Bibliographie générale |
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Lewontin, R. C., Rose, S., & Kamin, L. J. (1985). Nous ne sommes pas programmés: Génétique, hérédité, idéologie M. Blanc, R. Forest & J. Ayats, Trans. Paris: Éditions La Découverte. Added by: admin (2008-06-06 19:17:35) |
Resource type: Book ID no. (ISBN etc.): 9 782707 115324 BibTeX citation key: Lewontin1985 View all bibliographic details ![]() |
Categories: Biologie, Marxisme, Philosophie, Sciences Keywords: cerveau, dialectique, esprit, évolution Creators: Ayats, Blanc, Forest, Kamin, Lewontin, Rose Publisher: Éditions La Découverte (Paris) |
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Abstract |
Les auteurs exposent le lien entre l’idéologie bourgeoise (et spécialement, vu l’époque où ils écrivent, le conservatisme de Reagan et Tatcher) et un certain déterminisme biologique mécaniste. Ils insistent en particulier sur l’individualisme qu’ils font remonter à Hobbes et y associent le réductionnisme qui ne veut pas voir qu’un tout structuré (comme une société humaine) est plus que la somme de ses parties. Le mot réductionnisme est peut-être mal choisi. (Je ne sais si ce défaut est propre à la traduction ou déjà présent dans l’original.) Les auteurs ne contestent pas qu’il n’y a d’esprit que dans les neurones et que ceux-ci sont formés de molécules qui relèvent de la biochimie, elles-mêmes formées des êtres quantiques qu’étudient les physiciens. En ce sens, la personnalité peut en fin de compte être ramenée à la matière. Ce que les auteurs critiquent ce sont des points de vues réducteurs qui récusent l’étude du tout pour n’étudier que les parties isolément, en dehors de leurs relations. On pourrait dire en bref que les auteurs défendent un matérialisme dialectique contre un matérialisme mécaniste. Ils montrent comment ce déterminisme biologique sert à légitimer l’inégalité. Ils étudient longuement la question des test de quotient intellectuel (QI) et montrent que les études « prouvant » le caractère génétique du QI sont méthodologiquement sans valeur quand elles ne sont pas carrément frauduleuses comme dans le cas des « recherches » de Cyril Burt. (Au passage, ils expliquent pourquoi on ne peut définir un concept de race.) Ils montrent que les études sur le caractère génétique de la schizophrénie ne valent guère mieux. (Ce qui ne veut pas dire qu’ils prétendent que la schizophrénie serait purement culturelle.) Ils récusent les arguments de la fausse science appelée sociobiologie à la Wilson ou à la Dawkins et en particulier ils attaquent les arguments selon lesquels la supériorité de l’homme sur la femme serait dans l’ordre des choses. Ils dénoncent la tendance à considérer comme anormaux et comme malades mentaux ceux qui contestent l’ordre social ou en sont victimes. Ils dénoncent aussi la pression de l’industrie pharmaceutique pour inventer de nouvelle maladies et faire consommer des médicaments sensés les soigner et ils abordent en particulier la question des enfants considérés comme hyperactifs. (Ils ne nient pas qu’il puisse y avoir des malades mentaux qui souffrent et dont les souffrances sont allégées par des médicaments.) Added by: admin Last edited by: admin |
Notes |
Préface d’Albert Jacquard
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Quotes |
pp.28-29, Chapter 1. Nouveaux conservateurs et vieux déterminisme
Cette compréhension, selon nous, doit être dialectique, par opposition au réductionnisme. L’explication réductionniste cherche à déduire les propriétés des « touts » des propriétés intrinsèques des parties, ces dernières propriétés caractérisant les parties avant leur assemblage en structures complexes. La démarche caractéristique du réductionnisme est d’assigner des poids relatifs à différentes causes partielles et de chercher à établir l’importance de chacune en faisant varier un seul paramètre à la fois. Au contraire, les explications dialectiques n’attribuent pas de propriétés aux parties prises isolément de leur association en « touts », mais considèrent que les propriétés des parties surgissent de leur association. Ou encore, on peut dire que les propriétés des parties et des « touts » se déterminent les unes les autres. Les caractéristiques des individus humains n’existent pas à l’état isolé : elles sont engendrées par la vie sociale ; mais la nature de cette vie sociale est de son côté une conséquence du fait que nous sommes des êtres humains et non, par exemple, des végétaux. Il s’ensuit que l’explication dialectique s’oppose aux modes d’explications culturelles ou dualistes qui séparent le monde en différentes sortes de phénomènes — culture et biologie, esprit et corps — explicables de manière différente, par des moyens qui ne se recoupent pas. Les explications dialectiques cherchent à rendre compte de l’univers matériel d’une façon cohérente, unitaire, mais non réductionniste. Pour la dialectique, l’univers est unitaire, mais en changement constant ; les phénomènes observables à tout instant font partie de processus, processus qui ont une histoire et un futur, dont les voies ne sont pas uniquement déterminées par leurs unités constitutives. Les « touts » sont composés d’unités dont on peut décrire les propriétés ; mais l’interaction de ces unités, lors de la constitution des « touts », engendre des complexités qui font que les produits obtenus sont qualitativement différents des parties constitutives. On peut penser à la cuisson d’un gâteau : le goût du produit est le résultat d’une interaction complexe d’ingrédients (beurre, sucre, farine…) exposés pendant des laps de temps différents à des températures élevées ; ce goût ne peut être décomposé en tant pour cent de farine, tant pour cent de beurre, etc., bien que chaque ingrédient (ou ce qu’il en est advenu à haute température) contribue au produit final. Dans un univers où des interactions complexes de ce genre se produisent constamment, l’histoire devient capitale. La position et l’état d’un organisme à un moment donné ne dépendent pas seulement de sa constitution à ce moment, mais aussi d’un passé qui impose diverses contingences à l’interaction présente et future de ses parties constitutives. Une telle conception du monde abolit les antithèses entre réductionnisme et dualisme, entre nature et culture, ou hérédité et environnement ; entre un monde statique et ses composantes qui interagissent mais (de manière limitée et prédéterminée en fait, au long de chemins définis à l’avance). Dans les chapitres qui suivent, l’explication de cette position apparaîtra au cours de notre critique du déterminisme biologique, par exemple dans notre analyse des relations entre génotype et phénotype (chapitre 5) et entre esprit et cerveau. Added by: admin Keywords: complexité dialectique dualisme réductionnisme tout partie |
pp.36-37, Chapter 2. Les positions politiques du déterminisme biologique
En fait, il s’agit d’une tentative d’explication systématique de l’existence sociale de l’homme, fondée sur deux principes : les phénomènes sociaux humains sont la conséquence directe du comportement des individus ; ces comportements individuels sont la conséquence directe de caractéristiques biologiques innées. Ainsi, le déterminisme biologique est une explication réductionniste de la vie humaine, pour laquelle les « flèches » de la causalité vont des gènes aux individus humains et des individus humains à l’humanité. Mais c’est davantage qu’une explication : c’est une position politique. Car si l’organisation sociale humaine, y compris les inégalités de statut, richesse ou pouvoir, est la conséquence directe de notre biologie, alors, en dehors de tel ou tel programme gigantesque de génie génétique, aucune pratique ne peut modifier significativement la structure sociale ou la situation des individus ou des groupes au sein de celle-ci. Ce que nous sommes est naturel, et donc fixé une fois pour toutes. Lutter, faire des lois, faire des révolutions même, tout cela est vain. À la longue les différences naturelles entre individus et entre groupes, fondées sur les universaux biologiques du comportement humain, rendront impuissants tous nos efforts naïfs pour restructurer la société. Nous ne vivons peut-être pas dans le meilleur de tous les mondes concevables, mais nous vivons dans le meilleur de tous les mondes possibles.
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Keywords: déterminisme biologique gène idéologie bourgeoise individu société |
p.42, Chapter 2
La croissance du déterminisme biologique au début des années soixante-dix fut précisément la réponse aux militantismes de plus en plus menaçants. Ce fut une tentative pour résister à leurs pressions en leur refusant toute légitimité. Ainsi, on a commencé à dire que les Noirs n’ont pas à réclamer des salaires et des statuts sociaux égaux, parce qu’ils sont biologiquement moins aptes à maîtriser les hautes abstractions grâce à quoi on obtient les hautes rémunérations. La revendication égalitaire féministe n’est pas fondée, puisque la domination masculine est inscrite dans nos gènes par suite d’une évolution multimillénaire. Impossible de satisfaire les parents qui veulent restructurer les écoles pour que leurs enfants « retardés » puissent y être instruits : leurs enfants ont des cerveaux défectueux. La violence des Noirs contre les propriétaires et les marchands n’est pas la révolte des dépossédés : elle découle de lésions cérébrales. À chaque mouvement militant, son explication biologique sur mesure qui le rend illégitime ! Le déterminisme biologique est une façon puissante de « blâmer la victime » dans toutes sortes de circonstances [Ryan 1971]. On peut s’attendre à le voir, de ce fait, se renforcer et se diversifier en un temps où la conscience d’être victime se répand au fur et à mesure que s’accroît l’impossibilité de satisfaire les revendications.
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Keywords: répression déterminisme biologique idéologie bourgeoise |
p.79, Chapter 3. L’idéologie bourgeoise et les origines du déterminisme
Le monde réductionniste intégral tel qu’il apparaît dans les écrits sociobiologiques d’un E. O. Wilson (Sociobiology : The New Synthesis), ou d’un Richard Dawkins (Le gène égoïste) se fonde explicitement sur le dogme central de la biologie moléculaire : le gène prime ontologiquement sur l’individu et l’individu sur la société (*). Mais il se fonde tout aussi explicitement sur un ensemble de concepts économiques de gestion, en vogue dans les années soixante et soixante-dix : analyse des coûts, coûts marginaux des investissements, théorie des jeux, ingénierie et communication. Tout cela est transféré sans complexe par Wilson ou Dawkins dans le domaine naturel. En fait, ce réductionnisme intégral met en jeu un double mouvement : la vision du monde sociobiologique est tirée de l’observation de l’ordre social existant, puis, comme on peut s’y attendre et comme il est également arrivé à la théorie darwinienne de l’évolution avec le darwinisme social, elle est appliquée en retour à l’ordre social pour le légitimer […] (*) Pour Jaques Monod [Hudson 1977:212] : « On a une équivalence logique exacte entre famille et cellules. Tout ceci est entièrement écrit dans la structure des protéines qui est elle-même inscrite dans l’ADN. » Added by: admin Keywords: gène idéologie bourgeoise individu ordre social réductionnisme société sociobiologie |
pp.85-86, Chapter 4. La légitimation de l’inégalité
L’idéologie de l’égalité est devenue une arme pour le maintien d’une société inégalitaire à partir du moment où l’on a fait passer la cause des inégalités de la structure de la société à la nature des individus. Le discours mis en place a pris la forme suivante. D’abord, on affirme que les inégalités au sein de la société sont la conséquence directe et inéluctable des différences de mérite et de capacité intrinsèques entre les individus. Chacun peut réussir, atteindre les sommets ; mais y parvenir ou non résulte de la force ou de la faiblesse de la volonté ou du caractère. Deuxièmement, alors que l’idéologie libérale adhérait à un déterminisme culturel, mettant l’accent sur le milieu et l’éducation, le déterminisme biologique affirme que les succès ou les échecs de la volonté et du caractère sont codés, pour une large part, dans les gènes des individus ; autrement dit, le mérite et le talent se transmettent par filiation de génération en génération. Enfin, le déterminisme biologique affirme que l’existence de ces différences biologiques entre individus conduit nécessairement à la création de sociétés hiérarchisées, parce qu’il est inscrit dans la nature humaine de créer des hiérarchies de statut, de richesse, de pouvoir. Ces trois arguments sont requis ensemble pour justifier complètement les structures sociales existantes avec leurs inégalités.
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Keywords: déterminisme biologique idéologie bourgeoise inégalité libéralisme |
pp.308-309, Chapter 9. La sociobiologie : une synthèse totale
La description habituelle de la nature humaine figurant dans les écrits sociobiologiques signifie que les sociobiologistes n’ont pas réussi à faire face aux problèmes fondamentaux de l’analyse du comportement. Ils traitent des catégories telles que l’esclavage, l’esprit d’entreprise, la dominance, l’agression, le tribalisme et la territorialité comme si c’étaient des objets naturels ayant une réalité concrète, et ne s’aperçoivent pas qu’il s’agit de constructions idéologiquement et historiquement conditionnées. Toute théorie de l’évolution de, disons, « l’esprit d’entreprise » dépend de manière critique de savoir si ce concept a une quelconque réalité en dehors de la tête des chercheurs en histoire moderne et en économie politique.
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Keywords: nature humaine sociobiologie |
p.314, Chapter 9
Une affirmation centrale de la sociobiologie est la suivante : le comportement social humain est, d’une certaine façon, codé dans les gènes. Cependant, comme nous l’avons expliqué à propos du QI, personne jusqu’ici n’a été capable de mettre en rapport tel aspect du comportement social humain avec tel ensemble de gènes, personne n’a jamais suggéré d’y parvenir avec quelque programme expérimental que ce soit. Ainsi, toutes les déclarations au sujet des bases génétiques des comportements sociaux humains sont nécessairement de pures spéculations, quel que soit par ailleurs leur caractère séduisant dans certains cas.
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Keywords: comportement gène sociobiologie |
p.322, Chapter 9
Il y a un problème encore plus fondamental auquel doivent faire face les théoriciens de la nature humaine biologique. Supposons que la biologie du développement soit capable de dire quelle réponse développementale à l’environnement va donner tel génotype humain, par rapport à tel comportement. Dans ces conditions, les caractéristiques d’un individu pourraient être prédites, étant donné tel environnement. Or, celui-ci est de nature sociale. Et qu’est-ce qui déterminera l’environnement social ? D’une façon ou d’une autre, les caractéristiques des individus jouent, quoiqu’elles ne soient pas déterminantes. Il y a aussi un rapport dialectique entre l’individu et la société, chacun étant la condition du développement et de la détermination de l’autre. La théorie de ce rapport dialectique, où les individus à la fois font et sont faits par la société, relève d’un thème social, pas biologique. Les lois qui gouvernent les rapports de génotype individuel à phénotype individuel ne peuvent pas elles-mêmes fournir ces lois du développement de la société. En outre, il doit y avoir des lois qui relient les natures individuelles à la nature de la collectivité. Ces problèmes de la théorie sociale disparaissent dans la vision réductionniste du monde parce que, pour un réductionniste, la société est déterminée par les individus, sans qu’il y ait d’action en retour.
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Keywords: individu société dialectique sociobiologie |
pp.322-328, Chapter 9
Une dernière caractéristique de l’argumentation sociobiologiste est de reconstruire une histoire plausible de la genèse de traits sociaux humains sous l’action de la sélection naturelle. Classiquement, ce raisonnement consiste à supposer que, dans le passé évolutif de l’espèce, il existait une variation génétique pour un certain trait, mais que les génotypes déterminant une forme particulière de comportement laissèrent d’une façon ou d’une autre plus de descendants. En conséquence, ces génotypes augmentèrent leur fréquence au sein de l’espèce et en vinrent finalement à la caractériser. […] La combinaison de la sélection directe, de la sélection de parentèle et de l’altruisme réciproque fournit aux sociobiologistes toute une gamme de possibilités de spéculations qui garantit toujours une explication pour chaque cas envisagé. Ce système est imbattable parce qu’il est à l’abri de toute possibilité de se voir contredit par les faits. Si l’on peut inventer des gènes ayant des effets aussi complexes que l’on veut sur le phénotype, et ensuite inventer des histoires adaptatives à propos d’un passé invérifiable de l’histoire humaine, il n’est pas de phénomènes réels et imaginaires qui ne puissent être expliqués. Même les plus réductionnistes des sociobiologistes finissent parfois par se rendre compte du fait que les histoires adaptatives pourraient être plutôt du domaine de la fable que des sciences naturelles. Dawkins [1979] confesse qu’ « il n’y a pas de limites aux fascinantes spéculations que la notion d’altruisme réciproque engendre lorsqu’on l’applique à notre propre espèce. Aussi tentant que cela soit, je n’excelle pas plus qu’un autre à ce genre d’exercice, et je laisse le lecteur libre de s’amuser à en imaginer lui-même. » Added by: admin Keywords: adaptation Dawkins fable sélection naturelle sociobiologie |