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Edelman, G. M., & Tononi, G. (2000). Comment la matière devient conscience J.-L. Fidel, Trans. Paris: Éditions Odile Jacob. 
Added by: Dominique Meeùs (2010-10-14 07:48:18)   Last edited by: Dominique Meeùs (2016-05-30 19:22:45)
Resource type: Book
Languages: Français
ID no. (ISBN etc.): ISBN:2-7381-0808-3
BibTeX citation key: Edelman2000
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Categories: Biologie, Psychologie
Keywords: conscience, neurobiologie, sciences cognitives
Creators: Edelman, Fidel, Tononi
Publisher: Éditions Odile Jacob (Paris)
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Librairie    Pêle-Mêle, Bruxelles
Added by: Dominique Meeùs  
Date d’achat    mardi 12 octobre 2010
Added by: Dominique Meeùs  
Quotes
p.16   Nous savons aussi que notre conscience privée est, très profondément, tout ce que nous avons. Le dôme aplati du ciel et cent autres choses visibles dessous, y compris le cerveau lui-même — bref, le monde tout entier —, n’existent pour chacun de nous que comme des parties de notre conscience, et tout cela périt avec elle. Cette énigme tapie dans un mystère plus épais encore — comment l’expérience subjective dépend de certains événements qu’on peut décrire objectivement — est ce que Schopenhauer appelait le « nœud du monde » (Schopenhauer, 1813, 1889, p.169). Or, malgré cette apparence de mystère, nous pouvons espérer démêler ce nœud par une démarche scientifique combinant théories qu’on peut tester et expériences bien conçues. C’est le but de ce livre.

Schopenhauer, A. (1889). Two essays: I. on the fourfold root of the principle of sufficient reason, ii. on the will in nature — a literal translation. Londres: G. Bell and Sons.
Schopenhauer, A. (1813). Über die vierfache wurzel des satzes vom zureichenden grunde.   Added by: Dominique Meeùs
Keywords:   conscience expérience subjective knot of the Universe knot of the world nodus of the Universe nœud de l’Univers nœud du monde pour moi Schopenhauer science Weltknoten
p.20   Les efforts philosophiques pour mettre au jour les origines de la conscience sont en fait marqués par une limite fondamentale. Et celle-ci est en partie le produit du présupposé selon lequel la pensée pourrait à elle seule révéler les sources de la pensée consciente. Ce présupposé est aussi inadéquat que celui qui caractérisait jadis les tentatives pour comprendre la cosmogonie, la base de la vie et la structure profonde de la matière en l’absence d’observations et d’expériences scientifiques. En fait, les philosophes n’ont pas tant excellé dans les solutions qu’ils ont proposées au problème en question que par leur manière de souligner combien il est insoluble.   Added by: Dominique Meeùs
Keywords:   conscience philosophie science
p.21   Plus près de nous, les psychologues cognitivistes ont réaffirmé la légitimité des concepts de conscience et d’esprit. Ils conçoivent la conscience comme un module spécifique ou comme un échelon dans le tracé hiérarchique que suit le traitement des informations. En fait, les psychologues cognitivistes voient souvent dans la conscience un goulot d’étranglement de notre fonctionnement mental, lequel pourrait être dû à une limitation de notre cerveau. Plusieurs modèles de fonctions associées à la conscience ont été formulés ; ils s’inspirent de la psychologie cognitive, de l’intelligence artificielle ou bien s’appuient sur des métaphores empruntées à l’informatique, comme celle d'unité centrale ou de système d’exploitation. Les psychologues ont aussi utilisé la métaphore de la conscience comme échelon unifié, comme scène ou comme théâtre sur lequel les informations en provenance de multiples sources seraient intégrées sous le contrôle du comportement. Certaines de ces intuitions vont dans le bon sens, tandis que d’autres sont aussi erronées que séduisantes.
     Cependant, ce qui est certain, c’est que de telles métaphores ne peuvent se substituer à un mode de compréhension de la conscience qui soit authentiquement scientifique. En général, les modèles cognitifs ont très peu à offrir en comparaison des aspects phénoménaux et vécus de l’expérience consciente. Si on se fie à ces modèles, la conscience en tant qu’expérience phénoménale (et souvent émotionnelle) pourrait tout aussi bien ne pas exister, pour autant que ses fonctions présumées, comme le contrôle, la coordination et la planification, soient assurées. Les exposés cognitifs classiques n’expliquent pas vraiment pourquoi une multiplication effectuée par un être humain est un processus conscient lent et hésitant, alors que la même opération accomplie rapidement par une calculatrice de poche n’est pas consciente. Ils n’expliquent pas non plus pourquoi les processus complexes permettant de tenir debout en marchant ou d’articuler des mots pour parler doivent rester inconscients, alors qu’une simple pression sur un doigt est une expérience consciente. Au bout du compte, comme beaucoup de critiques l’ont souligné, toute approche de la conscience en termes de processus informationnel et d’un point de vue strictement fonctionnaliste a très peu à nous dire sur le fait que la conscience semble impliquer l’activité de substrats neuronaux spécifiques. Ce sont précisément eux qui sont l’objet central des spécialistes de neurosciences.   Added by: Dominique Meeùs
Keywords:   intelligence artificielle informatique conscience neurobiologie psychologie sciences cognitives
p.26   […] pour savoir, comme le disait Thomas Nagel (1974), ce que ça fait d’être une chauve-souris.

Nagel, T. (1974). What is it like to be a bat? Philosophical Review, 83(4), 435–450.   Added by: Dominique Meeùs
Keywords:   chauve-souris conscience Nagel
p.40   L’unité et la cohérence de la conscience sont liées à ce qu’on appelle une limitation de capacité — le fait que nous ne pouvons garder présente à l’esprit plus d’une chose à la fois en même temps.   Added by: Dominique Meeùs
Keywords:   cohérence limitation conscience
p.53   Des systèmes philosophiques entiers se sont édifiés sur la seule base de la phénoménologie subjective — c’est-à-dire sur l’expérience consciente d’un seul individu enclin à la philosophie. Voilà qui témoigne de l’arrogance humaine. Comme le vit bien Descartes, qui en fit son point de départ, cette arrogance est en partie justifiée, puisque notre expérience consciente est la seule ontologie sur laquelle nous ayons des preuves directes. Cela engendre un curieux paradoxe, Schopenhauer l’avait bien saisi (Schopenhauer, 1813, 1889). L’immense richesse du monde phénoménologique que nous vivons — c’est-à-dire de l’expérience consciente en tant que telle — semble dépendre d’une apparente broutille au sein de ce monde, un peu de gélatine dans le crâne. Notre cerveau, qui joue un rôle mineur et fugace sur la scène de la conscience, au point même que la plupart d’entre nous n’en ont jamais vu, semble détenir la clé de tout le spectacle. Toute attaque de notre cerveau peut modifier pour toujours notre monde. Nous pouvons même être annihilés par une simple substance chimique, anesthésique ou toxique, agissant sur notre cerveau.

Schopenhauer, A. (1889). Two essays: I. on the fourfold root of the principle of sufficient reason, ii. on the will in nature — a literal translation. Londres: G. Bell and Sons.
Schopenhauer, A. (1813). Über die vierfache wurzel des satzes vom zureichenden grunde.   Added by: Dominique Meeùs
Keywords:   cerveau conscience Descartes phénoménologie philosophie Schopenhauer subjectivité
p.55   Le cerveau humain adulte pèse environ 1,5 kilogramme et contient environ cent milliards de cellules nerveuses ou neurones. La structure la plus récente par son évolution, le cortex, contient environ trente milliards de neurones et un million de milliards de connexions ou synapses.   Added by: Dominique Meeùs
Keywords:   cerveau connexion nerveuse cortex neurone ordre de grandeur synapse
pp.62-63   Le cortex et le thalamus sont traditionnellement divisés en un grand nombre d’aires distinctes du point de vue fonctionnel. On le voit à différents niveaux dans l’espace. Par exemple, l’arrière du système thalamocortical est en gros dédié à la perception, alors que le devant l’est à l’action et à la planification. La plupart de ces aires corticales sont assemblées pour former des cartes : les neurones voisins d’une aire sont connectés avec les neurones voisins d’une autre aire. Différentes aires du cortex cérébral ainsi que leurs noyaux thalamiques associés sont spécialisés : certaines aires traitent des stimuli visuels, par exemple, tandis que d’autres traitent des stimuli acoustiques et d’autres encore des stimuli tactiles. Dans le système visuel, par exemple, différentes aires traitent de différentes sous-modalités : certaines de la forme visuelle, d’autres de la couleur, d’autre du mouvement, et ainsi de suite. Au sein de chaque aire, différents groupes de neurones traitent de façon préférentielle les aspects spécifiques d’un stimulus : des groupes voisins de neurones traitent, par exemple, des différentes orientations d’un stimulus visuel.
     Cependant, la ségrégation anatomique n’est qu’un aspect. L’autre est l’intégration anatomique : la plupart de ces groupes de neurones sont connectés de façon réciproque pour former certaines structures. Les neurones du même groupe situés en un endroit donné sont intimement reliés ensemble, de sorte que beaucoup d’entre eux répondent de façon simultanée lorsque le bon stimulus survient. Les groupes de neurones situés en différents endroits, mais ayant des spécificités semblables, sont de préférence connectés ensemble — par exemple, les groupes de neurones qui répondent à des arêtes verticales sont liés par des connexions réciproques de façon bien plus serrée que les groupes de neurones qui répondent à des arêtes orientées différemment. Les groupes de neurones qui répondent à des positions proches dans le champ visuel sont connectés plus fortement que les groupes qui répondent à des positions éloignées. Dès lors, lorsqu’on présente à l’œil un contour ou une ligne longue, ces groupes liés ensemble s’éveillent de façon simultanée. Les mêmes règles semblent s’appliquer à d’autres aires du cortex, qu’elles soient dédiées à la perception ou à l’action. À une échelle encore plus importante, les aires corticales contenant un grand nombre de groupes de neurones sont elles-mêmes liées par des connexions réciproques convergentes ou divergentes, qui connectent des aires dispersées à une aire locale et vice versa. Ces voies qui vont d’une aire à une autre sont souvent appelées « projections ». Par exemple, il existe au moins trois douzaines d’aires visuelles dans le système visuel des singes (et probablement davantage chez les êtres humains). Ces aires sont reliées par plus de trois cent cinq voies de connexion (certaines comptant des millions de fibres axonales), 80 % d’entre elles ayant des fibres qui vont dans les deux directions. En d’autres termes, les aires distinctes du point de vue fonctionnel sont en majeure partie connectées de façon réciproque. Ces voies constituent le principal moyen permettant l’intégration des fonctions cérébrales. Elles fournissent une base structurale importante à la réentrée. Il s’agit d’un processus de signalisation aller et retour passant par les connexions réciproques. Comme nous le verrons, c’est la clé permettant de résoudre le problème de l’intégration des propriétés d’aires du cerveau variées et distinctes du point de vue fonctionnel en l’absence d’aire centrale chargée de la coordination.   Added by: Dominique Meeùs
Keywords:   aire corticale coordination intégration anatomique interconnexion neurone projection réentrant réentrée ségrégation anatomique
Comments:
Il y a donc à la fois spécialisation de certaines aires, intégration de chaque aire et interconnexion des aires entre elles. L’interconnexion qu’Edelman et Tononi appellent réentrée (et ils utilisent souvent l’adjectif réentrant) est au centre de leur théorie de la conscience, mais est sans doute fondamentale dans tout le fonctionnement cérébral et pas seulement dans la conscience.   Added by: Dominique Meeùs  (2010-10-27 22:33:31)
p.67   La réentrée […] consiste dans le passage permanent de signaux dans des aires du cerveau parallèles, mais connectées de façon réciproque. C’est elle qui coordonne en permanence l’activité de leurs cartographies dans le temps et dans l’espace. Cette circulation, à la différence d’un feed-back, implique beaucoup de voies parallèles, mais aucune fonction spécifique définissant des erreurs. Elle agit plutôt sur les événements sélectifs et les corrélations des signaux entre les aires, et est essentielle à la synchronisation et à la coordination de leurs fonctions mutuelles.
     La réentrée a pour conséquence étonnante l’émergence d’une synchronisation généralisée de l’activité des différents groupes de neurones actifs dispersés dans de nombreuses aires du cerveau différemment spécialisées du point de vue fonctionnel. Cet éveil synchrone de neurones très dispersés et cependant connectés de façon réentrante est le fondement même de l’intégration des processus perceptifs et moteurs. L’intégration donne au bout du compte lieu à la catégorisation perceptive, à la capacité à discriminer un objet ou un événement dans son contexte dans un but d’adaptation. Si les voies réentrantes connectant les aires corticales sont déconnectées, ces processus d’intégration cessent. […] c’est la réentrée qui permet l’unité de la perception et du comportement, lesquels autrement seraient impossibles, vu l’absence dans le cerveau d’un processus central unique, à l’image de ce qu’on trouve dans les ordinateurs, muni d’instructions détaillées ou de calculs algorithmiques servant à coordonner des aires distinctes du point de vue fonctionnel.   Added by: Dominique Meeùs
Keywords:   intégration unité de la perception aire corticale coordination interconnexion réentrant réentrée spécialisation
pp.67-68   Si on nous demandait d’aller au-delà de ce qui est seulement spécial et de nommer ce qui rend uniques les cerveaux supérieurs, nous dirions la réentrée. Aucun autre objet de l’univers que le cerveau humain ne se distingue par ses circuits réentrants. Un cerveau ressemble à une grosse entité écologique comme une jungle, mais aucune jungle ne comporte de réentrée. On n’en trouve pas non plus dans les systèmes humains de communication : les systèmes réentrants du cerveau sont parallèles à un degré inouï dans nos réseaux de communication. De plus, ces réseaux de communication sont différents des cerveaux en ce qu’ils traitent des signaux codés au préalable et, pour la plupart, non ambigus.   Added by: Dominique Meeùs
Keywords:   réentrée réentrant parallélisme réseau de communication interconnexion
p.97   Notre attention se concentre ici sur la conscience primaire, c’est-à-dire l’aptitude à construire une scène mentale intégrée dans le présent sans recourir au langage ni au sentiment de soi. Il nous semble que cette scène mentale ne dépend pas seulement de la catégorisation perceptive des stimuli sensoriels actuels — qui forment le présent —, mais surtout de leur interaction avec des souvenirs catégoriels — c’est-à-dire avec le passé. En d’autres termes, cette scène mentale intégrée constitue un « souvenir du présent ».   Added by: Dominique Meeùs
Keywords:   conscience primaire langage sentiment de soi souvenir du présent scène mentale
p.115   On suppose généralement que, du moins pour ce qui est de ses fonctions cognitives, le cerveau a fondamentalement à voir avec des représentations, et que ce que l’on stocke dans la mémoire est aussi une forme de représentations. Selon cette conception, la mémoire est l’enregistrement plus ou moins permanent de changements qui, quand ils sont traités correctement, permettent de ressaisir une représentation et, si nécessaire, d’agir sur elle. Les actes appris sont donc en eux-mêmes la conséquence de représentations qui stockent des procédures et des codes bien définis.
     L’idée que la mémoire est fondamentalement représentationnelle souffre d’un lourd défaut. Elle suggère une analogie facile avec les opérations informationnelles implantées par les humains dans les ordinateurs, mais cette analogie engendre plus de problèmes qu’elle n’en résout.   Added by: Dominique Meeùs
Keywords:   représentation mémoire cerveau
p.117   Dans un cerveau complexe, la mémoire résulte de la correspondance sélective entre l’activité neuronale dispersée et constante et les signaux variés qui proviennent du monde, du corps et du cerveau lui-même. Les altérations synaptiques qui s’ensuivent affectent les réponses futures du cerveau individuel face aux signaux identiques ou différents. Ces changements se reflètent dans l’aptitude à répéter un acte physique ou mental au bout d’un certain temps, bien que le contexte ait changé, par exemple en « rappelant » une image. Il est important d’indiquer que, par le mot « acte », nous entendons toute séquence ordonnée d’activités cérébrales dans le domaine de la perception, du mouvement ou de la parole qui donne au bout d’un moment un résultat neuronal particulier. Cette définition met l’accent sur la répétition au bout d’un certain temps, parce que c’est l’aptitude à recréer un acte séparé par une certaine durée des signaux originaux qui est caractéristique de la mémoire. Si nous mentionnons que le contexte change, c’est parce qu’il y va d’une propriété clé de la mémoire : en un sens, il y a là une forme de recatégorisation constructive au cours de l’expérience plutôt qu’une réplication précise d’une séquence antérieure d’événements.   Added by: Dominique Meeùs
Keywords:   mémoire cerveau réponse future
pp.149-151   […] un regroupement fonctionnel — c’est-à-dire un sous-ensemble d’éléments interagissant beaucoup entre eux et peu avec le reste du système, et qui ne peut être décomposé en composants indépendants ou quasi indépendants.
     Des expériences utilisant des électrodes pour enregistrer directement sur les cellules neuronales des animaux ont démontré qu’on peut trouver des corrélations temporelles à court terme au sein d’aires cérébrales distinctes aussi bien qu’entre elles. Dans certains cas, on a même démontré que les corrélations temporelles à court terme entre les deux hémisphères sont dues à des interactions réentrantes directes : si les millions de fibres réentrantes connectant les hémisphères sont coupées, ces corrélations à court terme disparaissent. Ces découvertes nous semblent prouver qu’il y a de l’intégration et des regroupements fonctionnels rapides dans le système thalamo-cortical et que la réentrée est le principal mécanisme par lequel a lieu cette intégration.
     Grâce à la notion de regroupement fonctionnel introduite dans ce chapitre, nous disposons d’une mesure de l’intégration qui peut être appliquée aux données neurophysiologiques afin de caractériser les processus neuronaux sous-jacents à la conscience. Établir qu’un processus neuronal constitue un regroupement fonctionnel signifie que, pendant un intervalle de temps donné, il est intégré d’un point de vue fonctionnel — c’est-à-dire qu’il ne peut être entièrement décomposé en composantes indépendantes ou quasi indépendantes. Mais pour rendre compte des propriétés fondamentales de l’expérience consciente, nous devons encore trouver le moyen de montrer qu’un processus neuronal est différencié et informatif — c’est-à-dire de déterminer le nombre de structures d’activité différentes qu’il peut prendre.   Added by: Dominique Meeùs
Keywords:   regroupement fonctionnel conscience
pp.163-164   La complexité est un terme utilisé à tort et à travers. Il existe des revues sur la complexité, des instituts de recherche sur la complexité et des experts en complexité. Mais on précise rarement comment on établit si un objet d’étude est complexe, sinon parce qu’il est bien évident que des entités complexes, telles que les sociétés, les économies, les organismes vivants, les cerveaux, les cellules et les génomes, sont sans conteste difficiles à comprendre et encore plus à prédire.
     Dans tous les cas, il y a deux points sur lesquels les experts en matière de complexité s’accordent. Premièrement, pour être complexe, quelque chose doit être composé de beaucoup de parties qui interagissent ensemble de façon hétérogène. L’Oxford Dictionary of English stipule, par exemple, qu’est complexe ce qui forme « un tout [...] comprenant diverses parties réunies ou connectées ensemble ». Deuxièmement, on s’accorde en général à dire que quelque chose qui est entièrement aléatoire n’est pas complexe, non plus que quelque chose qui est totalement régulier. Par exemple, un gaz idéal ou un cristal parfait ne sont pas considérés comme complexes. Seul quelque chose qui semble être à la fois ordonné et désordonné, régulier et irrégulier, variant et invariant, stable et instable mérite d’être dit complexe. Les systèmes biologiques, des cellules aux cerveaux et des organismes aux sociétés, constituent donc des exemples paradigmatiques d’organisations complexes.   Added by: Dominique Meeùs
Keywords:   complexité
p.169, Chapter 12. Où le neud se noue : l’hypothèse du noyau dynamique   Dans ce chapitre, nous passons tout d’abord en revue des observations qui indiquent que, bien qu ’ils soient très dispersés, seul un sous-ensemble de groupes de neurones situé dans notre cerveau contribue directement à l’expérience consciente à tous moments. Quy a-t-il donc de si spécial dans ces groupes de neurones et comment les identifier en théorie et dans la pratique expérimentale ? L’hypothèse du noyau dynamique constitue notre réponse à cette question. Cette hypothèse stipule que l’activité d’un groupe de neurones peut contribuer directement à l’expérience consciente s’il fait partie d’un regroupement fonctionnel, lequel se caractérise par des interactions mutuelles fortes entre un ensemble de groupes de neurones sur une période de temps de l’ordre de quelques centaines de millisecondes. Pour qu’il y ait expérience consciente, il est essentiel que ce regroupement fonctionnel soit fortement différencié, ce qu’indiquent les valeurs élevées que prend sa complexité. Un tel regroupement, que nous appelons « noyau dynamique » du fait de sa composition à la fois toujours intégrée et sans cesse changeante, a son origine presque exclusivement dans le système thalamocortical. L’hypothèse du noyau dynamique permet de faire des prédictions spécifiques quant à la base neuronale de l’expérience consciente. À la différence des hypothèses qui se contentent d’invoquer simplement une corrélation entre l’expérience consciente et telle ou telle structure neuronale ou tel ou tel groupe de neurones, celle du noyau dynamique rend compte des propriétés générales de l’expérience consciente en les reliant aux processus neuronaux spécifiques qui leur permettent d’apparaître.   Added by: Dominique Meeùs
Keywords:   conscience expérience consciente noyau dynamique regroupement fonctionnel
pp.169-170   Les données probantes examinées jusqu’ici suggèrent que, pour qu’il y ait expérience consciente, l’activité de populations distantes de neurones doit être intégrée au moyen d’interactions neuronales fortes et rapides. Nous avons aussi montré que les processus neuronaux qui sous-tendent la conscience doivent être assez différenciés, comme on le voit dans les cas de perte de conscience, lorsque l’activité neuronale est globalement homogène et hypersynchronisée, pendant le sommeil profond ou les crises d’épilepsie par exemple. Enfin, nous avons remarqué que toutes les tâches conscientes semblent exiger l’activation ou la désactivation de maintes régions du cerveau. Ces régions comprennent en général des portions du système thalamocortical, mais pas seulement. Le problème que nous abordons maintenant tient au fait de savoir si les processus neuronaux sous-jacents à la conscience s’étendent à la majeure partie du cerveau de façon non spécifique ou bien s’ils sont limités à un sous-ensemble particulier de neurones, ce qui poserait donc la question de ce qui est si spécial dans ce sous-ensemble.   Added by: Dominique Meeùs
Keywords:   expérience consciente conscience différentiation
p.171   Des études par enregistrement ont aussi démontré que l’activité de nombreux neurones des canaux sensoriels et moteurs peut être corrélée avec certains détails qui changent vite dans des informations sensorielles entrantes ou des informations motrices sortantes, mais qu’elle ne semble pas recouvrir une expérience consciente. Par exemple, les structures d’activité neuronale de la rétine et d’autres structures visuelles primaires sont prises dans un flux permanent et correspondent plus ou moins fidèlement aux détails temporels et spatiaux des informations visuelles entrantes, lesquelles changent sans cesse. Cependant, une scène visuelle consciente est nettement plus stable et elle a à voir avec des propriétés des objets qui sont invariantes quand la position ou l’illumination changent, propriétés qu’on reconnaît et manipule facilement. Par exemple, lorsque nous voyons un colibri battre des ailes, nous pouvons le reconnaître et le percevoir, qu’il se détache sur un fond de ciel ensoleillé ou de feuillage, qu’il soit loin ou proche, qu’il s’approche ou s’éloigne de nous. Surtout, la plupart des données montrent que, pendant chaque fixation visuelle, nous extrayons le sens ou l’essentiel d’une scène, plutôt que ses détails locaux innombrables et qui changent rapidement. Nous ne pouvons sûrement pas décrire la position précise de ses ailes pendant le vol de l’oiseau. En fait, nous sommes étonnamment aveugles aux variations ou inconscients des changements considérables qui affectent une scène visuelle pour autant que son sens ou son essence ne sont pas touchés. Lorsque nous lisons un texte, par exemple, nous ne prenons en général pas en compte la typographie à moins qu’elle ne nous semble exotique ou que la reconnaître réponde à un but précis. Les aspects les plus invariants d’une scène sont ceux qui apparaissent réellement importants et informatifs sur elle, et qui peuvent aider au contrôle et à la planification de l’action.   Added by: Dominique Meeùs
Keywords:   expérience consciente détail stabilité invariant essentiel essence contrôle planification action
p.173   La conscience n’est ni un chose ni une simple propriété.   Added by: Dominique Meeùs
Keywords:   conscience chose propriété
p.174   Les discussions qui précèdent montrent amplement que, si l’intégration et la différenciation sont bien des caractères fondamentaux de la conscience, elles ne s’expliquent que par un processus neuronal dispersé plutôt que par des propriétés locales spécifiques des neurones. Pouvons-nous formuler une hypothèse stipulant ce qui est spécial dans les sous-ensembles de groupes de neurones qui sous-tendent l’expérience consciente et comment les identifier? Nous croyons être désormais en position de le faire, et ce de façon concise. Cette hypothèse dit que :
     1. Un groupe de neurones ne peut contribuer directement à l’expérience consciente que s’il fait partie d’un regroupement fonctionnel étendu, lequel, par le biais d’interactions réentrantes dans le système thalamocortical, produit un haut niveau d’intégration en quelques centaines de millisecondes.
     2. Pour qu’il y ait expérience consciente, il est essentiel que ce regroupement fonctionnel soit très différencié, comme le montrent les valeurs élevées que prend sa complexité.
     Ce type de regroupement de groupes neuronaux qui interagissent fortement entre eux et qui ont des frontières fonctionnelles distinctes avec le reste du cerveau sur une échelle de temps de quelques fractions de seconde, nous l’appelons « noyau dynamique », afin de souligner à la fois son intégration et sa composition qui change sans cesse. Un noyau dynamique est donc un processus, et non une chose ou un emplacement, et il se définit en termes d’interactions neuronales, plutôt qu’en termes de localisation, de connexion ou d’activité neuronale spécifique. Un noyau dynamique a une extension dans l’espace. Toutefois, il est en général réparti dans l’espace, et sa composition change. Il ne peut donc être localisé en un endroit donné du cerveau. De plus, même si un regroupement fonctionnel possédant ces propriétés peut être identifié, nous ne prédisons qu’il sera associé à une expérience consciente que si les interactions réentrantes en son sein sont assez différenciées, comme en témoigne sa complexité.   Added by: Dominique Meeùs
Keywords:   conscience processus neuronal expérience consciente regroupement fonctionnel complexité noyau dynamique chose localisation
pp.174-175   Un regroupement fonctionnel assez complexe peut être engendré par des interactions réentrantes entre groupes de neurones répartis en particulier dans le système thalamocortical et peut-être aussi dans d’autres régions du cerveau. Cependant, un tel regroupement ne peut équivaloir à tout le cerveau ni se limiter à un sous-ensemble déterminé de neurones. Ainsi le terme « noyau dynamique » ne réfère-t-il délibérément pas un ensemble unique et invariant d’aires du cerveau (dans le cortex préfrontal extrastrié ou strié), et le noyau peut changer de composition au fil du temps. Puisque notre hypothèse met l’accent sur le rôle des interactions fonctionnelles entre groupes dispersés de neurones, plutôt que sur leurs propriétés locales, elle part du principe que les mêmes groupes de neurones peuvent parfois faire partie du noyau dynamique et sous-tendre l’expérience consciente, et à d’autres moments ne pas en faire partie et être donc impliqués dans des processus inconscients. De plus, puisque la participation au noyau dynamique dépend de connexions fonctionnelles fluctuantes entre groupes de neurones plutôt que de leur proximité anatomique, la composition du noyau peut transcender les frontières anatomiques traditionnelles. Enfin, comme le montrent les études par imagerie, la composition exacte du noyau lié à certains états conscients varie considérablement selon les personnes.   Added by: Dominique Meeùs
Keywords:   regroupement fonctionnel noyau dynamique expérience consciente conscience inconscient variabilité
p.175   La conscience n’est pas une chose, mais un processus.   Added by: Dominique Meeùs
Keywords:   conscience chose processus
p.177   Il est clair aussi, d’après la définition d’un noyau dynamique, que, à n’importe quel moment, certaines aires du cerveau ou groupe de neurones font partie du noyau et d’autres non, même s’ils en ont fait partie quelques instants auparavant.   Added by: Dominique Meeùs
Keywords:   noyau dynamique aire groupe de neurones
p.202   La pure sensation de rouge est un état neuronal particulier identifié à un point au sein de l’espace à n dimensions défini par l’activité intégrée de tous les groupes de neurones qui constituent le noyau dynamique. La quale liée à la sensation de rouge correspond à la discrimination accomplie parmi des milliards d’autres états au sein de l’espace neuronal de référence. Les neurones réagissant à la présence du rouge sont nécessaires à l’expérience consciente du rouge, mais, à coup sûr, ils ne suffisent pas. La discrimination consciente correspondant à la quale de voir du rouge ne prend son plein sens que si on l’envisage dans l’espace neuronal de référence qui convient et qui doit être plus grand. Dans le même ordre d’idée, si les mêmes groupes de neurones réagissant au rouge s’éveillaient précisément de la même façon, mais étaient fonctionnellement déconnectés du noyau, cet éveil n’aurait pas de sens, et aucune quale ne lui serait associée.   Added by: Dominique Meeùs
Keywords:   quale expérience consciente conscience sensation
pp.231-232   Un animal seulement doté d’une conscience primaire peut produire une « image mentale » ou une scène fondée sur l’activité réentrante intégrée du noyau dynamique. Cette scène est en grande partie déterminée par la succession des événements réels survenant dans l’environnement et, jusqu’à un certain point, par l’activité sous-corticale inconsciente. Cet animal a une individualité biologique, mais non de vrai soi, de soi conscient de lui-même. Bien qu’il ait du « présent remémoré », sous l’effet de l’activité du noyau dynamique à travers le temps réel, il n’a pas de concept du passé ou du futur. Ces concepts n’ont émergé que lorsque les aptitudes sémantiques — à savoir la capacité à exprimer des sentiments et à se référer à des objets et à des éléments au moyen de symboles — sont apparues au cours de l’évolution. Nécessairement, la conscience de niveau supérieur implique des interactions sociales. Lorsque l’aptitude linguistique pleine et entière, fondée sur la syntaxe, est apparue chez les précurseurs d’Homo sapiens, la conscience de niveau supérieur s’est épanouie, en partie par suite des échanges au sein de la communauté des êtres qui parlaient. Les systèmes syntaxiques et sémantiques ont fourni de nouveaux moyens de construction symbolique et un nouveau type de mémoire médiatisant la conscience de niveau supérieur. La conscience de la conscience est alors devenue possible.   Added by: Dominique Meeùs
Keywords:   langage parole animal aptitude sémantique concept du futur concept du passé conscience conscience primaire interaction sociale soi conscient
Comments:
La conscience est liée à la parole et aux échanges.   Added by: Dominique Meeùs  (2011-01-01 21:06:31)
pp.232-234   Lorsqu’on contemple les modifications phénotypiques qui ont dû se mettre en place avant que le langage n’apparaisse ou ne soit inventé, la difficulté qu’on éprouve à reconstruire ses origines au cours de l’évolution ne devient que trop évidente. Premièrement, le précurseur des hominidés devait posséder une conscience primaire — c’est-à-dire une aptitude à, dans le présent remémoré, élaborer une scène dans laquelle des objets ou des événements à la fois liés et non liés entre eux, mais pris ensemble, avaient un sens au regard des valeurs et des souvenirs influencés par l’histoire de cet animal individuel. Une série de changements morphologiques ont ainsi conduit à la mise en place de la bipédie, de la possibilité de saisir des objets, liée à un sens tactile plus élaboré, et à la transformation du crâne. En même temps, ces modifications crâniennes ont permis que le larynx descende au cours du développement, libérant un espace au-dessus qui a permis de produire des sons de parole articulés. Aptes à communiquer, ces hominidés se sont servi de gestes et de sons pour développer des interactions sociales présentant un avantage sélectif pour la chasse et la reproduction.
     Et le cerveau ? C’est sans doute à cette époque que les structures corticales et sous-corticales permettant une riche catégorisation phonologique et la mémoire des sons de parole ont évolué. Cette étape cruciale dans l’émergence de la conscience de niveau supérieur a reposé sur l’apparition au cours de l’évolution de connexions réentrantes entre ces structures et les aires du cerveau responsables de la formation des concepts. Selon la théorie de la sélection des groupes de neurones, les répertoires des différentes aires cérébrales, opérant selon un principe de sélection, sont assez malléables pour s’adapter de façon somatique à une vaste gamme de changements phénotypiques corporels, comme l’émergence d’un espace supralaryngal. Cette plasticité résout un dilemme génétique et évolutif : des mutations corrélées et simultanées peuvent ainsi avoir lieu à la fois dans les parties altérées du corps et dans les cartographies neuronales altérées correspondantes. (Bien sûr, à la suite de l’ajustement somatique du cerveau à une mutation affectant le corps, des mutations ultérieures dans les gènes significatifs du point de vue neuronal ont pu s’accumuler au cours de l ’évolution pour le bénéfice de l’organisme.)
     Que faut-il pour que du sens et de la sémantique émergent des échanges ayant lieu au sein de la communauté de parole qui s’est développée chez les hominidés ? Premièrement, ces échanges doivent avoir des composantes affectives et émotionnelles liées au jeu des récompenses et des punitions. La relation émotionnelle précoce entre la mère et l’enfant et la toilette en sont probablement des prototypes, mais ce ne sont pas les seuls. Deuxièmement, la conscience primaire et les aptitudes conceptuelles devaient déjà être en place. (Avant le langage, les concepts dépendent de l’aptitude du cerveau à élaborer des « universaux » par le biais des cartographies de niveau supérieur de l’activité des cartes cérébrales perceptives et motrices.) Troisièmement, il faut que les sons deviennent des mots — des vocalisations développées au fil du temps au sein de l’histoire par ailleurs arbitraire d’une communauté de parole doivent être échangées et remémorées en liaison avec leurs référents. Enfin, certaines aires du cerveau doivent répondre à ces vocalisations, les catégoriser et connecter le souvenir de leur signification symbolique aux concepts, aux valeurs et aux réponses motrices. La valeur pour l’évolution de ces développements tient au souvenir des événements qui résulte des connexions réentrantes entre les aires qui médiatisent la mémoire pour les symboles de parole et les aires conceptuelles du cerveau.   Added by: Dominique Meeùs
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