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« J’ai trouvé dommage, commente Denise Loute, qu’on n’associe pas les mouvements féminins plus anciens à nos rassemblements, qu’on ne reconnaisse pas ce chemin parcouru. La méconnaissance était réciproque ; ces groupes plus anciens ne voulaient pas non plus le rapprochement, car ils revendiquaient à juste titre leur action. C’est d’ailleurs cette action même qui a permis de se rejoindre plus tard24. »
« Les nouvelles féministes ne sont pas parties de rien, insiste de son côté Adèle Hauwel. Il y avait eu des groupes avant elles, des femmes qui voulaient être émancipées. Il y avait un terreau… À les entendre pourtant, on aurait cru que le féminisme n’avait jamais existé ! Personnellement j’ai toujours eu l’impression que c’était les nouveaux groupes qui rejetaient les anciens. Chez ceux-ci, il y avait, je crois, au moins un intérêt, une curiosité… avec l’idée : pourvu que cela dure25 ! »
Ainsi la Porte Ouverte prendra l’initiative d’une réunion où chacun des nouveaux groupes peut présenter ses thèses. En 1975, pour l’année de la femme, le groupement publie « Les éphémérides du féminisme » : chaque jour se trouve évoqué le souvenir d’une femme, qui a lutté pour l’émancipation féminine, ou encore une action, un événement qui y sont liés. Histoire de rappeler au public la continuité et la diversité du féminisme…
« Rien ne peut exister uniquement par vague, conclut Adèle Hauwel. Il est important qu’il y ait un flux continu sur lequel certaines initiatives nouvelles puissent se greffer… »
Des contacts sont aussi établis très tôt avec le comité À travail égal, salaire égal. C’est chez sa présidente, Marthe Van de Meulebroeke, qu’ont lieu les premières réunions de préparation du Petit Livre rouge des Femmes. « J’ai trouvé ces mouvements passionnants. Ils ont introduit dans le débat les problèmes affectifs et sexuels. Au comité, on était convaincue que tout était complémentaire. C’était une ouverture qu’on n’avait pas prévue, une lame de fond26. »
Le Conseil national des femmes belges semble d’abord désarçonné par le côté informel et provocateur des nouveaux groupes. Ses deux vice-présidentes associent cependant leur nom au premier 11 novembre : Émilienne Brunfaut est présente sur la scène ; Françoise De Croo, cosigne, avec d’autres néerlandophones, l’appel à participer.
« Je suis allée au premier 11 novembre, explique Marlise Ernst-Henrion, ancienne présidente de l’Association des femmes juristes27. J’étais partagée. Cela partait dans tous les sens. J’avais le sentiment qu’on n’arriverait à rien. Par la suite, mon impression a changé. J’ai eu de très bons contacts avec Jeanne Vercheval et les Marie Mineur. J’ai suivi et approuvé ce qu’elles faisaient. J’ai pensé alors que le travail devait être fait par tous les aspects, que tout était utile. »
Vie féminine et les Femmes prévoyantes socialistes manifestent plus de réticence au départ28. Leurs réactions à la première journée des femmes — silence des Femmes prévoyantes, critique mitigée de Vie féminine — révèlent la difficulté pour ces organismes très structurés de situer et d’admettre l’irruption de mouvements informels prétendant parler au nom des femmes.
Du côté des femmes syndicalistes, l’accueil est plutôt positif, surtout à l’égard des Marie Mineur. « Elles nous ont beaucoup aidées. Nous les utilisions pour faire peur aux hommes syndicalistes. Nous disions aux responsables “si vous continuez à être aussi obtus et rétrogrades, on va perdre nos meilleures militantes”. Chez ces dernières, on sentait vraiment la révolte se dessiner29… »
Certaines syndicalistes de la CSC comme de la FGTB ont participé à la première journée des femmes à titre personnel. Par la suite, des contacts se sont noués autour des thèmes du travail, du chômage et de la formation professionnelle. Mais l’avortement est resté longtemps la pierre d’achoppement dans les relations avec les organisations chrétiennes. « Les femmes chrétiennes étaient divisées à ce sujet, et ne tenaient pas à ce que leurs divisions apparaissent au grand jour », explique Miette Pirard. « Avant de partir à la retraite, j’ai cependant rédigé une note sur l’avortement. Je n’aurais pas pu le faire s’il n’y avait pas eu la poussée féministe. »
Quant à Annie Massay, permanente syndicale au Setca de Liège, elle juge ainsi l’apport des féministes : « Les mouvements marginaux, comme le féminisme actuel, emplissent en quelque sorte les tiroirs de l’histoire de toutes sortes d’idées avancées, de possibles de pointe, mais ne savent jamais ce qu’on en fera. Les autres s’en saisissent, en utilisent certaines, en abandonnent définitivement d’autres. C’est sans doute ce qui est dur dans de tels mouvements : de travailler un peu en aveugle sans trop savoir ce qui restera dans tout ce qu’ils remuent30. »
« Petit à petit, conclut Chantal De Smet, une dynamique s’est mise en marche dans l’ensemble des mouvements : les plus traditionnels ont été influencés par les idées et les actions des groupes les plus radicaux, et les plus radicaux ont découvert qu’il y avait, dans des organisations très structurées, des femmes qui partageaient leurs aspirations31. »
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