Dominique Meeùs
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Auteurs : A, B, C, D, E, F, G, H, I, J, K, L, M, N, O, P, Q, R, S, T, U, V, W, X, Y, Z,
Auteur-œuvres : A, B, C, D, E, F, G, H, I, J, K, L, M, N, O, P, Q, R, S, T, U, V, W, X, Y, Z,
Je l’ai lu d’abord quand je l’ai trouvé fin 2013 dans cette édition française. Plus tard (en 2020), je l’ai relu dans la réédition de 2015 en anglais.
(Je n’ai jamais bien compris le titre L’Âge de femme et, au début, je me suis demandé si on s’était complètement trompé. J’ai admis par la suite que, n’étant pas très sûr du sens de Women’s Estate, je suis mauvais juge de la traduction. Estate est un mot difficile, sans doute ici dans une acception inhabituelle ou obsolète. On pourrait comparer avec les états dont la convocation débouche sur la révolution française. On pourrait le comprendre comme l’état, le statut, la condition des femmes.)
Je pense, jusqu’à preuve du contraire, que ceci est le livre central, charnière, du début de la seconde vague du féminisme (fin des années 60, années 70). Elle y cite, entre autres, outre bien sûr le Deuxième sexe de Simone de Beauvoir, Firestone 1970 et Millett 1970 et en rend compte. Elle fait un premier point des différentes orientations théoriques et des différents mouvements. Elle sera ensuite citée par beaucoup d’autres. J’en donne ici une table des matières détaillée. (La table dans le livre ne donne pas le détail, seulement les dix chapitres.) Je donne plus de citations et de commentaires dans ma page Mitchell 2015.
Elle explique, p. 92, note (1), qu’elle à repris (en tout ou en partie ?) l’article
Mitchell 1966. et que cela correspond aux chapitres
IV. La politique du Mouvement de Libération des Femmes : II,
V. La condition des femmes : I
et VII. La condition des femmes : III.
Les remerciements, p. 5, mentionnent aussi d’autres articles repris. Comme en chapitre
IV elle mentionne Kate Millet et Shulamith Firestone (pour leurs livres de 1970) et
d’autres écrits ou événements d’après 1966 (dont Mai 68), on sait qu’elle a amplifié
le texte de 1966. Je ne sais par contre pas si elle en aurait omis des passages.
Quelques commentaires suivent la longue table des matières.
Elle a fait pour écrire ce livre une enquête approfondie. Elle souligne (p. 58) la difficulté pour une voyageuse exploratrice venue de l’étranger d’entrer dans la complexité et la diversité des groupes, richesse du mouvement aux États-Unis. En Angleterre, il y a entre les groupes des divergences sectaires héritées de divergences politiques antérieures au mouvement des femmes. Par contre, aux États-Unis, il s’agit de divergences concrètes et de la manière dont le mouvement lui-même s’est développé.
Sur les trotskistes et les maoïstes :
[…] un homme me demanda comment, en Angleterre, les femmes du Mouvement avaient accueilli le soutien de certaines organisations gauchistes qui avaient toujours eu « une ligne juste sur la question des femmes ». Les trotskistes ont toujours eu ce genre d’attitude précisément parce qu’ils n’ont jamais eu de ligne. Il y a une tolérance envahissante dans leurs positions, et un caractère foncièrement anti-historique qui laisse le champ libre à tout sauf à un autre groupe qu’eux ou à un passage à l’action révolutionnaire. Leur insistance à « aller vers la classe ouvrière » (et leur conscience très récente qu’il y a là aussi des femmes) les conduit à poursuivre des objectifs typiquement économistes. Les comités de femmes (ou les groupes trotskistes autonomes du Mouvement de Libération des Femmes) insistent, du moins en Angleterre, uniquement sur la lutte pour l’égalité des salaires. La portée de cette lutte ne fait aucun doute et il se peut même que ce soit une revendication à mettre en avant en ce moment. Pourtant, par rapport à d’autres objectifs, cette urgence tactique ne devrait pas être théorisée comme étant la seule lutte primordiale.
Si les trotskistes nous accueillent à bras ouverts, les maoïstes, en Angleterre, sont très crispés. La tactique qu’ils adoptent consiste plutôt à se lancer dans toute lutte politique qui se situe, à un moment donné, à l’avant-garde, et à se maintenir en serrant sur leur cœur le tabernacle de la « ligne juste ». Ils se définissent en fonction de leur condamnation de tout autre groupe qu’eux. Un jour, dans une réunion du Front de Libération des Femmes, Monsieur Manchandra (surnommé « The Chairman Mao of England » — le Président Mao anglais — que ses camarades abrègent gentiment en « Man » — « homme »), se leva et annonça qu’il était un membre influent du Front de Libération des Femmes. Aujourd’hui, tous les membres de ce groupe maoïste sont des fervents de la libération des femmes, comme auparavant ils étaient tous des étudiants révolutionnaires. Le caractère anti-historique du trotskisme rejoint ainsi l’éternelle ubiquité du maoïsme occidental.
Dans la politique qu’ils adoptent à l’égard de la libération des femmes, aucun de ces deux groupes n’est inconséquent. Ils viennent apporter une énergie politique accumulée antérieurement, et leurs récentes recrues, les femmes, apportent des points de vues nouveaux sur les questions nouvelles. Mais les difficultés surgissent du fait que, par définition, étant un groupuscule dogmatique, ils ont une théorie toute prête, et qu’ils s’attendent à voir tout nouvel orphelin révolutionnaire s’y ajuster.