Manuel d’économie politique de l’Académie des sciences de l’URSS
Dernière modification le   
Manuel : table des matières, index — Retour au dossier marxisme

34.4. Le revenu net de l’entreprise d’État. Le revenu net centralisé de l’État.

La différence entre la valeur et le prix de revient de la production constitue le revenu net de la société ; il exprime le produit pour la société créé par le travail des producteurs de l’économie socialiste. De sorte que, si le prix de revient de la production constitue l’un des éléments essentiels de la valeur de cette production, le second élément en est le revenu net. Dans le secteur d’État, tout le revenu net est la propriété du peuple entier. Il s’exprime en monnaie et revêt deux formes principales : celle de revenu net de l’entreprise d’État et celle de revenu net centralisé de l’État.

Les deux formes du revenu net sont créées dans la sphère de la production, dans les entreprises socialistes. Elles diffèrent par les méthodes de leur accumulation et de leur utilisation. Le revenu net de l’entreprise d’État est la partie du revenu net créé par le travail pour la société qui est accumulée par l’entreprise et utilisée en grande partie pour ses besoins. Le revenu net centralisé de l’État est la partie du revenu net de la société qui est concentrée entre les mains de l’État, afin d’être utilisée pour les besoins généraux de tout le pays.

La gestion équilibrée, d’une part, et la nécessité, pour l’économie socialiste, de centraliser une partie notable du revenu net, d’autre part, rendent indispensable l’existence de ces deux formes de revenu net. Ceci permet à l’État socialiste de stimuler l’intérêt qu’ont les travailleurs à accroître la rentabilité de leur entreprise et d’assurer la satisfaction des besoins de toute la société.

On appelle couramment « profit » le revenu net des entreprises d’État. Toutefois, dans la société socialiste, les raisons d’être de la catégorie économique du profit (ou bénéfice) ont entièrement disparu, puisque le profit traduit des rapports d’exploitation capitaliste. Par suite, le revenu net d’une entreprise d’État n’est pas en fait un profit. Son montant dépend de l’exécution des plans de production et de la réalisation du produit, de l’accomplissement du plan de réduction du prix de revient. Il existe une étroite corrélation entre le prix de revient et le revenu net de l’entreprise : la réduction du premier entraîne l’augmentation du second.

L’État règle l’emploi du revenu net des entreprises : une partie est consacrée à développer la production dans l’entreprise ou la branche considérée (investissements au titre des fonds fixes et augmentation des moyens circulants propres) ; une autre partie forme ce qu’on appelle le fonds de l’entreprise, qui est destiné à l’amélioration des conditions de vie matérielle et culturelle des travailleurs et au perfectionnement de la production. Le reste va au budget d’État au titre de « prélèvements sur les bénéfices ».

Le fonds de l’entreprise est constitué dans toutes les entreprises industrielles d’État appliquant le principe de la gestion équilibrée et ayant une balance autonome. Pour qu’il puisse être créé, l’entreprise doit accomplir ou dépasser, d’une part, le plan d’État en ce qui concerne la production marchande globale et l’assortiment des produits essentiels, d’autre part, les tâches relatives à la réduction du prix de revient, et enfin le plan d’accumulation du revenu net (profit ou bénéfice). Le fonds de l’entreprise tire sa source du revenu net de l’entreprise ou, dans celles pour lesquelles le plan ne prévoit pas de bénéfice, de l’économie résultant de la réduction du prix de revient. Il se voit attribuer de 1 à 6 % du revenu net de l’entreprise tel qu’il a été prévu par le plan ou de l’économie résultant de la réduction du prix de revient. Si le plan d’accumulation du revenu net ou la réduction du prix de revient sont dépassés, le fonds de l’entreprise se voit attribuer de 20 à 50 % des surplus obtenus par rapport aux prévisions. La constitution de ce fonds dépend donc de la qualité de l’activité économique de l’entreprise, d’où l’importance du rôle qu’il joue pour stimuler matériellement l’accomplissement et le dépassement du plan, pour renforcer la gestion équilibrée et élever la rentabilité de la production.

La moitié du fonds de l’entreprise est consacrée à l’introduction de techniques nouvelles et au perfectionnement de l’outillage existant, au développement de la production, à la construction et à l’entretien des maisons d’habitation appartenant à l’entreprise en sus des plans d’investissement. L’autre moitié du fonds de l’entreprise sert à améliorer la vie sociale et culturelle des travailleurs de l’entreprise (extension des exploitations auxiliaires, entretien des établissements pour enfants, équipement des maisons de repos et des centres de cure, des réfectoires, des clubs, développement de la culture physique et du sport), ainsi qu’à verser des primes individuelles aux ouvriers, employés, ingénieurs et techniciens, à acquérir des bons de séjour dans les maisons de repos et centres de cure et à attribuer des secours occasionnels aux ouvriers et aux autres travailleurs de l’entreprise.

Le revenu net des entreprises ne cesse de s’accroître en raison des progrès ininterrompus et rapides de la production, de l’élévation de la productivité du travail et de la réduction des prix de revient. La somme globale du revenu net des entreprises et des organismes économiques s’élevait en U.R.S.S. à 6,6 milliards de roubles en 1932, 31,8 milliards en 1940 et 89,8 milliards en 1953 ; le plan prévoyait 143,3 milliards pour 1955.

Le montant du revenu net de l’entreprise d’État dépend directement en grande partie de son travail, de la réduction du prix de revient par unité de production et de la réalisation du plan de production et de vente. Son augmentation permet de consacrer davantage au fonds de l’entreprise, d’accroître les moyens circulants et les investissements. Il existe donc un rapport étroit entre la gestion équilibrée et le revenu net de l’entreprise d’État ; le revenu net stimule directement l’amélioration du travail de l’entreprise.

L’État socialiste fixe le niveau du revenu net des entreprises, et établit ainsi le taux (niveau) de rentabilité pour chaque article et chaque entreprise. Le taux de rentabilité de l’entreprise est le rapport, en pourcentage, du revenu net de l’entreprise au prix de revient complet de la production réalisée.

Le taux de rentabilité de l’entreprise socialiste diffère essentiellement du taux de profit capitaliste, inséparable des rapports d’exploitation. Dans l’économie socialiste, la loi du taux de profit moyen et du prix de production ne joue plus. Le taux de rentabilité ne résulte pas d’une égalisation du revenu net entre les entreprises, mais est fixé par l’État en prenant en considération les conditions concrètes du fonctionnement de l’entreprise, d’une part, son intérêt, qui est d’obtenir le revenu net, et, d’autre part, la nécessité d’un contrôle comptable de l’activité de l’entreprise. L’État tient compte aussi de la nécessité, pour chaque entreprise, d’avoir un taux de rentabilité qui ne lui permette pas d’accumuler un argent superflu, qui l’incite sans cesse à appliquer plus rigoureusement les principes de la gestion équilibrée et à diminuer le prix de revient de sa production. Si le taux de rentabilité est trop élevé, l’entreprise peut obtenir un revenu net considérable sans lutter pour la réduction du prix de revient de sa production.

Le revenu net centralisé de l’État est versé au budget d’État sous la forme de divers prélèvements sur les revenus des entreprises socialistes. Il provient pour l’essentiel de prélèvements d’après des normes fixes sur les revenus des entreprises ; ces prélèvements entrent dans le prix de la production industrielle pour un montant fixé d’avance. Les prélèvements d’après des normes fixes sont appelés couramment l’ « impôt sur le chiffre d’affaires ». N’étant pas mis à la disposition des entreprises, ils sont versés au budget d’État sitôt la production réalisée. Le montant de cette partie du revenu net centralisé (l’ «impôt sur le chiffre d’affaires»), qui est fixé par unité de production, par exemple par mètre de tissu ou par paire de chaussures, ne dépend pas directement de l’exécution par l’entreprise du plan relatif au prix de revient, alors que le montant du revenu net (profit ou bénéfice) de l’entreprise est en fonction directe de l’abaissement du prix de revient de l’unité de production, par exemple un mètre de tissu ou une paire de chaussures. Plus le prix de revient de la production est bas, plus le revenu net de l’entreprise est élevé.

Bien que la partie du revenu net centralisé de l’État, qui est versée au budget d’État d’après des normes fixes, porte le nom d’ « impôt sur le chiffre d’affaires », elle ne constitue nullement un impôt ou un prélèvement effectué sur les revenus des travailleurs. Ainsi, le montant du salaire est déterminé par l’État socialiste, soucieux d’en relever sans cesse le niveau réel, en tenant compte du prix des articles de consommation où entre l’ « impôt sur le chiffre d’affaires».

Dans le processus de sa répartition, une partie du revenu net des entreprises d’État va également grossir le revenu net centralisé de l’État sous forme de prélèvements sur les bénéfices, de sommes additionnelles aux salaires pour les assurances sociales, sommes qui entrent pratiquement dans le prix de revient mais sont en fait une partie du revenu net, etc. Le revenu net centralisé de l’État comprend en outre une partie du revenu net des entreprises coopératives et kolkhoziennes.