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La grève des ouvrières de la FN

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Le 16 février 1966, 3 000 ouvrières de la Fabrique nationale d’armes de guerre de Herstal se mettent en grève, sans préavis, avec comme revendication principale l’application de l’article 119 du traité de Rome : « À travail égal, salaire égal ». C’est une grève sauvage, qui est cependant rapidement reconnue par les syndicats. Le feu couvait et n’a surpris personne. Côté salaire, les femmes-machines de la FN gagnent moins que le dernier des balayeurs… Côté travail, les conditions sont archaïques et leur description accroît encore la sympathie qui se manifeste spontanément, de partout, à l’égard des grévistes.

Leur action dure douze semaines et suscite un vaste mouvement de solidarité. Elle se termine par une demi-victoire : les ouvrières sont augmentées de 2 F 75 (elles en demandaient 5) et une commission est chargée de revoir les classifications défavorables aux femmes. Il faudra une deuxième grève en 1974 pour qu’elles obtiennent des améliorations notables dans les conditions de travail et de salaires.

On a beaucoup écrit sur la grève des femmes de la FN et notre propos n’est pas de revenir en détail sur cet événement historique qui a été analysé en profondeur par Marie-Thérèse Coenen17. Nous tenons cependant à relever l’impact de l’événement sur l’opinion publique et la création du comité À travail égal, salaire égal, qui représente une sorte de transition entre le féminisme « à l’ancienne » et le nouveau féminisme des années septante.

Par l’écho fait aux conditions de travail et aux salaires des travailleuses de la FN, cette grève joue, en effet, un élément déclencheur dans la nouvelle vague féministe.

Pour Éliane Vogel, « ce fut mon révélateur personnel, ce qui m’a amenée au féminisme. Comme sociologue et comme juriste, j’ai fait des enquêtes sur place. Je ne m’attendais pas à ce que soit ainsi18 ! »

« La grève de la FN a été pour moi une révélation, explique en écho Marthe Van de Meulebroeke. Après 1948 et le droit de vote des femmes, on croyait que tout allait suivre. Je ne m’étais pas rendu compte à quel point les salaires des femmes étaient inférieurs à ceux des hommes. Tant que j’étais aux études, je n’ai pas fait l’expérience de l’inégalité et dans ma profession d’enseignante, il n’y avait pas de discrimination. Je pensais qu’il y avait des problèmes plus importants que ceux de ma promotion individuelle en tant que femme. En découvrant l’ampleur des discriminations, j’ai été scandalisée, mais aussi délivrée d’un sentiment de culpabilité vis-à-vis de l’affirmation du féminisme comme combat valable19. »

Notes
17.
La grève des femmes de la FN en 1966, Marie-Thérèse Coenen, POL-HIS, 1991.
18.
Interview d’Éliane Vogel-Polsky.
19.
Marthe Van de Meulebroeke était professeur de morale, et animait l’émission de morale laïque  ; interview, novembre 1991.
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