Dominique Meeùs
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Louis Ségal, Principes d’économie politique :
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Depuis que Marx a donné une théorie achevée de la valeur, depuis qu’il a révélé, grâce à elle, le mystère de l’exploitation capitaliste et démontré l’inéluctabilité du renversement révolutionnaire du capitalisme, les économistes bourgeois considèrent comme un point d’honneur de réfuter la théorie marxiste de la valeur. Tous, ils essaient de prouver que la valeur est créée par tout ce qu’on veut, sauf par le travail.
C’est l’économiste autrichien Böhm-Bawerk qui a fondé la plus « harmonieuse » théorie bourgeoise de la valeur comme contrepoids à celle de Marx. D’après Böhm-Bawerk, la valeur provient de l’utilité de la marchandise, c’est-à-dire de sa valeur d’usage. Ce ne sont pas seulement les marchandises qui ont de la valeur, celle-ci étant inhérente à tous les objets utiles, produits pour la consommation immédiate ou fournis par la nature, si leur nombre est limité, comme par exemple, la terre et l’eau dans les régions arides. Nous retrouvons aussi cette théorie chez les économistes bourgeois français, en particulier chez Charles Gide. Mais les valeurs d’usage des marchandises échangées sont différentes tandis que les marchandises comparées dans l’échange doivent nécessairement présenter quelque trait commun. En outre, le degré d’utilité d’une même marchandise est différent pour des personnes différentes, tandis que la grandeur de la valeur de la marchandise (exprimée par son prix) est indépendante des appréciations individuelles de telle ou telle personne. Les prix de mêmes marchandises ne varient pas pour divers acheteurs. Cette théorie de Böhm-Bawerk ne se distingue pas en somme de celle de l’économiste vulgaire Bailey qui écrivait déjà en 1825 :
« La richesse [valeur d’usage] est un attribut des hommes, la valeur est un attribut des marchandises. Un homme, ou une communauté, est riche ; une perle ou un diamant a de la valeur… Une perle ou un diamant a de la valeur en tant que perle ou que diamant. »
Les économistes bourgeois ne veulent et ne peuvent p. 53analyser ce qui est caché sous l’apparence des phénomènes parce qu’ils ne veulent pas reconnaître que la valeur est créée par le travail, parce qu’ils veulent dissimuler les contradictions de la production marchande et du capitalisme. Les « théoriciens » réformistes se placent également au point de vue bourgeois, bien qu’ils se réclament du marxisme ; comme les économistes bourgeois, ils identifient la valeur avec le prix et expliquent la grandeur de la valeur par les conditions de l’échange. Ils essaient d’expliquer la valeur non par la production, mais par la circulation (par l’échange), en niant ainsi que la valeur est créée par le travail.
Cette théorie réformiste sert de base à une autre théorie suivant laquelle le socialisme n’a nul besoin d’exproprier les capitalistes. Il suffirait que l’État (bourgeois, bien entendu) soit maître des organes appelés à régler la circulation (cette théorie porte le nom de la « socialisation par la circulation »). Les réformistes falsifient ainsi la théorie marxiste de la valeur pour justifier théoriquement leur abandon du socialisme.