Dobzhansky, T. (1978). Le droit à l’intelligence: Génétique et égalité M. Reisinger, Trans. Bruxelles: Éditions Complexe. |
|
Added by: Dominique Meeùs 2009-08-22 06:19:05 |
Pop. 0%
|
Chez les organismes à reproduction sexuée, chaque individu peut habituellement se classer dans une espèce et une seule, ou bien comme un hybride de deux espèces. Les partisans de la conception typologique des races pensaient que c’était également vrai pour les races. Chaque personne, sauf la progéniture des croisements interraciaux, pourrait se classer dans une certaine race. Ce n’est pas le cas, car les espèces sont génétiquement closes, tandis que les races constituent des systèmes génétiques ouverts. Il n’existe pas, par exemple, d’individu dont on puisse se demander s’il appartient à l’espèce humaine ou à l’espèce des chimpanzés. Ces deux espèces n’échangent pas de gènes. Par contre, il existe de nombreux peuples d’Asie du nord-ouest qui constituent des intermédiaires entre les races blanche et jaune, de même qu’il existe des intermédiaires entre les races blanche et noire en Afrique du nord. Ce qui ne veut pas dire que les individus faisant partie de ces populations intermédiaires ont nécessairement des parents qui appartiennent à des races « pures » différentes, blanche, noire ou jaune. Les populations entières constituent des intermédiaires. Quelquefois ceci est dû à des gradations secondaires (Mayr, 1963), c’est-à-dire au croisement de populations qui s’étaient différenciées génétiquement au cours d’un passé plus ou moins éloigné. C’est l’origine des « races hybrides locales » de Garn. Mais, le plus souvent, les populations intermédiaires sont autochtones ; les gradations primaires résultent de la diffusion des gènes qui se produit pendant que les races divergent, et après qu’elles se soient différenciées. Les gradients géniques résultent à la fois des gradations primaires et secondaires. Ces gradients géniques font qu’il est rarement possible de tracer sur les cartes une ligne qui divise les régions occupées par des races différentes. Les frontières raciales sont plus souvent brouillées que nettes. En outre, les gradients de fréquence de divers gènes et caractères peuvent correspondre assez mal, ou même pas du tout, à ces frontières. On observe cela sur des cartes qui indiquent la fréquence de divers caractères dans les populations humaines, tels que les antigènes sanguins, la pigmentation ou la taille (voir, par exemple, les cartes dans Lundman, 1967). Les races humaines ne sont pas ces unités discrètes imaginées par les typologistes. C’est pourquoi certains typologistes déçus ont préféré conclure à l’inexistence des races. |
Dover, G. (2001). Dear mr darwin: Letters on the evolution of life and the human nature. Londres: Phoenix (Orion Books Ltd). |
|
Last edited by: Dominique Meeùs 2009-08-05 16:09:45 |
Pop. 0%
|
Hughes [the English poet Ted Hughes, 1930-1998], like every one of us, is nothing but pure, unadulterated « individual ». There is no biological connection with the past or with the future. We uniquely live only in the present, even though our ignorant genes were inherited from generations past. What cannot be inherited is the particular collection of interactions of genes with genes and of genes with environment that uniquely defines each of us. Each gene is a unit of inheritance, but it can not carry into the next generation the unique set of interactive functions that defines every individual. A gene cannot control which genetic partners it finds itself with in any individual. The one-off set of genetic interactions that specifies the unique unfolding of an individual cannot be inherited. A result of this, as I argued extensively in an earlier letter, is that the genes, in themselves, cannot be the targets of selection, nor can they be, individually and independently, the arbiters of our creativity. Some of Bach’s twenty children were composers but many were not and none was like the father. As for the grandchildren… |
Lachelier, J. (1907). Du fondement de l’induction: Suivi de psychologie et métaphysique et de notes sur le pari de pascal 5th ed. Paris: Félix Alcan, éditeur. |
|
Last edited by: Dominique Meeùs 2009-07-13 07:44:31 |
Pop. 0%
|
Quant à l’autorité d’Aristote, elle est beaucoup moins décisive sur ce point qu’elle ne semble au premier abord. Il est évident, en effet, qu’Aristote n’a pas admis sérieusement que l’homme, le cheval et le mulet fussent les seuls animaux sans fiel, ni qu’il fût possible, en général, de dresser la liste complète des faits ou des individus d’une espèce déterminée : le syllogisme qu’il décrit suppose donc, dans sa pensée, une opération préparatoire, par laquelle nous décidons tacitement qu’un certain nombre de faits ou d’individus peuvent être considérés comme les représentants de l’espèce entière. Or il est visible, d’une part, que cette opération est l’induction elle-même et, de l’autre, qu’elle n’est point fondée sur le principe d’identité, puisqu’il est absolument contraire à ce principe de regarder quelques individus comme l’équivalent de tous. Dans le passage cité, Aristote (n.d) garde le silence sur cette opération : mais il l’a décrite, dans la dernière page des Analytiques, avec une précision qui ne laisse rien à désirer. « Nous percevons, » dit-il, « les êtres individuels : mais l’objet propre de la perception est l’universel, l’être humain, et non l’homme qui s’appelle Callias. » Ainsi, de l’aveu même d’Aristote, nous ne concluons pas des individus à l’espèce, mais nous voyons l’espèce dans chaque individu ; la loi n’est pas pour nous le contenu logique du fait, mais le fait lui-même, saisi dans son essence et sous la forme de l’universalité. L’opinion d’Aristote sur le passage du fait à la loi, c’est-à-dire sur l’essence même de l’induction, est donc directement opposée à celle que l’on est tenté de lui attribuer. |
Lévy, J.-P. (1997). La fabrique de l’homme. Paris: Éditions Odile Jacob. |
|
Last edited by: Dominique Meeùs 2010-01-02 08:12:20 |
Pop. 0%
|
En fait c’est avec la fonction que ces différenciations s’opèrent et que les connexions définitives s’établissent. C’est le début d’un autre processus qui va se poursuivre toute la vie : l’individualisation de chaque cerveau en fonction de ses propres expériences. À une période de mise en place commune, génétiquement conditionnée, succède une autre période, épigénétique, strictement individuelle. Au terme de cette épigenèse (si l’on peut parler de « terme » pour un processus qui se poursuit toute la vie, ou presque), aucun cerveau n’est identique à un autre. Mais il ne faut pas oublier une troisième phase dans cette maturation de l’encéphale. Après la mise en place des cellules, puis de leurs connexions, c’est la phase de l’élagage qui commence avant la naissance et se poursuit après elle. Le cerveau ne se contente pas d’établir des connexions, il ne cesse aussi d’en détruire. […] une part importante de l’élimination des neurones ne se fait plus automatiquement chez nous selon un programme génétique, qui mènerait à des individus rigoureusement identiques les uns aux autres, mais en fonction des hasards de l’expérience individuelle. C’est ce qui fait de chaque cerveau un modèle unique. Apprendre sera la même chose : sélectionner, parmi beaucoup d’autres, les neurones ou les réseaux de neurones à conserver et éliminer les autres. |
Lewontin, R. C., Rose, S., & Kamin, L. J. (1985). Nous ne sommes pas programmés: Génétique, hérédité, idéologie M. Blanc, R. Forest & J. Ayats, Trans. Paris: Éditions La Découverte. |
|
Added by: admin 2008-06-14 17:29:04 |
Pop. 0%
|
Il y a un problème encore plus fondamental auquel doivent faire face les théoriciens de la nature humaine biologique. Supposons que la biologie du développement soit capable de dire quelle réponse développementale à l’environnement va donner tel génotype humain, par rapport à tel comportement. Dans ces conditions, les caractéristiques d’un individu pourraient être prédites, étant donné tel environnement. Or, celui-ci est de nature sociale. Et qu’est-ce qui déterminera l’environnement social ? D’une façon ou d’une autre, les caractéristiques des individus jouent, quoiqu’elles ne soient pas déterminantes. Il y a aussi un rapport dialectique entre l’individu et la société, chacun étant la condition du développement et de la détermination de l’autre. La théorie de ce rapport dialectique, où les individus à la fois font et sont faits par la société, relève d’un thème social, pas biologique. Les lois qui gouvernent les rapports de génotype individuel à phénotype individuel ne peuvent pas elles-mêmes fournir ces lois du développement de la société. En outre, il doit y avoir des lois qui relient les natures individuelles à la nature de la collectivité. Ces problèmes de la théorie sociale disparaissent dans la vision réductionniste du monde parce que, pour un réductionniste, la société est déterminée par les individus, sans qu’il y ait d’action en retour. |
Le monde réductionniste intégral tel qu’il apparaît dans les écrits sociobiologiques d’un E. O. Wilson (Sociobiology : The New Synthesis), ou d’un Richard Dawkins (Le gène égoïste) se fonde explicitement sur le dogme central de la biologie moléculaire : le gène prime ontologiquement sur l’individu et l’individu sur la société (*). Mais il se fonde tout aussi explicitement sur un ensemble de concepts économiques de gestion, en vogue dans les années soixante et soixante-dix : analyse des coûts, coûts marginaux des investissements, théorie des jeux, ingénierie et communication. Tout cela est transféré sans complexe par Wilson ou Dawkins dans le domaine naturel. En fait, ce réductionnisme intégral met en jeu un double mouvement : la vision du monde sociobiologique est tirée de l’observation de l’ordre social existant, puis, comme on peut s’y attendre et comme il est également arrivé à la théorie darwinienne de l’évolution avec le darwinisme social, elle est appliquée en retour à l’ordre social pour le légitimer […] (*) Pour Jaques Monod [Hudson 1977:212] : « On a une équivalence logique exacte entre famille et cellules. Tout ceci est entièrement écrit dans la structure des protéines qui est elle-même inscrite dans l’ADN. » |
En fait, il s’agit d’une tentative d’explication systématique de l’existence sociale de l’homme, fondée sur deux principes : les phénomènes sociaux humains sont la conséquence directe du comportement des individus ; ces comportements individuels sont la conséquence directe de caractéristiques biologiques innées. Ainsi, le déterminisme biologique est une explication réductionniste de la vie humaine, pour laquelle les « flèches » de la causalité vont des gènes aux individus humains et des individus humains à l’humanité. Mais c’est davantage qu’une explication : c’est une position politique. Car si l’organisation sociale humaine, y compris les inégalités de statut, richesse ou pouvoir, est la conséquence directe de notre biologie, alors, en dehors de tel ou tel programme gigantesque de génie génétique, aucune pratique ne peut modifier significativement la structure sociale ou la situation des individus ou des groupes au sein de celle-ci. Ce que nous sommes est naturel, et donc fixé une fois pour toutes. Lutter, faire des lois, faire des révolutions même, tout cela est vain. À la longue les différences naturelles entre individus et entre groupes, fondées sur les universaux biologiques du comportement humain, rendront impuissants tous nos efforts naïfs pour restructurer la société. Nous ne vivons peut-être pas dans le meilleur de tous les mondes concevables, mais nous vivons dans le meilleur de tous les mondes possibles. |
Prochiantz, A. (1989). La construction du cerveau. Paris: Hachette. |
|
Last edited by: Dominique Meeùs 2010-07-18 09:34:49 |
Pop. 0%
|
Le système nerveux central de l’homme forme une manière d’engramme de son histoire personnelle ; et l’individu humain, unique, donc non clonable, résulte d’une histoire sociale. Chez les abeilles, tous les individus sont à quelque chose près (qu’il ne faut évidemment pas nier) des clones. Deux humains, fussent-ils absolument identiques sur le plan génétique, ne sont jamais des clones, parce que l’histoire de chaque individu reste singulière, de la naissance à la mort. Or, cette histoire est marquée dans la structure physique, puisqu’elle s’inscrit dans la matière cérébrale même, à cause de l’importance de l’épigenèse qui va stabiliser tel circuit ou tel autre. Et si le langage, évidemment fondamental pour ce qui est de l’humanité de l’homme, se trouve lié à la structure d’une couche cérébrale particulière, à sa conformation synaptique, au nombre de cellules qui la composent et à tout autre trait de caractère épigénétique, alors le langage d’un individu a à voir avec le processus de son individuation: avec son histoire affective, intellectuelle, d’interactions avec les autres individus dans la société. L’individu humain est donc un individu extrême, et en même temps un individu social extrême ; à la fois le plus individuel et le plus social des animaux; le plus individuel parce que, par nature, le plus social. Voilà qui permet, me semble-t-il, de relancer sur de nouvelles bases les discussions souvent mal engagées sur l’inné et l’acquis. Prenons un exemple brûlant. Je suis convaincu que la perspective développementale que l’on vient de résumer est susceptible de réduire, sinon de dissiper complètement, l’hostilité qui s’est installée entre les neurobiologistes, ou ceux qu’on appelle les psychiatres biologistes, d’une part, et le courant psychanalytique, toutes obédiences confondues, d’autre part. Quand les biologistes décrivent les désordres comportementaux (névroses, psychoses...) comme inscrits dans la structure neuronale du cerveau, les psychanalystes interprètent à contresens et s’imaginent qu’on veut parler de quelque chose d’inné. Ils sont persuadés qu’on soutient, ipso facto, qu’il existe, par exemple, un gène de la schizophrénie ou de la névrose obsessionnelle, et que la maladie affecte automatiquement tout individu porteur du gène. Il faut bien leur accorder qu’à partir de données généalogiques démontrant, pour certaines formes de maladies mentales, une composante héréditaire, il s’est trouvé quelques idéologues qui ont tenté de généraliser et d’exploiter les résultats des recherches en biologie moléculaire pour soutenir de telles aberrations radicalement et exclusivement généticistes, qui menacent toujours d’être criminelles. Rappelons-nous les premières lobotomies ! Mais il y a là un profond malentendu. La position des neurobiologistes sérieux consiste à affirmer, tout simplement, que la plupart de ces comportements sont liés à certaines structurations des réseaux neuronaux : ce qui ne signifie nullement que ces comportements soient innés ou qu’une quelconque composante génétique les rende fatals. On peut penser, au contraire, que ce sont des structures qui se sont construites au cours du développement de l’individu et qui se sont stabilisées du fait de l’environnement affectif que l’individu a dû affronter au fil de son histoire singulière. Dans cette perspective, une structure psychique névrotique peut, de fait, très bien correspondre à une structure de réseaux neuronaux. Prenons le risque de heurter un peu plus les convictions idéalistes de la majorité des psychanalystes en empiétant résolument sur leur domaine. Ne peut-on penser que la cure analytique correspond à une modification des réseaux neuronaux, qui s’effectue douloureusement dans les conditions du transfert au cours de l’anamnèse (la remontée vers les souvenirs d’enfance), puisqu’on sait que les neurones restent plastiques, chez l’homme, jusqu’à un âge avancé, sinon pendant l’entière durée de sa vie ? Si l’on a un jour la possibilité de visualiser certains de ces réseaux entiers, par exemple grâce à de nouvelles techniques d’imagerie médicale, on pourra peut-être trancher. J ’aime à penser qu’on pourra voir, au cours de la cure, s’opérer la modification de certains réseaux, et le dénouement de certains « nœuds » qu’on pourrait appeler, pourquoi pas, des « nœuds névrotiques ». Il n’y a rien là qui me paraisse scandaleux du point de vue de la neurobiologie. Pourquoi les psychanalystes s’en offusqueraient-ils ? Freud lui-même aurait-il rejeté cette hypothèse ? |