Lewontin, R. C., Rose, S., & Kamin, L. J. (1985). Nous ne sommes pas programmés: Génétique, hérédité, idéologie M. Blanc, R. Forest & J. Ayats, Trans. Paris: Éditions La Découverte. |
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Added by: admin 2008-06-14 17:29:04 |
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Une dernière caractéristique de l’argumentation sociobiologiste est de reconstruire une histoire plausible de la genèse de traits sociaux humains sous l’action de la sélection naturelle. Classiquement, ce raisonnement consiste à supposer que, dans le passé évolutif de l’espèce, il existait une variation génétique pour un certain trait, mais que les génotypes déterminant une forme particulière de comportement laissèrent d’une façon ou d’une autre plus de descendants. En conséquence, ces génotypes augmentèrent leur fréquence au sein de l’espèce et en vinrent finalement à la caractériser. […] La combinaison de la sélection directe, de la sélection de parentèle et de l’altruisme réciproque fournit aux sociobiologistes toute une gamme de possibilités de spéculations qui garantit toujours une explication pour chaque cas envisagé. Ce système est imbattable parce qu’il est à l’abri de toute possibilité de se voir contredit par les faits. Si l’on peut inventer des gènes ayant des effets aussi complexes que l’on veut sur le phénotype, et ensuite inventer des histoires adaptatives à propos d’un passé invérifiable de l’histoire humaine, il n’est pas de phénomènes réels et imaginaires qui ne puissent être expliqués. Même les plus réductionnistes des sociobiologistes finissent parfois par se rendre compte du fait que les histoires adaptatives pourraient être plutôt du domaine de la fable que des sciences naturelles. Dawkins [1979] confesse qu’ « il n’y a pas de limites aux fascinantes spéculations que la notion d’altruisme réciproque engendre lorsqu’on l’applique à notre propre espèce. Aussi tentant que cela soit, je n’excelle pas plus qu’un autre à ce genre d’exercice, et je laisse le lecteur libre de s’amuser à en imaginer lui-même. » |