Bachelard, G. (1975). Le rationalisme appliqué 5th ed. Paris: Presses universitaires de France. |
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Added by: Dominique Meeùs 2010-11-13 19:53:15 |
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La science de Lavoisier qui fonde le positivisme de la balance est en liaison continue avec les aspects immédiats de l’expérience usuelle. Il n’en va plus de même quand on adjoint un électrisme au matérialisme. Les phénomènes électriques des atomes sont cachés. Il faut les instrumenter dans un appareillage qui n’a pas de signification directe dans la vie commune. Dans la chimie lavoisienne on pèse le chlorure de sodium comme dans la vie commune on pèse le sel de cuisine. Les conditions de précision scientifique, dans la chimie positiviste, ne font qu’accentuer les conditions de précision commerciale. D’une précision à l’autre, on ne change pas la pensée de la mesure. Même si on lit la position de l’aiguille fixée au fléau de la balance avec un microscope, on ne quitte pas la pensée d’un équilibre, d’une identité de masse, application très simple du principe d’identité, si tranquillement fondamental pour la connaissance commune. En ce qui concerne le spectroscope de masse, nous sommes en pleine épistémologie discursive. Un long circuit dans la science théorique est nécessaire pour en comprendre les données. En fait, les données sont ici des résultats. On nous objectera que nous proposons une distinction bien délicate pour séparer la connaissance commune et la connaissance scientifique. Mais il est nécessaire de comprendre que les nuances sont ici philosophiquement décisives. Il ne s’agit rien moins que de la primauté de la réflexion sur l’aperception, rien moins que de la préparation nouménale des phénomènes techniquement constitués. |
Jacob, M. (2001). Au cœur de la matière: La physique des particules élémentaires. Paris: Éditions Odile Jacob. |
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Added by: Dominique Meeùs 2012-07-30 12:52:36 |
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C’est en effet avec la masse que nos idées préconçues se trouvent peut-être les plus bousculées. Quoi de plus tangible que la masse ? N’est-ce pas a priori une propriété fondamentale d’un objet indépendante des circonstances ? Avec Lavoisier, la masse est une propriété indestructible, que l’on retrouve à travers tous les processus chimiques. Avec Einstein, c’est une forme de l’énergie mais dans la plupart des cas, la conservation de l’énergie entraîne la conservation de la masse. En physique des particules, la masse est une propriété intrinsèque de la particule, un invariant qui sert à la définir. La masse est longtemps apparue comme une propriété fondamentale. N’est-il pas surprenant de la voir maintenant apparaître comme une propriété purement dynamique, liée aux propriétés du vide et à la façon dont elles affectent les particules qui s’y trouvent ? Le modèle standard introduit des particules sans masse et le couplage au champ de Higgs attribue une masse déterminée à chaque particule, toutes ces masses étant proportionnelles à la valeur moyenne de ce champ. On peut dire que la masse de chaque particule est maintenant donnée par une constante de couplage au champ de Higgs, soit autant de paramètres (de nombres purs) qu’il y a de particules. Cela s’applique aux leptons, mais pour les quarks constituant des hadrons, il faut aller plus loin. Les quarks u et d ne vont acquérir ainsi que des masses très faibles (quelques MeV) par rapport à celles des protons et des neutrons qu’ils constituent (de l’ordre du GeV). Or la masse du proton et celle du neutron représentent la masse telle qu’elle apparaît dans la vie courante, la masse des atomes et donc de tous les corps. Comme nous venons de le voir, cette masse hadronique correspond à la masse effective que prennent ces quarks quand ils s’habillent de gluons à l’intérieur d’un hadron. Pratiquement, la totalité de cette masse effective est un effet dynamique. On peut aussi dire qu’elle correspond à l’énergie nécessaire pour créer la bulle que va constituer la particule dans un vide qui préférerait ne pas l’avoir et ne la tolère que parce qu’elle est globalement « neutre » vis-à-vis de la couleur. La création de cette « bulle » demande une énergie de l’ordre du GeV. D’où vient cette valeur de la masse ? Il n’y a pas d’échelle de masse en chromodynamique. Il n’y a qu’une constante de couplage sans dimension. Nous avons vu qu’une échelle de masse (de l’ordre de 150 MeV) apparaît pourtant quand on considère la variation de la constante de couplage effective avec le transfert. Elle est incontournable lorsqu’on veut calculer et pour ce faire renormaliser la théorie. Rappelons-nous l’inversion de l’effet d’écran rencontré au chapitre 2. La masse va dépendre de la structure de la chromodynamique fondée sur la symétrie SU(3) de la couleur. Elle dépend avant tout du fait qu’il y a 8 gluons et 2 quarks à ce niveau d’énergie, encore une fois des nombres purs. Mais il n’y a pas que cela. Un physicien dira que lorsqu’on renormalise une théorie il faut se raccrocher à une valeur expérimentale qu’on ne peut que mesurer et qui, dans le cas de l’interaction forte, peut être choisie comme une distance de l’ordre de 1 fermi (où mesurer la force de l’interaction avec un couplage effectif de l’ordre de 1) ou une énergie de l’ordre de 150 MeV (donnant la variation du couplage effectif avec le transfert). On se raccroche souvent en pratique à la masse du méson rho qui vaut 750 MeV. L’expérience a bien son mot à dire. On ne saurait cependant minimiser la portée de la théorie. Fixant l’échelle de masse sur la valeur d’une masse hadronique, on peut en principe calculer toutes les autres masses ainsi que la température de déconfinement que nous avons rencontrée (voir chapitre 7). Ce n’est aujourd’hui possible qu’au prix de gros calculs numériques sur des ordinateurs qui deviennent de plus en plus puissants (voir chapitre 14). Cette nouvelle conception de la masse est une révolution importante. Ce qui apparaissait comme une propriété intrinsèque et immuable se voit relégué au rang d’effet dynamique dépendant des interactions et, avant tout, de la structure du vide. |