Bibliographie générale |
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Zapata, R. (1988). La philosophie russe et soviétique. Paris: Presses universitaires de France. Added by: admin (2008-07-20 09:15:09) Last edited by: admin (2011-08-15 08:58:49) |
Resource type: Book ID no. (ISBN etc.): 9 782130 417354 BibTeX citation key: Zapata1988a View all bibliographic details ![]() |
Categories: Histoire, Philosophie Keywords: Russie, Union soviétique Creators: Zapata Publisher: Presses universitaires de France (Paris) |
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Quotes |
p.95
Des militants du Parti mettent en cause l’existence même d’une philosophie marxiste. V. V. Adoratski, E. Enchmen et surtout S. Minine à partir de présupposés divers considèrent que la philosophie est par essence bourgeoise, et qu’il n’y a que la science qui peut « servir le prolétariat ». Reprenant certaines thèses du proletkult et de Bogdanov, ils estiment que la philosophie n’est qu’un leurre de l’idéologie bourgeoise et qu’elle ne peut répondre aux nouvelles questions que pose le processus révolutionnaire. Les orthodoxes de Sous la bannière du marxisme n’hésiteront pas à jeter l’anathème contre ces dissidents qui veulent lancer la philosophie « par-dessus bord ». Abandonner la philosophie aux idéalistes, ce n’est pas seulement trahir l’héritage laissé par Marx, Engels et Plékhanov, mais aussi courir le risque de tomber dans l’opportunisme politique. Argumentation qui sera reprise par le Parti dans sa condamnation des « liquidateurs » de la philosophie.
Added by: Dominique Meeùs
Keywords: Adoratski Enchmen Minine proletkult Bogdanov philosophie bourgeoise science idéologie bourgeoise |
pp.95-96
Les orthodoxes s’attelleront alors à la tâche de donner des nouveaux contenus à la dialectique hégélienne dans son interprétation matérialiste. Il s’agit d’élaborer des nouvelles méthodes d’analyse et de recherche qui pourraient aider les scientifiques à sortir de l’état de crise méthodologique qui caractérise selon eux l’ensemble des sciences contemporaines, et en particulier la physique. C’est autour de Déborine et de ses disciples, Ian Sten et Nicolas Karev, que se forme le groupe dit des «dialecticiens», qui se fixe pour but la réélaboration matérialiste de la dialectique hégélienne prônée par Lénine.
Added by: Dominique Meeùs
Keywords: dialectique crise de la physique Déborine dialectique hégélienne dialectique matérialiste Karev matérialisme dialectique méthode scientifique Sten |
p.96
Mais leur autorité philosophique sera vite contestée par des scientifiques militants du Parti, comme A. K. Timiriazev, et des propagandistes, comme I. I. Stepanov, qui formeront le camp dit des « mécanistes ». Pour ces derniers, il faut élaborer les méthodes réelles utilisées par les scientifiques dans leurs recherches, et ils considèrent que l’imposition du dehors de la dialectique, dans sa version spéculative déborinienne, ne peut que renforcer le divorce entre scientifiques et philosophes.
Added by: Dominique Meeùs
Keywords: Timiriazev Stepanov mécanistes science dialectique |
p.97
Les dialecticiens prennent appui sur Dialectique de la nature d’Engels (publiée pour la première fois en 1925 par Riazanov), pour consolider la thèse selon laquelle il y aurait une méthodologie générale des sciences, la dialectique matérialiste, qui permet, grâce à ses lois, de comprendre et de dépasser les contradictions, en apparence insurmontables, dans lesquelles se sont empêtrées les sciences de la nature (comme par exemple, la contradiction que renferme la dualité onde-particule, qui fera couler beaucoup d’encre…).
Added by: Dominique Meeùs
Keywords: dialectique dialectique matérialiste méthodologie générale des sciences science dualité onde-particule loi de la dialectique |
pp.103-104
Paradoxalement, ce fut dans le terrain de bataille des bolchévisateurs, c’est-à-dire leur interprétation étroite de Matérialisme et empiriocriticisme de Lénine, que surgirent les premiers obstacles à la nouvelle ligne philosophique. À première vue, les discussions épistémologiques qui avaient lieu à l’époque en Occident sur la théorie de la relativité et la mécanique quantique offraient un terrain de choix aux bolchévisateurs pour mettre à l’épreuve leur interprétation des thèses de Lénine concernant l’étude de la matière. Les physiciens russes, pour leur part, avaient déjà depuis longtemps engagé leurs recherches dans le cadre des théories d’Einstein, et cela malgré la campagne des mécanistes contre la théorie de la relativité. Au cours des années 30, lorsque s’amorce le débat entre Einstein et l’École de Copenhague à propos de la mécanique quantique, ils sont sans doute plus préoccupés par les aspects mathématiques et scientifiques de ces discussions que par leurs conséquences épistémologiques. Lorsque les bolchévisateurs, A. A. Maksimov en tête, lancent encore une fois en 1932 le mot d’ordre d’un « remaniement global des sciences de la nature » et taxent Einstein, Schrödinger, Heisenberg et Bohr d’ « idéalistes de l’espèce machiste » et d’ « ennemis déclarés du matérialisme dialectique », ils ne s’attendaient sûrement pas à une réaction négative des physiciens. Mais ceux-ci ont réagi d’une façon claire et même agressive. Dès 1933, I. E. Tamm publie un article cinglant dans Pod Znamenem Markizma dans lequel il dénonce le fait que « le vrai mal, c’est que la grande majorité des représentants de la philosophie marxiste dans notre pays, qui travaillent dans le domaine de la physique et les domaines annexes, ne comprennent tout simplement plus la situation actuelle dans la science contemporaine ». Et en 1934, lors d’une séance de l’Académie communiste consacrée au vingt-cinquième anniversaire de la publication de Matérialisme et empiriocriticisme, des physiciens de renom international comme A. F. Ioffe et S. I. Vavilov n’hésitent pas à défendre le principe d’indétermination de Heisenberg, que les bolchévisateurs considéraient le comble de l’idéalisme, puisqu’il remettait en cause tous les schémas classiques de la causalité en physique. Added by: Dominique Meeùs Keywords: théorie de la relativité mécanique quantique matière Einstein École de Copenhague Maksimov Schrödinger Heisenberg Bohr Tamm Ioffe Vavilov principe d’indétermination de Heisenberg causalité physique |
p.105
[…] l’opuscule de Staline, Matérialisme dialectique et matérialisme historique. Cet opuscule, probablement rédigé par B. Mitine […]
Added by: Dominique Meeùs
Keywords: Staline Mitine Matérialisme dialectique et matérialisme historique |
pp.117-118
Alors qu’ils insistent de façon catégorique sur le fait que la philosophie dialectique-matérialiste ne vise pas à se transformer en une science des sciences, les philosophes soviétiques persistent et signent lorsqu’il s’agit de définir l’apport concret de leurs recherches à la pratique des scientifiques. C’est ainsi, par exemple, que les collaborateurs de l’Histoire de la dialectique matérialiste pouvaient écrire en 1973 que « la dialectique matérialiste en tant que science sur les lois universelles, en tant que logique, théorie de la connaissance et méthodologie, permet au savant d’esquisser la méthode juste pour aborder les problèmes étudiés, la voie juste pour les connaître, elle lui permet de choisir le moyen (méthode correcte de l’activité cognoscitive, de savoir bien l’organiser, et de résoudre les problèmes méthodologiques correspondants...) », tout en ajoutant que « les connaissances concrètes ne peuvent être obtenues par déduction à partir de la théorie dialectique » (ibid., p. 343). Cette dernière remarque concerne évidemment le vieux fantôme lyssenkiste qui continue à hanter les épistémologues soviétiques, mais elle est manifestement en contradiction avec l’autre pan de la doctrine selon lequel la dialectique matérialiste est la seule forme juste du développement de la pensée scientifique. Depuis la publication de l’ouvrage de Jacques Monod en 1970 Le hasard et la nécessité, dans lequel il rejetait en bloc la philosophie marxiste en s’appuyant surtout sur le cas Lyssenko, les philosophes soviétiques cherchent désespérément, le mot n’est pas trop fort, d’échapper au piège inhérent à toute épistémologie, mais sans jamais mettre en question l’élaboration de la méthodologie « juste ». Il y a là un cercle vicieux, qui date des années 20, et dont Déborine a été sans doute le premier à en faire les frais.
Added by: Dominique Meeùs
Keywords: théorie de la connaissance Déborine dialectique matérialiste loi universelle Lyssenko matérialisme dialectique philosophie soviétique science science des sciences |