Manuel d’économie politique de l’Académie des sciences de l’URSS
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40.5. Comment disparaîtra la différence essentielle entre le travail intellectuel et le travail manuel.

Pour passer au communisme, la société doit atteindre un niveau de culture qui assure à chacun le développement complet et harmonieux de ses facultés physiques et mentales.

L’opposition entre le travail manuel et le travail intellectuel ayant disparu, le problème posé au cours de l’édification du communisme, est de supprimer la différence essentielle qui continue d’exister entre eux en régime socialiste. La différence essentielle entre le travail manuel et le travail intellectuel réside dans le fait que, par leur niveau culturel et technique, la plupart des ouvriers restent encore au-dessous des ingénieurs et des techniciens, et la plupart des kolkhoziens au-dessous des agronomes.

Or, le perfectionnement constant de la technique, dans l’industrie et l’agriculture : électrification, mécanisation combinée, applications multiples de la chimie, etc., requiert de plus en plus des travailleurs un niveau élevé de connaissances générales aussi bien que spéciales (du niveau des ingénieurs et des techniciens et des agronomes), faute de quoi il est impossible d’atteindre le niveau de la productivité du travail social qui est indispensable pour passer au communisme. De là découle la nécessité objective d’un progrès culturel rapide de la société, de la suppression de la différence essentielle entre le travail manuel et le travail intellectuel.

Pour supprimer cette différence essentielle, il faut élever le niveau culturel et technique des ouvriers jusqu’à celui des ingénieurs et des techniciens, et le niveau culturel et technique des kolkhoziens jusqu’à celui des agronomes.

L’émulation socialiste, à laquelle participe la très grande majorité de la classe ouvrière et de la paysannerie kolkhozienne, contribue très efficacement à faire disparaître la différence essentielle entre le travail manuel et le travail intellectuel. Un nombre toujours croissant d’ouvriers s’assimilent à la perfection la technique et la technologie modernes de la production ; le nombre des rationalisateurs et des inventeurs augmente. Des couches étendues d’ouvriers s’élèvent graduellement au niveau des ingénieurs et des techniciens.

Définissant le mouvement stakhanoviste comme une nouvelle étape de l’émulation socialiste, Staline signalait, dès 1935, qu’il contenait en germe le futur essor culturel et technique de la classe ouvrière, qu’il ouvrait la voie

qui seule nous permettra d’atteindre les indices plus élevés de la productivité du travail, indices nécessaires pour passer du socialisme au communisme. (J. Staline, « Discours prononcé à la première conférence des stakhanovistes de l’U.R.S.S. », Les Questions du léninisme, t. 2, p. 201.)

Quand les ouvriers se seront élevés au niveau culturel et technique des ingénieurs et des techniciens, et les kolkhoziens au niveau des agronomes, un nouvel essor de la productivité du travail, sans précédent dans l’histoire, sera réalisé, qui assurera l’abondance de tous les biens matériels.

À mesure que la productivité du travail social augmentera, seront créées les conditions économiques d’une réduction graduelle de la journée de travail. À son tour, ceci permettra aux membres de la société de consacrer beaucoup plus de temps et d’efforts à acquérir des connaissances et à cultiver leur esprit, à développer harmonieusement toutes leurs aptitudes physiques et intellectuelles.

Pour que disparaisse la différence essentielle entre le travail manuel et le travail intellectuel, il faut rendre général et obligatoire l’enseignement polytechnique qui, a dit Lénine, familiarisera théoriquement et pratiquement les élèves avec les principales branches de production. En élargissant l’horizon des travailleurs, en leur faisant connaître les bases sur lesquelles repose la grande production moderne, l’enseignement polytechnique leur permettra de se choisir librement une profession.

Pour élever le niveau culturel de tous les membres de la société, il faudra développer l’instruction polytechnique générale et obligatoire, l’enseignement technique secondaire et l’enseignement supérieur, l’enseignement par correspondance, créer un vaste réseau de différents cours et former, sur les lieux mêmes du travail, des cadres pour les professions courantes.

Le relèvement du niveau de connaissances et de culture des ouvriers et des paysans jusqu’à celui des ingénieurs, des techniciens et des agronomes fera disparaître les différences qui existent entre les ouvriers et les paysans, d’une part, et les intellectuels, d’autre part.

La société socialiste a remporté d’importants succès en ce qui concerne l’élévation du bien-être de la population. Mais pour assurer dans tous les domaines le progrès culturel qui seul permettra de passer au communisme, il faudra améliorer radicalement les conditions de logement, élever sensiblement le salaire réel des ouvriers et des employés, ainsi que les revenus réels des kolkhoziens. Cela ne peut être réalisé que grâce à une croissance rapide de la production et de la productivité du travail.

L’essor général des forces productives et de la culture fera disparaître définitivement le travail non qualifié et les durs travaux manuels, ainsi que l’ancienne division du travail qui entraînait l’obligation d’exercer toute sa vie une même profession.

S’il supprime l’ancienne division du travail, le communisme ne nie pas pour autant la nécessité de la division du travail. Pour édifier le communisme, des spécialistes qualifiés, harmonieusement développés, sont indispensables dans les différents domaines de la production, des sciences et de la technique.

Les membres de la société communiste posséderont la formation technique nécessaire pour employer les moyens techniques perfectionnés et diriger les opérations complexes de la production, et ils pourront non seulement produire des biens matériels, mais encore s’adonner aux sciences et aux arts. La disparition de la différence essentielle entre le travail intellectuel et le travail manuel ne signifie pas que toute différence disparaîtra entre ces formes de travail. Il subsistera certaines distinctions, non essentielles il est vrai, liées aux particularités des divers domaines de la production, de la science et de la culture.

L’éducation communiste, dont le but fondamental est de former un homme nouveau pour qui le travail deviendra le premier besoin vital, acquiert dans ces conditions une importance énorme. Définissant le travail en régime communiste, Lénine écrivait :

Le travail communiste, au sens plus étroit, plus strict du mot, est un travail non rémunéré au profit de la société ; il n’est effectué ni comme une prestation déterminée, ni pour avoir droit à certains produits, ni selon des normes légales fixées d’avance ; c’est un travail librement consenti, en dehors de toute norme et fourni sans attente de rémunération, sans rétribution convenue, le travail conditionné par l’habitude de travailler pour la communauté et par le sentiment conscient (devenu habitude) de la nécessité de travailler au profit de la communauté ; c’est le travail considéré comme le besoin d’un organisme sain.

V. Lénine, « De la destruction d’un ordre séculaire à la création de l’ordre nouveau », Œuvres, t. 30, p. 530.

Le communisme suppose un niveau de conscience élevé chez les membres de la société. Les germes d’une attitude nouvelle, communiste, envers le travail et la propriété sociale, dans les rapports entre les hommes, existent déjà dans la société socialiste. Avec le temps, appliquer les principes communistes deviendra chose toute naturelle et ordinaire pour des hommes ayant atteint un haut degré d’instruction et de culture. Mais n’oublions pas que, dans la société socialiste, les survivances du capitalisme sont encore loin d’avoir disparu de la conscience des hommes, du fait que la conscience retarde sur l’être, et que les forces réactionnaires du monde bourgeois s’attachent par tous les moyens à les entretenir et à les ranimer. D’où la nécessité de triompher de ces survivances, d’élever très haut le niveau de culture et de conscience communiste des masses populaires. La lutte contre les vestiges de l’ancienne attitude envers le travail et la propriété sociale, contre le bureaucratisme, contre les survivances du passé dans la vie et la morale, contre les préjugés religieux, a une importance considérable durant toute la période du passage du socialisme au communisme. Pour triompher de toutes ces survivances du capitalisme, il est indispensable d’effectuer parmi les masses un travail politique et éducatif persévérant et opiniâtre, d’éduquer le peuple tout entier dans l’esprit du communisme.