Althusser, L. (1974). Philosophie et philosophie spontanée des savants (1967): Cours de philosophie pour scientifiques. Paris: Librairie François Maspero. |
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Last edited by: Dominique Meeùs 2009-08-23 21:21:26 |
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C’est à partir de cette situation contradictoire qu’on peut comprendre les rapports qui s’esquissent actuellement entre les différentes disciplines littéraires. Elles revendiquent le nom de sciences humaines, marquant, par le mot de sciences, leur prétention d’avoir mis fin à leur ancien rapport à leur objet. Au lieu d’un rapport culturel, c’est-â-dire idéologique, elles veulent instaurer un nouveau rapport : scientifique. Dans l’ensemble, elles pensent avoir réussi cette conversion, et le proclament dans le nom qu’elles se donnent, se baptisant elles-mêmes sciences humaines. Mais une proclamation peut être seulement une proclamation : une intention, un programme — mais aussi en partie un mythe, destiné à entretenir une illusion, la « réalisation d’un désir ». Il n’est pas sûr que les sciences humaines aient vraiment changé de « nature » en changeant, de nom et de méthodes. La preuve en est dans le type de rapports qui se constituent actuellement entre les disciplines littéraires : mathématisation systématique de nombre de disciplines (économie politique, sociologie, psychologie) ; et « application » des disciplines manifestement les plus avancées dans la scientificité sur les autres (rôle pilote de la logique mathématique, et surtout de la linguistique, rôle également envahissant de la psychanalyse, etc.). Contrairement à ce qui se passe dans les sciences de la nature, où les rapports sont généralement organiques, ce genre d’ « application » reste extérieur, mécanique, instrumental, technique — donc suspect. L’exemple actuel le plus aberrant de l’application extérieure d’une « méthode » (qui dans son « universalité » relève de la mode) à un objet quelconque est le « structuralisme ». Quand des disciplines sont à la recherche d’une « méthode » universelle, il y a fort à parier qu’elles ont un peu trop envie d’afficher leurs titres scientifiques pour les avoir vraiment mérités. De vraies sciences n’ont jamais besoin de faire savoir au monde qu’elles ont trouvé la recette pour le devenir. |
Charlesworth, B., & Charlesworth, D. (2003). Evolution: A very short introduction. Oxford et New York: Oxford University Press. |
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Added by: Dominique Meeùs 2009-08-11 21:27:39 |
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Adaptation : the fit of structure to function that is also apparent in machines designed by people. |
Feyerabend, P. K. (1996). Tuer le temps: Une autobiographie B. Jurdant, Trans. Paris: Éditions du Seuil. |
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Last edited by: Dominique Meeùs 2009-10-09 11:41:02 |
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Tout cela [les explications simples de Popper] était plus facile à comprendre et plus plausible que les diverses formes de la logique inductive que j’avais trouvées chez Mill et Jørgensen. L’argument qui m’a finalement convaincu que l’induction était une escroquerie et que Popper a présenté au cours d’un séminaire de la British Society for the Philosophy of Science (c’est un argument de Duhem — mais Popper n’en dit rien) était que les lois de niveau supérieur (comme la loi de la gravitation de Newton) se trouvent souvent en conflit avec celles de niveau inférieur (comme les lois de Kepler) et que donc elles ne pouvaient pas en être dérivées, quel que soit le nombre d’hypothèses que l’on rajoutât aux prémisses. Le falsificationnisme semblait alors être une véritable alternative et j’ai craqué pour ça. Parfois je me sentais quelque peu mal à l’aise, en particulier quand je parlais avec Walter Hollitscher ; il semblait qu’il y ait un grain de sable dans la machine. Pourtant, j’utilisais la procédure dans divers domaines et j’en fis le point central de mes cours quand je commençai à enseigner. Aujourd’hui je vois cet épisode comme une illustration parfaite des dangers du raisonnement abstrait. Il y a beaucoup de philosophies dangereuses qui se promènent. Pourquoi dangereuses ? Parce qu’elles contiennent des éléments qui paralysent notre jugement. Le rationalisme, qu’il soit dogmatique ou critique, ne fait pas exception. Pire même : la cohérence interne de ses produits, la dimension apparemment raisonnable de ses principes, la promesse d’une méthode qui permettrait aux individus de se libérer des préjugés et le succès des sciences qui semblent être l’exploit principal du rationalisme lui confèrent une autorité presque surhumaine. Popper a non seulement fait usage de ces éléments, mais il y a encore ajouté un ingrédient paralysant de son propre cru — la simplicité. Donc, qu’est-ce qui cloche dans une philosophie cohérente qui explique ses principes d’une façon simple et directe ? Le fait qu’elle peut perdre le contact avec la réalité, ce qui veut dire, dans le cas d’une philosophie des sciences, avec la pratique scientifique. Une philosophie, après tout, n’est pas comme un morceau de musique qui peut donner du plaisir par lui-même. Elle est censée nous guider dans la confusion et peut-être nous fournir un programme pour changer. Popper savait qu’un guide ou une carte peuvent être simples, cohérents, « rationnels », tout en ne traitant de rien. Tout comme Kraft, Reichenbach et Herschel avant lui, il a alors fait une distinction entre la pratique des sciences et les normes de l’excellence scientifique et a déclaré que l’épistémologie n’avait affaire qu’à ces dernières : le monde (de la science, et du savoir en général) doit s’adapter à la carte, et non l’inverse. Pendant un certain temps j’ai raisonné de la même manière. C’était drôle de couvrir de mépris des traditions vénérables en prouvant qu’elles n’avaient « aucun sens sur le plan cognitif ». C’était même encore plus drôle de critiquer des théories scientifiques respectables en levant la baguette magique de la falsifiabilité. Je ne me rendis pas compte que j’acceptais une hypothèse importante et pas du tout évidente. Je croyais que les normes « rationnelles », dès qu’elles étaient appliquées rigoureusement et sans exceptions, pouvaient conduire à une pratique aussi flexible, riche, stimulante et technologiquement efficace que celle des sciences que nous connaissons déjà, que nous acceptons et que nous admirons. Mais l’hypothèse est fausse. Pratiqué avec détermination et sans concession, le falsificationnisme balaierait la science telle que nous la connaissons. Il y a quelques épisodes qui semblent obéir au modèle falsificationniste (mon exemple favori était la transition entre la théorie de l’horreur du vide et les conceptions de Torricelli et Pascal — jusqu’à ce que j’en sache plus). Mais la grande majorité des épisodes, et plus particulièrement ceux qui, selon Popper, montrent la science sous son meilleur jour, se sont déroulés d’une manière complètement différente. Ce qui ne veut pas dire que la science est « irrationnelle » — on peut rendre compte de chacune de ses étapes (comme le font des historiens comme Shapin, Schaffer, Galison, Pickering, Rudwick, Gould, Hacking, Buchwald, Latour, Biagioli, Pera et d’autres). Néanmoins, les étapes prises ensemble ne constituent que rarement un modèle cohérent obéissant à des principes universels, et les cas qui confirment de tels principes ne sont pas plus fondamentaux que les autres. À ce niveau-là, les arts et les sciences deviennent assez semblables. Dans l’art byzantin les visages étaient peints d’une façon sévèrement schématique : trois cercles dont la base du nez était le centre. La longueur du nez était égale à la hauteur du front et à la partie inférieure du visage — et ainsi de suite, selon la description du Manuel du peintre du mont Athos. Ces règles produisent des visages — mais dans une seule attitude (de face), sans détails et sans personnalité. Elles se trouvent en conflit avec presque tout ce qui ne relève pas d’une école byzantine particulière. De la même manière, les règles de Popper peuvent produire une science byzantine ; elles ne sont pas totalement inefficaces. Mais leurs résultats n’ont que très peu de chose à voir avec la science de Newton, Faraday, Maxwell, Darwin, Einstein et Bohr (Otto Neurath, il y a bien longtemps déjà, avait adressé exactement les mêmes critiques à Popper). |
Garaudy, R. (1953). La théorie matérialiste de la connaissance. Paris: Presses universitaires de France. |
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Last edited by: Dominique Meeùs 2010-11-28 12:02:45 |
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« Toute discussion sur la réalité ou l’irréalité de la pensée isolée de la pratique est purement scolastique. » (Marx, 2e thèse sur Feuerbach.) Un exemple typique de cette scolastique nous est fourni par la façon dont Carnap discute le problème de la valeur des données de l’expérience et « démontre » que ces données de l’expérience ne représentent qu’un certain degré de probabilité, qu’elles ne sont en réalité que des hypothèses. Carnap choisit cet exemple : « Cette clé est en fer », et il s’efforce de « démontrer » que la science est impuissante à établir la réalité de cette affirmation qui, selon lui, reste une hypothèse plus ou moins probable. Voici son raisonnement : Nous pouvons tenter de vérifier expérimentalement la réalité de l’affirmation p1, en vérifiant si la clé est attirée par l’aimant. L’issue positive de l’expérience fournirait la preuve partielle que la clé est en fer. « Nous pouvons après cela, poursuit Carnap, ou au lieu de cela, procéder à des expériences par les méthodes électriques, mécaniques, chimiques, optiques, etc. Si tous les résultats des expériences ultérieures s’avèrent positifs, la détermination de l’expression p1 augmente continuellement. Le nombre des conséquences tirées de p1 est illimité. Par conséquent, on aura toujours la possibilité de trouver à l’avenir des résultats négatifs. » Le caractère scolastique de cette argumentation apparaît plus nettement encore dans le développement que lui donne le Pr Henle (« On the certainty of empirical statements », The Journal of Philosophy, vol. 44 (1947), p. 625). Henle prend le même exemple, mais sous une forme plus générale : « Pour que l’expérience au moyen de l’aimant soit décisive, écrit-il, il faut avoir l’assurance que ce que nous mettons en contact avec notre objet est réellement un aimant. Supposons, poursuit gravement Henle, que des amis farceurs aient remplacé mon aimant par un morceau de fer ayant la même apparence !… Il faudra donc que je vérifie, par exemple que j’approche l’aimant d’une boussole. Mais la question se pose alors : la boussole est-elle réellement une boussole ?… Et ainsi de suite à l’infini. » On raisonne ainsi comme si l’expérimentateur devait agir en faisant abstraction de toute la pratique humaine précédente, de la pratique historique de la science. C’est une robinsonnade philosophique : notre agnostique se croit dans la situation de Robinson dans son île déserte, muni d’une clé et d’un aimant. Vendredi, qui est un farceur, peut avoir remplacé l’aimant par un morceau de fer non aimanté, et voilà Robinson obligé de vérifier lui-même le bon état de tous ses instruments en commençant par le commencement, et comme il n’y a pas plus de commencement que de fin, notre Robinson devient agnostique. En réalité, la science ne procède jamais ainsi. |
Lefebvre, H. (1962). Le matérialisme dialectique 5th ed. Paris: Presses universitaires de France. |
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Last edited by: Dominique Meeùs 2011-10-22 14:16:45 |
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La logique formelle a engagé la pensée rationnelle dans une série de conflits. Le premier est un conflit entre la rigueur et la fécondité. Dans le syllogisme (même s’il n’est pas absolument stérile) la pensée n’est rigoureusement cohérente qu’en se maintenant dans la répétition des mêmes termes. Il est bien connu que l’induction rigoureuse n’est pas celle qui permet de passer des faits aux lois. Tout fait, toute constatation expérimentale introduisent dans la pensée un élément neuf, donc sans nécessité du point de vue du formalisme logique. Les sciences se sont développées en dehors de la logique formelle, et même contre elle. Mais alors si la science est féconde, elle ne part pas de vérités nécessaires, elle ne suit pas un développement rigoureux. La logique et la philosophie restent hors des sciences, ou ne viennent qu’après elles, pour constater leurs méthodes spécifiques, sans rien leur apporter. Réciproquement les sciences sont extérieures à la philosophie — au-dessous ou au-dessus d’elle — et leurs méthodes de découverte n’ont rien à voir avec la logique rigoureuse. Le savant prouve le mouvement de la pensée en avançant dans la connaissance; mais le philosophe se venge en mettant en question la valeur de la science. Le conflit entre la rigueur et la fécondité s’élargit; il fait naître le problème de la connaissance et de la valeur de la science. |
Pas d’objet où l’on ne puisse trouver une contradiction, c’est-à-dire deux déterminations opposées et nécessaires, « un objet sans contradiction n’étant qu’une abstraction pure de l’entendement qui maintient avec une sorte de violence l’une des déterminations et dérobe à la conscience la détermination opposée qui contient la première… » (E., § 89.) |
Raymond, P. (1977). Matérialisme dialectique et logique. Paris: Librairie François Maspero. |
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Last edited by: Dominique Meeùs 2011-01-13 06:55:41 |
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Une dialectique fondée sur l’éternité du mouvement, au prix de la répétition. « Le mouvement est une contradiction », dit Engels (Anti-Dühring, chapitre 12). Mais de quel mouvement s’agit-il ? Tantôt Engels parle du mouvement mécanique : « Le simple changement mécanique de lieu […] ne peut s’accomplir que parce qu’à un seul et même moment un corps est à la fois dans un lieu et dans un autre lieu, en un seul et même lieu et non en lui » (Dialectique de la nature, « Les formes du mouvement de la matière ») (le mouvement mécanique est celui des « masses ») ; tantôt du mouvement physico-chimique (atomes et molécules) ; tantôt du mouvement organique, qui fait la synthèse des deux premiers et les rend « indissociables » : « Le mécanique y est causé directement par le physico-chimique […]. » Les divers mouvements sont associés « dialectiquement » : à chaque niveau les mouvements se convertissent les uns dans les autres et se transforment en mouvements de « qualité différente » par « accroissement quantitatif ». La dialectique consiste à suivre l’histoire de ces transformations : ce n’est pas tant le mouvement qui est dialectique que la persistance, la réciprocité et la transformation des mouvements. Ces mouvements, le mouvement de ces mouvements, que concernent-ils ? La confusion des exemples est là extrême : tantôt l’histoire d’une identité (une plante ou un animal), tantôt celle d’un changement d’identité (la nature, la Terre, une espèce, une société). Autrement dit, Engels gomme immédiatement l’écart entre Marx et Hegel : faut-il toujours une identité au changement ? La dialectique doit-elle être pronominale, aliénation et retrouvailles d’une identité ? Cette précipitation d’Engels est, très exactement exprimée par l’idée d’un mouvement des mouvements, d’une identité logique de la dialectique : c’est la série des trois lois de la dialectique. Fiction du 18e siècle présentée comme innovation logique à renfort de Hegel. Fiction qui implique quelques présupposés : — que la logique analytique classique est dépassée au profit d’une fluence synthétique. En fait, Engels confond plusieurs choses : l’identité d’un concept n’est pas celle d’un individu, mais d’un ensemble de différences et de similitudes, de répétitions et de transformations réglées, si bien que la transformation méthodique (et non historique) du concept est absurde ; l’identité d’un individu (d’un organisme par exemple) n’est pas celle d’une permanence ni d’un flux, mais d’une reproduction variable qui suppose à la fois une identité et les conditions extérieures de son exercice, si bien que la transformation est abstraite sans recours à une histoire sans identité, l’histoire d’une identité n’a même aucun sens ; un mécanisme technique implique des conditions extérieures pour une répétition, conditions qui, cette fois-ci, sont en outre celles de son identité elle-même et non seulement de sa persistance ou de son échec ; or une société n’est pas un mécanisme, économique par exemple, ni un mécanisme de mécanismes, mais l’ensemble ouvert des conditions de l’existence de mécanismes, d’identités ou de concepts. La dialectique historique entraîne donc a priori l’absence de lois logiques et non un autre type de logique : il n’y a pas de synthèse logique possible entre la logique, forcément analytique, et l’histoire ; — que les résultats obtenus par des savants grâce à des méthodes, de démonstration par exemple, pourraient recevoir une clarté supplémentaire d’une logique « dialectique » : en fait, ou bien il s’agit d’une histoire, et elle n’a rien à voir avec un processus démonstratif conscient (sinon réfléchi), elle n’éclaire donc que le changement de méthodes ; ou bien il s’agit d’une méthode, et elle ne peut venir après coup, comme le sentiment d’avoir « fait de la prose toute sa vie sans en avoir la moindre idée » à M. Jourdain (Anti-Dühring, « La dialectique »). Le chapitre d’Engels sur la démonstration mathématique, comme illustration de la dialectique, est ainsi le plus haut point de sa confusion ; — que les thèmes de l’éternel retour et de l’identité « qui contient en elle la différence » suffisent à entraîner une conception dialectique, alors qu’ils sont les bases mêmes de la philosophie antidialectique de Nietzsche à l’époque d’Engels (l’éternel retour est, chez celui-là, interprétable comme le refus de la conception métaphysique de l’identité : rien n’existe comme entité, mais comme éclatement et entrelacement d’un passé et d’un avenir, comme différence d’avec soi-même). |
Sterelny, K. (2007). Dawkins vs. gould: Survival of the fittest. Cambridge: Icon Books Ltd. |
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Last edited by: Dominique Meeùs 2010-12-22 08:37:08 |
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In their notorious (Thornhill & Palmer, 2000), Randy Thornhill and Craig Palmer argued that sexual jealousy and rape are adaptations. […] An optimality analysis would have to estimate the (very real) fitness costs of sexual violence and its supposed benefits. […] We would then need to derive a prediction about the optimal rate of violence […] and compare our predicted rate to a measured rate. A close fit would support the conjecture. Nothing like this is to be found in Thornhill and Palmer’s work. Adaptationist claims of this ilk, perhaps rightly, make Gould’s blood boil. |
Vignaux, G. (1991). Les sciences cognitives: Une introduction. Paris: Éditions La Découverte. |
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Added by: Dominique Meeùs 2010-11-13 16:46:16 |
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On est frappé d'abord de ce constat d’unité que constituait le Trivium composant au Moyen Âge et de manière intriquée ces trois disciplines fondamentales qu’étaient la logique (ou dialectique), la rhétorique (ou art du discours) et la grammaire (ou codification des normes de l’expression conformément aux institutions et aux échanges humains). |