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Dès leur apparition, qui remonte à la Révolution française, les mouvements féministes se sont exprimés à travers une presse vivante et contestataire. Après la guerre, seuls subsistent quelques périodiques dont la diffusion se limite aux membres des diverses associations. Qu’à cela ne tienne, la radio, et les femmes journalistes, qui commencent à pénétrer dans les rédactions les plus misogynes, sont prêtes à prendre le relais…
En France, les chroniques de Marcelle Auclair dans Marie Claire, les enquêtes du magazine Elle, et les émissions télé Les femmes aussi d’Éliane Victor ont rompu le silence sur les problèmes des femmes, qu’il s’agisse de contraception et d’avortement, ou de travail, de salaire et de rapports hommes-femmes. En Belgique, c’est à une émission radio, le Magazine F que l’on doit les premiers débats publics sur ces questions.
L’idée du Magazine F revient à Robert Stéphane, alors directeur du centre de production de Liège28. Le Magazine F est créé à l’automne 1964 en radio. Il est diffusé simultanément sur la 1re et la 2e chaîne de 9 h du matin à 12 h du lundi au vendredi. Il connaît très vite un succès important au point de concurrencer les émissions de RTL qui passent à la même heure… Magazine pour les femmes, essentiellement dirigé vers les femmes au foyer, étant donné les heures de diffusion, se voulant « moderne », c’est-à-dire axé sur la réalité et les préoccupations des femmes de l’époque.
L’émission est présentée par un couple, Laurette Charlier et Georges Pradès, et comporte diverses séquences dont une actualité politique quotidienne réalisée par Lucie Halquin. « En même temps, nous avons conservé le côté traditionnel des émissions féminines : les feuilletons, les conseils pratiques. Moi je suis pour les emballages cadeau29 ! »
À Jacqueline Saroléa, qui vient de rédiger un rapport pour la FGTB de Liège, est confiée une séquence hebdomadaire sur le travail des femmes ; elle s’appelle Radio Vérité. Cette référence, volontaire ou non, au cinéma-vérité, est significative. Jacqueline Saroléa s’efforce en effet de donner la parole au public, hommes et femmes, et de susciter un débat sur les sujets chauds. Ainsi la deuxième saison de Radio Vérité est-elle tout entière consacrée à une discussion sur le thème « qu’est-ce que la féminité ? »
« Lors des débats et interviews de la première saison, j’avais été frappée par la mauvaise conscience des femmes qui travaillaient, notamment par rapport au travail ménager. Elles pensaient qu’elles n’étaient pas à leur place, que travailler professionnellement n’était pas le rôle de la femme, parce que ce n’était pas “féminin”. Curieusement, c’étaient les femmes au foyer qui réclamaient une plus grande participation des hommes aux tâches ménagères, les autres mettant un point d’honneur à tout cumuler… Tout au long de l’année, on a donc débattu du problème avec différents groupes d’hommes et de femmes. Il n’y avait jamais de conclusion et cette absence de conclusion gênait certains auditeurs30. »
C’est aussi dans le cadre du Magazine F qu’on parlera longuement en 1966 des ouvrières en grève à la FN et, plus tard, en 1971, de l’avortement.
« L’équipe a dû se battre pour faire accepter l’idée de consacrer une semaine d’émissions au problème de l’avortement. Un compromis est intervenu qui prévoyait notamment l’écoute préalable des séquences par le directeur. Une seule séquence, qui concernait le Québec, a été supprimée pour être remplacée par une synthèse du problème. Il y avait longtemps que j’avais compris que le plus important c’était qu’on en parle, à la radio, c’est-à-dire publiquement. Qu’on tire enfin de dessous la table cette réalité quotidienne et secrète. Qu’on en dise des choses contradictoires et sans conclusion. Que c’est cela qui fait réfléchir31. »
Au même moment, la presse féminine belge renvoie aux femmes une image on ne peut plus traditionnelle. Le courrier du cœur moralise les problèmes et n’ose évoquer des questions comme la contraception, encore moins l’avortement. Cette attitude lui vaudra d’être contestée violemment par les féministes.
Quant à la « grande » presse, elle réserve à « La » femme une page ou une rubrique hebdomadaire limitée aux sujets traditionnels (cuisine, couture…) et véhicule de nombreux clichés sexistes qui en feront également la cible des féministes.
1864 : Ouverture de la première école secondaire pour filles par Isabelle Gatti de Gamond.
1873 : L’université catholique de Louvain refuse d’inscrire Isala Van Diest.
1880 : L’université libre de Bruxelles accepte des étudiantes.
1888 : Marie Popelin, docteur en droit, se voit refuser l’accès à la profession d’avocat.
1889 : Première loi de protection du travail des femmes et des enfants (interdiction du travail souterrain). Diverses lois allant dans le même sens suivent en 1892, 1906, 1908. Le repos d’accouchement est créé. D’abord non payé et non protégé, il est à partir de 1948 pris en charge par la sécurité sociale.
1892 : Création de la Ligue belge du droit des femmes*.
1900 : La loi autorise la femme mariée à épargner pour son compte propre, à conclure un contrat de travail et à percevoir son salaire.
1905 : Création du Conseil national des femmes belges.
1908 : La loi autorise la femme à agir comme témoin pour les actes d’état civil, à être tuteur et membre d’un conseil de famille et admet la recherche de paternité.
1919 : Le droit de vote est accordé aux veuves et prisonnières de guerre.
1920 : Droit de vote pour toutes les femmes aux élections communales et éligibilité à tous les niveaux ; admission des femmes à l’Université catholique de Louvain.
1921 : Marie Spaak-Janson (POB) est cooptée au Sénat.
1922 : Accès à la profession d’avocat.
1929 : Lucie Dejardin (POB) est la première femme élue directe à la Chambre ; création du Groupement belge de la Porte Ouverte.
1933 : Modification de la loi sur les droits et devoirs des époux : la femme peut hériter et gérer son bien dans le cadre d’un régime de séparation de biens.
1934-1935 : Diverses lois pénalisent le travail de la femme mariée ; le père Rutten dépose une proposition de loi visant à l’interdire purement et simplement. La mobilisation des associations de femmes et des syndicats empêche le vote de ce texte.
1947 : Création à l’ONU de la commission de la condition de la femme .
1948 : Adoption de la Déclaration des droits de l’homme par l’assemblée générale des Nations Unies. Les femmes belges obtiennent le droit de vote aux législatives.
1949 : Les femmes votent pour la première fois aux élections législatives.
1952 : La Belgique ratifie la convention no 100 de l’OIT prévoyant l’égalité de salaires.
1955 : Ouverture en Flandre des deux premiers centres de planning familial.
1957 : Adoption du traité de Rome (créant le Marché commun) dont l’article 119 garantit l’égalité de rémunérations entre les sexes.
1958 : Réforme de la loi sur les droits et devoirs des époux.
1962 : Ouverture à Saint-Josse (Bruxelles) du premier centre de planning familial francophone La Famille Heureuse.
1965 : L’égalité entre les parents est introduite par la loi sur la protection de la jeunesse ; première femme ministre : Marguerite De Riemaecker-Legot.
1966 : Grève des travailleuses de la FN ; création du comité À travail égal, salaire égal.
1967 : Un arrêté royal permet à la travailleuse de recourir aux tribunaux pour faire appliquer le principe de l’égalité de salaires ; l’avortement est légalisé en Grande-Bretagne.
1968 : États généraux de la femme au Palais des congrès de Bruxelles.
1969 : La loi interdit les clauses du contrat de travail prévoyant le licenciement des femmes en cas de mariage ou de maternité.