Changeux, J.-P. (2002). L’homme de vérité M. Kirsch, Trans. Paris: Éditions Odile Jacob. |
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Last edited by: Dominique Meeùs 2016-05-30 21:00:01 |
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Curieusement, la neuroscience a été imprégnée pendant des dizaines d’années par une philosophie empiriste tacite. Elle était déjà présente dans les premières recherches sur l’arc réflexe […] Pavlov produisait des réponses conditionnées […] Il affirmait ainsi que, pour construire un réflexe conditionné, le cerveau « devait être dégagé de toute autre activité nerveuse ». Jusqu’à une époque récente, les enregistrements électrophysiologiques standard consistaient le plus souvent en des réponses évoquées, c’est-à-dire provoquées par des stimuli issus du monde extérieur, chez des animaux anesthésiés. Ce modèle semble aujourd’hui bien naïf et certainement trop simple. En réalité, le cerveau se comporte naturellement comme un système autonome qui projette en permanence de l’information en direction du monde extérieur, au lieu de recevoir passivement son empreinte. […] L'activité intrinsèque spontanée du cerveau est l’une de ses composantes majeures. |
Il [le cerveau] ne fonctionne pas comme une machine traitant passivement des informations venues de l’extérieur. Il opère également dans le sens inverse, comme un producteur de représentations qu’il projette sur le monde extérieur. L’activité spontanée d’ensembles spécialisés de neurones pousse l’organisme à continuellement explorer et à tester l’environnement physique, social et culturel, à se saisir des réponses et à les confronter à ce qu’il possède en mémoire. En conséquence, le cerveau développe d’étonnantes capacités d’ « autoactivation » et, par là, d’auto-organisation. C’est dans ce sens que j’applique le terme « motivation » à un réseau de neurones. Système ouvert et motivé, le cerveau fonctionne en permanence sur le mode de l’exploration organisée. Voilà qui pourrait rappeler le Bergson de La Pensée et le Mouvant. Mais, ici, il n’est fait aucune référence à une quelconque métaphysique spiritualiste. Bien au contraire. Ces propriétés d’ouverture et de motivation relèvent sans ambiguïté de l’organisation matérielle et du fonctionnement du réseau neuronal. |
Thomson, G. (1973). Les premiers philosophes M. Charlot, Trans. Paris: Éditions sociales. |
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Added by: Dominique Meeùs 2010-02-07 21:37:31 |
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Par quoi avaient-ils été amenés à franchir cette étape ? Pas seulement par leur curiosité pour les mathématiques. Leur curiosité pour les mathématiques était plutôt une autre manifestation de la même tendance. Un phénomène aussi fondamental dans le domaine de la pensée ne peut s’expliquer que si on le conçoit comme le reflet dans la conscience d’une transformation tout aussi fondamentale dans les rapports sociaux de leur temps. Qu’y avait-il de nouveau dans la société grecque de l’Antiquité ? Les chapitres précédents ont répondu à cette question. C’est précisément dans la Grèce de ce temps-là que la production marchande atteignit son plein développement et révolutionna l’ensemble de la société précédente. Anaximène et Pythagore témoignent tous deux de la conception propre à la nouvelle classe des commerçants, qui étaient lancés dans l’échange des marchandises à une échelle qui nous semble très limitée selon nos critères modernes mais qui était sans précédent pour leur époque. Le facteur essentiel était par conséquent la croissance d’une société organisée en fonction de la production de valeurs d’échange et le déclin correspondant des anciens rapports fondés sur la production des valeurs d’usage. C’est pourquoi l’aspect caractéristique de leur pensée peut se définir très simplement si l’on se reporte à la différence fondamentale, indiquée par Marx (1969, pp.51-52,53), entre la production pour l’usage et la production pour l’échange. |