Dominique Meeùs
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Sur pied d’égalité,
sur le même pied
(et non « sur un même pied d’égalité » !)

Le mot pied en français désigne une partie du corps. Cet organe a donné son nom aussi à une unité de mesure de longueur. Cette unité est peu usitée aujourd’hui en français, mais elle est toujours connue et on sait que des pays anglo-saxons l’utilisent encore (en anglais).

Ce pied, comme mesure, survit encore, au sens propre, ou au sens figuré de statut social, dans une série d’expressions figées comme

(1) au petit pied

(2) sur un grand pied

et dans deux expressions proches, mais différentes, qui toutes deux expriment l’égalité :

(3) sur pied d’égalité (parfois aussi : sur un pied d’égalité)

(4) sur le même pied (parfois aussi : sur un même pied)

Dans ces expressions, plus personne ne comprend aujourd’hui ce que le mot « pied » vient faire. (Ou, si on croit le comprendre, on le comprend probablement mal.) Il s’agit d’expressions absolument figées, à prendre (comme un tout), ou à laisser. Ces expressions, appartiennent par ailleurs à un langage relativement formel, surtout écrit quoique ça puisse aussi se dire. Pour certaines personnes, c’est un langage inhabituel, à la marge de leur niveau de langage habituel. Il en résulte que certains confondent (3) et (4) et les fusionnent en

(5) sur un même pied d’égalité (ou : sur le même pied d’égalité)

et c’est souvent la marque de gens qui s’essayent à parler un langage qu’en fait ils ne maîtrisent pas.

L’expression (5) est formée de mots français et est syntaxiquement correcte, mais ce n’est pas de la langue française. Ce n’est pas une expression figée comme (3) et (4) et elle ne veut strictement rien dire, sauf en ce qu’elle rappelle les expressions (3) et (4). On pourrait être tenté de critiquer (5) comme pléonasme, mais je crois qu’on ne peut qualifier de pléonasme que ce qui a un sens, et j’estime que (5) n’en a aucun.

Bien sûr, tout le monde comprend très bien l’expression (5) et dire qu’elle n’a aucun sens peut paraître surprenant et excessif. Mais il faut bien considérer qu’il en est de même des expressions (3) et (4). Les quatre mots qui les constituent ne leur confèrent aucun sens (pour nous aujourd’hui). Elles ne se comprennent que comme expressions figées, inanalysées et inanalysables. Seul le tout a un sens. Il en est de même pour (5), les mots qui la composent ne lui confèrent aucun sens, mais celle-ci n’est même pas une expression figée. Elle n’a donc ni de sens par construction, ni de sens global.

Cependant la faute est tellement répandue qu’il faudra peut-être un jour admettre que (5) est devenue une expression figée qui appartient à la langue française.

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