Bibliographie générale |
![]() |
![]() |
Feynman, R. (1987). Lumière et matière: Une étrange histoire F. Balibar & A. Laverne, Trans. Paris: Interéditions. Added by: Dominique Meeùs (2013-02-20 19:08:51) |
Resource type: Book ID no. (ISBN etc.): ISBN : 2-7296-0154-6 BibTeX citation key: Feynman1987 View all bibliographic details ![]() |
Categories: Physique Creators: Balibar, Feynman, Laverne Publisher: Interéditions (Paris) |
Views: 3/2085 Views index: 68% Popularity index: 17% |
Quotes |
pp.16-19
La tendance historique de la physique est à la synthèse de phénomènes de plus en plus nombreux en un nombre de plus en plus restreint de théories. Ainsi on est parti, au début, de phénomènes aussi divers que le mouvement, la chaleur, le son, la lumière et la gravité. Puis est venu Newton qui a expliqué les lois du mouvement, et on a découvert que certaines de ces choses, apparemment si disparates, n’étaient en fait que divers aspects d’une seule et même chose, le mouvement. On s’aperçut que le son, par exemple, était entièrement explicable en termes de mouvements des atomes de l’air. Le son, de ce fait, cessa d’être considéré comme un phénomène différent du mouvement. On s’aperçut également que les phénomènes caloriques pouvaient facilement être interprétés à partir des lois du mouvement. De grands pans de la physique se sont trouvés ainsi synthétisés en une seule théorie simple. Cependant, la théorie de la gravitation s’est révélée irréductible aux seules lois du mouvement et, aujourd’hui encore, cette théorie reste une théorie à part. La gravitation, jusqu’à preuve du contraire, reste inexplicable en termes d’autres phénomènes. Après qu’on eut effectué cette synthèse des phénomènes de mouvement, de son et de chaleur, furent découverts un certain nombre d’autres phénomènes : les phénomènes électriques et magnétiques. C’est alors qu’en 1873, James Clerk Maxwell réalisa une nouvelle synthèse unissant en une seule et même théorie les phénomènes électriques et magnétiques et les phénomènes lumineux. Selon Maxwell, la lumière n’est autre qu’une onde électromagnétique. Restaient donc en piste, à ce stade de l’évolution historique de la physique, les lois du mouvement, les lois de l’électricité et du magnétisme, et les lois de la gravité. Aux alentours de 1900 fut élaborée une théorie de la matière, à laquelle on donna le nom de théorie électronique, selon laquelle les atomes renfermaient en leur sein de toutes petites particules chargées. Cette théorie fut peu à peu transformée pour tenir compte de la présence dans l’atome d’un noyau lourd autour duquel les électrons effectuaient des révolutions. Toutes les tentatives en vue d’expliquer le mouvement des électrons autour du noyau à l’aide des lois de la mécanique (sur le modèle de ce qu’avait fait Newton pour les mouvements de la Terre autour du Soleil) s’avérèrent infructueuses. Incidemment, la théorie de la relativité, dont on dit couramment qu’elle révolutionna la physique, date d’à peu près la même époque. Mais au regard de ce que fut la découverte de l’inadéquation des lois de Newton au niveau atomique, la théorie de la relativité paraît n’avoir apporté que des changements bien modestes. L’élaboration d’un système théorique destiné à remplacer les lois de Newton fut longue et laborieuse, tant les phénomènes au niveau atomique sont étranges. La compréhension de ce qui se passe à ce niveau ne se fit qu’au prix de l’abandon des idées du sens commun. Et ce n’est qu’en 1926 que fut finalement élaborée une théorie, dénuée de sens commun, permettant d’expliquer le comportement peu ordinaire des électrons à l’intérieur de la matière. À cette théorie apparemment farfelue, mais apparemment seulement, fut donné le nom de théorie quantique, d’après le mot « quantum » , lequel traduit précisément cet aspect de la nature contraire au sens commun. C’est de cet aspect que je vais vous parler. Cette théorie quantique, parce qu’elle permettait aussi d’expliquer des faits tels que, par exemple, la combinaison de deux atomes d’hydrogène avec un atome d’oxygène pour donner de l’eau, a fini par supplanter les théories qui, avant elle, fondaient la chimie. Du point de vue fondamental, la chimie théorique n’est en fait qu’une branche de la physique. Parce qu’elle permettait d’expliquer la chimie, la théorie quantique connut immédiatement un succès énorme. Ce qui n’empêchait pas le problème de l’interaction matière-lumière de rester entier. De fait, c’est la théorie de Maxwell, théorie de l’électricité et du magnétisme, qui allait devoir subir des modifications destinées à la mettre en accord avec les principes de la nouvelle théorie quantique. Ainsi naquit, aux environs de 1929, une nouvelle théorie, la théorie quantique de l’interaction matière-lumière, à laquelle on a donné l’horrible nom d’électrodynamique quantique. Mais cette théorie n’était pas sans présenter quelques difficultés. En effet, si l’on calculait une certaine grandeur de façon grossière, en première approximation, on obtenait un résultat tout à fait acceptable. Mais si l’on essayait à partir de là d’effectuer un calcul plus précis, on s’apercevait que la correction à apporter — qui a priori aurait dû être très petite (comme c’est le cas lorsqu’on ajoute un terme supplémentaire à une série, par exemple) — était en réalité très grande : plus même, infinie ! Résultat : il était impossible de faire des calculs dépassant une certaine précision. Added by: Dominique Meeùs |
p.20
En 1948, Julian Schwinger, Sin-Itiro Tomonaga et moi-même avons résolu le problème du calcul des quantités physiques en électrodynamique quantique. Schwinger fut le premier à calculer le moment magnétique de l’électron selon ces nouvelles règles. Il trouva une valeur de 1,001 16, ce qui était suffisamment proche de la valeur expérimentale pour laisser espérer que nous étions sur la bonne voie. Nous tenions enfin une théorie quantique de l’électricité et du magnétisme autorisant le calcul des grandeurs physiques. C’est cette théorie que je vais vous décrire. La théorie de l’électrodynamique quantique a maintenant plus de cinquante ans et a été vérifiée de façon de plus en plus précise, dans les conditions expérimentales les plus diverses. Aujourd’hui, je peux vous affirmer avec fierté qu’il n’y a pas d’écart significatif entre la théorie et l’expérience ! Added by: Dominique Meeùs |
pp.21-23
[…] la théorie permet de décrire tous les phénomènes du monde physique, à l’exclusion des effets gravitationnels (ceux-là même qui vous maintiennent assis sur vos chaises — pour être exact, ce qui vous maintient assis sur vos chaises, c’est un mélange de gravitation et de politesse), et les phénomènes radio-actifs (qui concernent les transitions du noyau d’un niveau d’énergie à un autre). Si donc nous excluons la gravité et la radio-activité (plus précisément, la physique nucléaire), que reste-t-il ? Des phénomènes tels que la combustion de l’essence dans les moteurs d’automobiles, la formation de bulles ou d’écume, la dureté du sel ou de l’acier… Les biologistes essaient même aujourd’hui d’interpréter, autant que possible, la vie en termes de chimie ; et comme je l’ai déjà dit, derrière la chimie il y a l’électrodynamique quantique. Ici, il me faut clarifier un point : quand je dis que l’électrodynamique quantique explique tous les phénomènes du monde physique, ce n’est pas tout à fait exact. La plupart des phénomènes qui nous sont familiers mettent en jeu un nombre énorme d’électrons et notre faible entendement a du mal à concevoir une telle complexité. Mais nous pouvons, face à ce genre de situation, utiliser la théorie pour nous faire une idée de ce qui doit se passer grosso modo… et on constate que c’est effectivement ce qui se passe, grosso modo. Par ailleurs, si nous réalisons une expérience en laboratoire impliquant un petit nombre d’électrons, dans des conditions expérimentales simples, et si nous calculons, avec précision cette fois, ce qui doit se passer, puis mesurons, avec précision également, ce qui se passe, alors nous constatons, quelle que soit l’expérience, que l’électrodynamique quantique marche parfaitement bien. Nous autres physiciens sommes toujours à l’affût de ce qui, dans une théorie, pourrait ne pas aller. C’est la règle du jeu : ce qui est intéressant, c’est ce qui dans une théorie ne marche pas bien. Pour ce qui est de l’électrodynamique quantique, nous n’avons jusqu’à maintenant rien trouvé qui « cloche ». L’électrodynamique quantique est en quelque sorte la perle de la physique, ce dont nous sommes le plus fiers. La théorie de l’électrodynamique quantique sert aussi de modèle aux nouvelles théories qui cherchent à expliquer les phénomènes nucléaires, c’est-à-dire ce qui se passe à l’intérieur du noyau des atomes. Si on se représente le monde physique comme une scène de théâtre, on dira que les acteurs sont d’une part les électrons, à l’extérieur du noyau, et d’autre part les quarks, les gluons, etc. — des dizaines d’autres particules — à l’intérieur du noyau. Bien que tous ces « acteurs » aient une apparence très différente, leur « jeu » présente en effet une parenté de style très nette, ce que l’on peut appeler le style quantique, un style tout à fait étrange et bien spécifique. Added by: Dominique Meeùs |