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L’initiative de la création du comité revient à l’UGS (Union de la gauche socialiste), petit parti de gauche créé à Bruxelles au début de 1965. L’UGS lance l’idée d’une marche de soutien aux grévistes et demande à deux de ses membres, Nicole Gérard et Marthe Van de Meulebroeke de l’organiser. Elles s’attellent à la tâche avec l’aide de Monique Van Tichelen20 et de Marijke Van Hemeldonck21.
« Nous voulions en faire une manifestation pluraliste22. Nous avons contacté d’autres femmes et écrit des lettres aux organisations qui pouvaient être concernées. Certains nous ont suivis, d’autres pas. La manif en elle-même n’a pas été un grand succès : 1 500 personnes environ… mais nous avons été reçues, Régine Orfinger23 et moi, par le président du Sénat. Notre première conférence de presse a eu lieu à l’hôtel de ville de Saint-Josse avec le soutien d’un humaniste généreux, Guy Cudell. »
Créé pour vivre le temps d’une manif, le comité s’installe ensuite dans la durée. La grève de la FN n’a pas été un accident de l’histoire. Les organisatrices sont décidées à ne plus lâcher le sujet. Cette résolution transparaît déjà dans l’appel lancé au soir de la manifestation par Marijke Van Hemeldonck, au pied de la statue de Gabrielle Petit. Cependant les organisatrices ne voient pas clairement la stratégie à adopter. Habituées à agir dans des mouvements mixtes et d’intérêt général, elles hésitent à se centrer exclusivement sur l’égalité hommes-femmes. « Nous étions convaincues que des tas de problèmes subsistaient, mais nous n’étions pas sûres qu’un mouvement autonome serait plus efficace qu’une action à travers les différents partis24. »
Un comité permanent se constitue cependant. Il se réunit d’abord au Centre féminin avant de rejoindre, en 1974, la Maison des femmes. Il comptera jusqu’à un millier de membres. Pierre Vermeylen en devient le président d’honneur et prend un certain plaisir à animer ces réunions, majoritairement féminines, qui se terminent au Trappiste, la brasserie voisine, autour d’un pot25. Avec l’apparition des nouveaux groupes féministes, la présidence masculine du comité est contestée.
« Pourquoi avoir choisi un homme comme président, quand on plaide pour l’égalité des sexes ? » s’indigne à une réunion Danièle Colardyn, du FLF. Très habile, Pierre Vermeylen quitte alors la tribune pour s’asseoir au fond de la salle. « Après tout, elles ont raison… » Le débat continue entre les femmes présentes : « Cela nous étonnait que les féministes critiquent le fait que nous ayons un homme comme président. Nous, au contraire, nous étions choquées de voir qu’il n’y avait pas plus d’hommes dans nos rangs pour défendre l’égalité26… » Participent aussi aux réunions du comité des femmes qui vont ensuite s’impliquer dans le nouveau féminisme (Marie Denis, Lili Boeykens…). Tout naturellement des liens se noueront ainsi dès 1971 entre le comité et les nouveaux groupes féministes.
Jusqu’en 1977, les conférences de presse annuelles du comité sont l’occasion de faire le point sur la situation des travailleuses. Impossible d’isoler les salaires de la classification des postes de travail, de la formation professionnelle, de l’orientation des filles, de la mixité de l’enseignement, de l’absence de promotion… mais aussi du manque de crèches et de toute structure d’aide susceptible d’enrayer les conditions de l’absentéisme, tant reproché aux femmes.
Le comité se lance aussi dans des actions en justice pour faire respecter l’égalité, anticipant l’action du futur Comité de Liaison des Femmes, dans lequel des anciennes d’À travail égal voient leur héritier moral27.
Un des mérites du comité À travail égal, salaire égal est certainement de ne pas s’être borné à la revendication salariale, mais d’avoir su en disséquer les tenants et les aboutissants et déboucher, de ce fait, sur une contestation qui allait nourrir la prise de conscience des nouvelles féministes.