Bibliographie générale |
Weber, M. (2001). Économie et société dans l’antiquité: Précédé de les causes sociales du déclin de la civilisation antique C. Colliot-Thélène & F. Laroche, Trans. Paris: Éditions La Découverte. Added by: Dominique Meeùs (2011-06-08 08:26:04) Last edited by: Dominique Meeùs (2011-08-15 07:01:07) |
Resource type: Book ID no. (ISBN etc.): ISBN : 2-7071-3563-5 BibTeX citation key: Weber2001a View all bibliographic details |
Categories: Économie, Histoire Creators: Bruhns, Colliot-Thélène, Laroche, Weber Publisher: Éditions La Découverte (Paris) |
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Quotes |
p.65, Chapter Les causes sociales du déclin de la civilisation antique
La civilisation de l’Antiquité est avant tout et essentiellement une civilisation urbaine. La ville supporte la vie politique, ainsi que l’art et la littérature. Dans le domaine économique aussi, du moins aux premiers temps de l’histoire, l’Antiquité répond au type d’économie que nous avons coutume d’appeler aujourd’hui une « économie urbaine » [Stadtwirtschaft]. […] Les fondements économiques de la cité antique consistent, au début, dans l’échange, sur le marché urbain, des produits de l’artisanat [Gewerbe] urbain avec ceux d’une étroite campagne environnante. Cet échange direct entre producteurs et consommateurs couvre pour l’essentiel les besoins, sans apports extérieurs, L’idéal d’Aristote : l’αυτάρκεια (l’autosuffisance de la cité), était devenu une réalité dans la majorité des cités grecques.
Added by: Dominique Meeùs
Keywords: Antiquité autarcie autosuffisance économie urbaine cité civilisation urbaine marché urbain ville |
pp.65-67, Chapter Les causes sociales du déclin de la civilisation antique
Sans doute, sur ces fondements locaux s’instaure, dès la plus haute Antiquité, un commerce international, qui couvre un espace important et brasse de nombreux biens. L’histoire nous renseigne précisément sur les cités dont les navires portent ce commerce : mais, du fait même que nous sommes renseignés sur elles, nous sommes tentés d’oublier un point : son insignifiance quantitative. D’abord, la civilisation européenne antique est une civilisation côtière [Küstenkultur], tout comme son histoire est avant tout une histoire de villes côtières. Juste à côté du système d’échanges urbain techniquement très perfectionné, on trouve, sans transition, l’économie naturelle des paysans barbares de l’intérieur, réunis en communautés locales [Gaugenossenschaften] ou sous l’autorité de patriarches féodaux. Ce n’est que sur mer ou sur de grands fleuves que des échanges internationaux peuvent devenir permanents et durables. En Europe, l’Antiquité n’a pas connu de trafic continental que l’on puisse comparer ne serait-ce qu’à celui de l’époque médiévale. Les routes romaines tant vantées, pas plus que la poste romaine, ne portent un commerce qui rappellerait, même de loin, la situation moderne. Les différences de rentabilité sont énormes entre les produits continentaux et ceux que l’on obtient au bord de voies d’eau. La proximité des routes romaines, dans l’Antiquité, n’était pas considérée comme un avantage, mais comme une plaie : elles apportaient avec elles les cantonnements militaires et la vermine ; c’étaient des voies militaires, non des voies commerciales. Dans le sol encore intact de l’économie naturelle, les échanges ne poussent pas de racines profondes : seule est l’objet d’un commerce véritablement permanent une mince frange d’articles de grande valeur : métaux précieux, ambre, tissus précieux, quelques objets de fer, des poteries, etc. Ce sont des objets de luxe qui, en raison de leur prix élevé, peuvent supporter les énormes frais de transport. Un tel commerce n’est en rien comparable aux échanges modernes […] Il est sans doute exact que des villes comme Athènes et Rome en étaient réduites, pour leurs besoins en céréales, à les importer. Mais il s’agit toujours de cas exceptionnels du point de vue de l’histoire universelle et de besoins que la communauté prend en charge elle-même, car elle ne veut ni ne peut en confier la satisfaction au libre commerce. Ce ne sont pas les masses qui, par leurs besoins courants, interviennent dans le trafic international, mais une mince couche de possédants. Il en résulte que l’inégalité croissante des fortunes est, dans l’Antiquité, la condition de l’essor du commerce. Mais cette inégalité des fortunes — qui nous mène à un troisième point, décisif — s’accomplit selon des modalités et dans un sens très précis : la civilisation antique est une civilisation esclavagiste. Added by: Dominique Meeùs Keywords: Antiquité économie naturelle civilisation côtière civilisation esclavagiste commerce international esclavage route romaine |
p.67, Chapter Les causes sociales du déclin de la civilisation antique
… hommes étaient bon marché, et ils l’étaient à cause des caractéristiques des guerres constantes de l’Antiquité. La guerre, dans l’Antiquité, est en même temps une chasse aux esclaves : elle ne cesse de faire des apports au marché d’esclaves et favorise de façon inouïe le travail non libre et l’accumulation des hommes. Cela condamna l’activité libre à l’immobilisme et la fixa au stade du travail salarié sans capitaux pour une clientèle locale [auf der Stufe der besitzlosen Kunden-Lohnarbeit]. Cela empêcha le développement, entre des entrepreneurs libres utilisant un travail salarié libre, d’une concurrence pour la vente sur le marché et, ce faisant, la prime économique qui va à toute découverte qui économise le facteur travail, comme cela se fit à l’époque moderne. Dans 1’Antiquité, au contraire, le poids économique du travail non libre dans l’οἶκος croît régulièrement. Seuls les propriétaires d’esclaves peuvent, en divisant le travail des esclaves, satisfaire leurs besoins et augmenter leur niveau de vie. Seule l’entreprise esclavagiste est en mesure, au-delà de la satisfaction de ses besoins intemes, de produire de plus en plus pour le marché.
Added by: Dominique Meeùs
Keywords: division du travail Antiquité esclave forces productives guerre οἶκος marché d’esclaves rapports de production |
p.68, Chapter Les causes sociales du déclin de la civilisation antique
… dans l’Antiquité, le développement du commerce international s’accompagne de la concentration de travail non libre dans la grande maison [Haushalt] esclavagiste. Sous une superstructure d’économie de marché se glisse et se développe incessamment une infrastructure où les besoins sont satisfaits sans faire appel au marché : les concentrations d’esclaves absorbent constamment des êtres humains, dont les besoins sont couverts, pour l’essentiel, non par le marché mais par leur production propre. Plus se développent les besoins de la couche supérieure propriétaire d’esclaves et s’étend le marché qu’ils créent, plus les échanges perdent en intensité, plus ils se réduisent à un mince filet qui s’étale sur un fond d’économie naturelle : ses mailles s’affinent sans doute, mais ne cessent de s’amenuiser du même mouvement. […] Dans l’Antiquité, le commerce intemational laisse prospérer les οἶκος, qui enlèvent à l’économie de marché locale son sol nourricier.
Added by: Dominique Meeùs
Keywords: Antiquité économie de marché économie naturelle commerce international esclave οἶκος |
pp.68-69, Chapter Les causes sociales du déclin de la civilisation antique
Cette évolution a joué avec le plus de force dans le monde romain. Rome est, au début — après la victoire de la plèbe —, un État de paysans conquérants ou, mieux, une cité-État paysanne [Ackerbürgerstaat]. Chaque guerre se traduit par la prise de terres ouvertes à la colonisation. Le fils du citoyen propriétaire foncier, s’il ne trouve pas sa part dans l’héritage paternel, combat à l’armée pour obtenir sa propre terre et devenir citoyen de plein droit. Ici réside le secret de la force expansive de Rome. Cette situation cesse avec les conquêtes outre-mer : celles-ci ne sont plus régies par les intérêts de la colonisation paysanne, mais par l’exploitation des provinces au profit de l’aristocratie. Ces guerres visent la chasse à l’homme et la confiscation de terres, destinées à être exploitées dans de grands domaines affermés et arentés [grosse Domänen- und Gefällpächter]. […] Dès lors, seuls les propriétaires d’esclaves supportent l’élévation du niveau de vie, du pouvoir d’achat et des surplus. Non pas que le travail libre ait entièrement disparu, mais les entreprises esclavagistes restent le seul facteur de progrès. Pour les agronomes romains, il va de soi que le travail des esclaves est le fondement de l’organisation du travail.
Added by: Dominique Meeùs
Keywords: aristocratie entreprise esclavagiste esclave grands domaines propriétaire d'esclaves surplus |
pp.69-70, Chapter Les causes sociales du déclin de la civilisation antique
L’incorporation dans le monde romain de grands territoires continentaux (l’Espagne, la Gaule, l’Illyrie, les pays danubiens) renforça de façon décisive la signification du travail non libre pour la civilisation romaine. Le centre de gravité démographique de l’Empire se déplaça vers l’intérieur des terres. De ce fait, la civilisation antique tenta de changer de scène : de civilisation côtière, elle essaya de devenir une civilisation continentale. Elle s’étendit à un énorme espace économique, mais où, même après des siècles, elle ne put, de loin, assurer la circulation des biens et la satisfaction des besoins par une économie monétaire, à la manière de ce qui s’était fait sur les côtes de la Méditerranée. Si, ainsi qu’il a été dit, le commerce interrégional antique ne représentait, même sur les côtes, qu’une pellicule mince et qui allait s’amincissant, à plus forte raison les mailles du réseau commercial devaient-elles se relâcher substantiellement à l’intérieur des terres. Là, les progrès de la civilisation par voie de la division libre du travail grâce au développement d’un commerce intensif étaient, en l’état, une impossibilité absolue. Seule la montée d’une aristocratie foncière, assise sur la propriété des esclaves et la division non libre du travail dans le cadre de l’οἶκος, permettait une intégration progressive dans l’aire culturelle méditerranéenne. Bien plus encore que sur les côtes, le trafic continental infiniment plus coûteux dut se limiter d’abord exclusivement à satisfaire les besoins de luxe d’une couche supérieure propriétaire d’esclaves ; de même, seule une mince couche de grandes entreprises esclavagistes était en mesure de dégager un surplus commercialisable [Absatzproduktion]. Le propriétaire d’esclaves devint ainsi le support économique de la civilisation antique, et l’organisation du travail des esclaves constitua le fondement indispensable de la société romaine. Added by: Dominique Meeùs Keywords: aristocratie foncière économie monétaire circulation civilisation côtière civilisation continentale commerce interrégional division du travail entreprises esclavagiste esclave οἶκος propriétaire d’esclaves surplus surplus commercialisable |
p.229
Les temples possédaient des ergastéria, comme en Égypte, et faisaient des prêts. Ils jouaient également le rôle de caisses de dépôts (le rachat de l’esc1ave par le dieu du temple s’explique peut-être par le fait que les dieux étaient la caisse d’épargne de l’esc1ave, puisque le peculium de l’esc1ave, sinon partout exposé de droit à la mainmise du maître, se trouvait là en sécurité ; bien sûr, la garantie de la liberté par le dieu intervient ici au premier chef). Ils étaient surtout, à l’époque classique (à la différence de ce qui sera le cas durant la période hellénistique), les seuls véritables créanciers de l’État et le lieu de dépôt des trésors de guerre : aussi bien le trésor d’Athéna que ceux de Delphes et d’O1ympie (dont, dans Thucydide, Périclès évalue l’importance pour les habitants du Péloponnèse) ont joué ce rôle (Olympie à une époque encore très tardive).
Added by: Dominique Meeùs
Keywords: prêt temple caisse d’épargne créancier de l’État Grèce antique |