Lewontin, R. C., Rose, S., & Kamin, L. J. (1985). Nous ne sommes pas programmés: Génétique, hérédité, idéologie M. Blanc, R. Forest & J. Ayats, Trans. Paris: Éditions La Découverte. |
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Added by: admin 2008-06-14 17:29:04 |
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La croissance du déterminisme biologique au début des années soixante-dix fut précisément la réponse aux militantismes de plus en plus menaçants. Ce fut une tentative pour résister à leurs pressions en leur refusant toute légitimité. Ainsi, on a commencé à dire que les Noirs n’ont pas à réclamer des salaires et des statuts sociaux égaux, parce qu’ils sont biologiquement moins aptes à maîtriser les hautes abstractions grâce à quoi on obtient les hautes rémunérations. La revendication égalitaire féministe n’est pas fondée, puisque la domination masculine est inscrite dans nos gènes par suite d’une évolution multimillénaire. Impossible de satisfaire les parents qui veulent restructurer les écoles pour que leurs enfants « retardés » puissent y être instruits : leurs enfants ont des cerveaux défectueux. La violence des Noirs contre les propriétaires et les marchands n’est pas la révolte des dépossédés : elle découle de lésions cérébrales. À chaque mouvement militant, son explication biologique sur mesure qui le rend illégitime ! Le déterminisme biologique est une façon puissante de « blâmer la victime » dans toutes sortes de circonstances [Ryan 1971]. On peut s’attendre à le voir, de ce fait, se renforcer et se diversifier en un temps où la conscience d’être victime se répand au fur et à mesure que s’accroît l’impossibilité de satisfaire les revendications. |