Manuel d’économie politique de l’Académie des sciences de l’URSS
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40.4. Comment disparaîtra la différence essentielle entre la ville et la campagne.

La croissance des forces productives de la société socialiste entraînera nécessairement des changements dans les rapports de production. À la phase supérieure du communisme, ceux-ci auront pour base une forme unique de propriété collective : la propriété communiste du peuple tout entier des moyens de production. Pour passer à la propriété communiste unique, il faut renforcer et développer au maximum la propriété d’État (du peuple tout entier) et la propriété coopérative-kolkhozienne, et élever graduellement la propriété coopérative-kolkhozienne au niveau de la propriété du peuple tout entier. C’est sur la base de la propriété communiste unique que disparaîtra la différence essentielle entre la ville et la campagne.

Au stade du socialisme, la différence essentielle entre la ville et la campagne, entre l’industrie et l’agriculture, entre les ouvriers et la paysannerie kolkhozienne, est la suivante : l’industrie est propriété d’État (du peuple tout entier), alors que dans l’agriculture existe la propriété kolkhozienne, propriété de groupe. L’industrie est beaucoup plus électrifiée, mécanisée, automatisée, les applications de la chimie y sont plus nombreuses. Malgré la révolution culturelle qui s’est produite à la campagne, le niveau culturel et technique de l’ensemble de la population rurale n’a pas encore atteint celui de la population urbaine.

La différence essentielle entre la ville et la campagne disparaît au cours même de l’édification du communisme. L’industrie socialiste est le facteur déterminant de la suppression de la différence essentielle entre la ville et la campagne, entre l’industrie et l’agriculture. Le développement au maximum de la grande industrie permettra seul de réaliser intégralement la mécanisation combinée de toutes les branches de l’agriculture.

L’industrie socialiste s’acquitte de son rôle de transformatrice de l’agriculture avant tout par l’intermédiaire des stations de machines et de tracteurs qui jouent le rôle capital dans le développement de la production kolkhozienne. Les S.M.T., importants centres industriels de l’agriculture socialiste et promotrices des meilleures méthodes de culture, desservent dans une mesure toujours plus grande et plus efficace la production kolkhozienne grâce à un matériel ultra-moderne et à des cadres permanents d’ingénieurs et de techniciens qualifiés. Par l’intermédiaire des S.M.T., l’État socialiste dirige le développement des kolkhoz dans la voie du passage graduel du socialisme au communisme. L’importance des sovkhoz, prototypes de l’agriculture la plus grande et la plus mécanisée, s’affirme toujours davantage. C’est ainsi que la propriété d’État, du peuple tout entier, joue un rôle croissant dans l’essor continu de toute l’agriculture socialiste.

L’électrification contribue puissamment à rapprocher la campagne de la ville. Les nouvelles et puissantes centrales hydroélectriques fourniront de prodigieuses quantités d’électricité à l’industrie, mais aussi à l’agriculture. Ce sont surtout elles qui permettront d’électrifier cette dernière. Parallèlement, la construction de petites centrales kolkhoziennes se poursuit sur une grande échelle. Les stations de machines et de tracteurs électriques, qui emploient des tracteurs et des moissonneuses-batteuses électriques et qui permettent d’utiliser largement l’énergie électrique dans l’élevage, seront autant de points d’appui de l’électrification combinée de l’agriculture. Ces stations constituent de nouvelles bases énergétiques de l’agriculture, mais aussi des foyers culturels.

L’artel agricole est, pour les kolkhoz, la forme fondamentale durant la période du passage graduel du socialisme au communisme. Associant l’exploitation collective, force principale du kolkhoz, à l’exploitation auxiliaire individuelle des kolkhoziens, il répond le mieux, en régime socialiste, aux intérêts de l’État, des kolkhoz et des kolkhoziens. Il comporte des réserves prodigieuses, qui sont encore loin d’avoir été complètement utilisées, d’élévation de productivité du travail et d’augmentation de la richesse des kolkhoz. S’aidant de l’équipement technique perfectionné des S.M.T., les kolkhoz développent leur exploitation collective, appelée à assurer l’abondance des produits agricoles.

À mesure que se renforce et se développe l’exploitation collective des kolkhoz, les problèmes relatifs à l’organisation des services sociaux et culturels et à la construction d’habitations reçoivent progressivement leur solution. L’exploitation collective des kolkhoz sera de plus en plus capable de contenter les multiples besoins personnels des kolkhoziens. Elle pourra, une fois réalisée l’abondance des produits agricoles, satisfaire les besoins et de l’État, et des kolkhoz, et des kolkhoziens. Ces derniers n’auront plus intérêt à posséder en propre des vaches et de petit bétail, à cultiver des pommes de terre et des légumes sur le terrain attenant à leur habitation. Alors disparaîtra la nécessité économique d’une exploitation auxiliaire individuelle.

Le renforcement et le développement ininterrompus de la base matérielle et technique de la production kolkhozienne créeront peu à peu les conditions d’une transformation de l’artel agricole en une commune agricole hautement développée, forme supérieure du mouvement kolkhozien.

L’artel développé et aisé donnera naissance à la commune future. La commune agricole de demain naîtra lorsque les champs et les fermes de l’artel regorgeront de céréales, de bétail, de volailles, de légumes et de produits de toutes sortes ; lorsque l’artel ouvrira des lavoirs mécaniques, des cuisines et des réfectoires modernes, des usines de panification, etc. ; lorsque le kolkhozien verra qu’il lui est plus avantageux de prendre la viande et le lait à la ferme du kolkhoz que d’élever sa vache et son petit bétail ; lorsque la kolkhozienne verra qu’il est plus avantageux de prendre ses repas au réfectoire, de prendre son pain à l’usine de panification et de faire laver son linge au lavoir public que de s’occuper de ces choses elle-même. La commune de demain naîtra sur la base d’une technique et d’un artel plus développés, à la faveur de l’abondance des produits.

J. Staline, « Rapport au 17e Congrès du P.C. (b) de l’U.R.S.S. », Les Questions du léninisme, t. 2, p. 177.

La transformation de l’artel en commune se produira à mesure que seront créées les conditions matérielles indispensables et que les kolkhoziens se convaincront par eux-mêmes de la nécessité du passage à la commune.

La suppression de la différence essentielle entre la ville et la campagne ne signifie nullement une diminution du rôle des grandes villes. La répartition méthodique de l’industrie dans l’ensemble du pays, le rapprochement des entreprises industrielles des sources de matières premières entraînent l’apparition de villes nouvelles. Les villes, foyers du développement maximum de la culture matérielle et spirituelle, centres de la grande industrie, contribueront à égaliser les conditions d’existence à la ville et à la campagne. Le rôle progressiste de la ville socialiste, incarnation et promotrice des conquêtes les plus récentes de la science et de la culture d’avant-garde, s’affirme de plus en plus. La physionomie des vieilles cités se modifie profondément. En régime socialiste, le réaménagement des villes a pour but de remédier au surpeuplement et d’améliorer les conditions sanitaires par des plantations de verdure et l’application des dernières réalisations en matière d’urbanisme.

Les moyens de transport sont appelés à jouer un rôle considérable dans la suppression de la différence essentielle entre la ville et la campagne. Ils relient en un tout les centres industriels et les régions agricoles. Le développement des transports ferroviaires, automobiles, par eau et aériens, le transport de l’énergie électrique à grande distance, le perfectionnement et l’usage de plus en plus répandu de la radio et de la télévision, constituent d’importants facteurs de rapprochement économique et culturel entre la ville et la campagne. Ils permettent à la population des campagnes de bénéficier de tous les bienfaits de la culture à l’égal de la population des villes.

Tant qu’il existe dans l’économie nationale deux principaux secteurs de production : celui de l’État et celui des kolkhoz, subsistent forcément la production et la circulation marchandes, que l’État socialiste utilise avec succès pour bâtir le communisme. Ce n’est que sur la base de la propriété communiste unique que la production marchande et les catégories économiques qui y sont attachées finiront par disparaître.

À la phase supérieure du communisme, en même temps que la production marchande disparaîtront la valeur et ses différentes formes, de même que la loi de la valeur. La quantité de travail dépensé pour créer des produits sera mesurée non par une voie détournée : par l’intermédiaire de la valeur et de ses différentes formes, comme sous le régime de la production marchande, mais directement par le temps de travail dépensé pour créer ces produits.

Le temps de travail reste toujours, même quand la valeur d’échange a disparu, l’essence créatrice de la richesse et la mesure des frais nécessités par sa production.

K. Marx, Les Théories de la plus-value, t. 2I, p. 198, (éd. russe).

Dans la période correspondant à l’achèvement de l’édification de la société socialiste et au passage graduel du socialisme au communisme, l’alliance fraternelle des ouvriers et des paysans se renforce de plus en plus. Ces deux classes ont les mêmes intérêts fondamentaux et un but unique : l’édification du communisme. La consolidation de la propriété communiste des moyens de production est la base de la disparition définitive de la ligne de démarcation entre la classe ouvrière et la paysannerie kolkhozienne.

Après la disparition, en régime communiste, de la différence essentielle entre la ville et la campagne, il subsistera entre elles des différences non essentielles résultant des particularités de l’industrie et de l’agriculture, tels le caractère saisonnier des travaux agricoles, lié au processus naturel de croissance et de maturation des plantes, le temps d’emploi limité de certaines machines agricoles, etc.