme je l’ai fait remarquer à propos du [1.].
Concernant [3. (D.M.) La contradiction entre les forces productives et les rapports de production]Ni les forces productives, ni les rapports sociaux (ou leur expression juridique) ne vont se mettre à faire eux-mêmes la révolution, qu’ils soient en contradiction ou non. Il revient donc à l’historien, en analysant tel ou tel tournant de l’histoire, à montrer dans le cas concret comment des difficultés entre les forces productives et les rapports sociaux ont conduit tel ou tel groupe social à mener une lutte qui transforme la société. À mon sens, la phrase « … deviennent des entraves. Alors s’ouvre… » doit être comprise comme un programme de recherche, pas comme une loi de l’histoire. Lui-même a annoncé ça seulement comme « fil conducteur ». (Cette idée était déjà dans le Manifeste. Il y revient en [5.].) Je ne sais s’il développe ça quelque part et s’il en donne des exemples historiques.
Concernant [4. (D.M.) Un tel bouleversement doit examiné comme fait matériel et non jugé à partir de ce qu’en pensent les acteurs]Prolongement du [2.], particulièrement pour les événements révolutionnaires.
Concernant [5. (D.M.) Encore sur la correspondance entre forces productives et rapports de production]Cela prolonge le [3.] Le passage [3.] dit qu’il y a révolution quand les relations sociales font entrave aux forces productives. Le [5.] dit que ça ne peut pas arriver avant. Cela appelle la même remarque que concernant [3.] : il n’existe pas de loi de l’histoire qu’on puisse appliquer a priori2, mais il y a des choses qu’il faut avoir en tête en examinant l’histoire. En particulier, on ne peut avoir des rapports sociaux qui dépassent les possibilités techniques.
Concernant [6. (D.M.) Dernière forme antagonique, sortie de la préhistoire de la société humaine]Très belle conclusion, qui rappelle le Manifeste. On sait que le capitalisme casse toutes les traditions paralysantes des sociétés précédentes et engendre la classe travailleuse qui mettra fin à ce mode de production. En attendant, il perfectionne les techniques, dont le socialisme pourra tirer avantage.
⁂
En conclusion, ce texte est à lire avec prudence. On est dans une préface, le raccourci du « résultat général auquel j’arrivai et qui une fois acquis servit de fil conducteur à mes études ». Le point de départ est la critique de Hegel, qui le conduit à l’économie politique et à la critique de celle-ci. Ce qu’il a étudié de l’histoire lui a fait voir l’importance de la relation entre forces productives et rapports de production et il a résolu de toujours garder ça présent à l’esprit, comme fil conducteur, pour la suite. Marx n’est pas le genre de type qui prétend donner en trois phrases dans une préface le dernier mot d’une sorte de cause première de tous les grands tournants de l’histoire. Ailleurs, il a écrit justement qu’on ne fait pas de l’histoire avec des principes philosophiques et là précisément, il invoque l’exemple de la Rome antique, dont le déclin n’est certainement pas réductible à quelques simples « lois de l’histoire ». On a tendance à présenter (dans des formations élémentaires au marxisme, par exemple) comme une loi universelle, comme le moteur de l’histoire, que les forces productives à un certain stade de leur développement butent sur les entraves que constituent des rapports sociaux dépassés et qu’alors, et alors seulement, on brise ces entraves, les rapports sociaux3. Je pense que c’est prendre ce passage trop à la lettre et que la fidélité à la lettre trahit l’esprit de Marx.
En fin de compte, ce qui compte, ce sont les faits. Avant tout ceci, Marx écrit qu’on ne peut « anticiper sur des résultats qu’il faut d’abord démontrer ». Sur la thèse que j’ai marquée [3.] de la « contradiction » entre forces productives et rapports sociaux de production, la question qui se pose est : Est-ce que Marx ou un autre ont observé ça dans l’histoire et ont dit où et quand ? À ma connaissance non4. La civilisation athénienne n’a pas été victime du développement de ses forces productives, mais d’Alexandre de Macédoine puis des Romains. À leur tour, la République romaine puis l’Empire n’ont pas été victimes du développement des forces productives. Quand en janvier 1649 en Angleterre les tenants du parlement ont condamné à mort le roi Charles Ier et lui ont coupé le cou, on ne peut invoquer la thèse [3.] et, si c’était trop tôt pour la [3.], la révolution anglaise5 serait une réfutation poppérienne de la thèse [5]. On pourrait sans doute en dire autant de la Révolution française. Bref, il semble que personne n’a jamais vu la thèse [3.] se réaliser, jamais, nulle part.