Coppens, Y. (2008). L’histoire de l’homme: 22 ans d’amphi au collège de france. Paris: Éditions Odile Jacob. |
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Added by: Dominique Meeùs 2012-12-22 18:13:24 |
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En ce qui concerne le pourquoi, que nos disciplines sont tout à fait en mesure d’aborder contrairement à ce qui est frileusement dit parfois, il convient de différencier la raison pour laquelle les hommes fabriquent des outils, de plus en plus d’outils, des outils de plus en plus variés, de la raison pour laquelle un type d’Homme se met à fabriquer un certain type d’outils. C’est une évidence de dire que le corps redressé libérant en partie, puis complètement, les mains de la locomotion, ces extrémités des membres antérieurs au premier rayon opposable ont pu se saisir d’objets : le développement du système nerveux central aidant, un beau jour, un Australopithèque a délibérément (ou par accident) changé la forme de ces objets pour les rendre plus efficaces pour accomplir les tâches auxquelles il les destinait ; et à partir de ce moment-là, Préhumains puis Hommes n’ont plus cessé d’agir sur le monde et de le transformer à leur profit. Et l’échange permanent cerveau, main, c’est-à-dire outils, et langage, c’est-à-dire société, n’a plus cessé de se faire, multipliant et diversifiant de manière autocatalytique et amplifiée les outils qui se sont conservés pour notre réflexion. Les études de micro-usure des parties utilisées des outils ont permis quant à elles de répondre de mieux en mieux à l’autre pourquoi, passant de simples classifications construites sur les formes à des rangements solidement basés sur les fonctions ; grâce aux nombreuses expérimentations et à leurs examens au microscope optique ou même plus magnifiant, les cicatrices de la taille de la viande, de la peau, des cuirs, de l’os, du bois (de renne ou d’arbre), des plantes, mais aussi les polissages, les stries, les émoussés, les écaillures se sont en effet inscrits de telle manière dans l’outil que leur lecture a été celle des diverses activités évidemment croissantes des Hommes. Pour la première fois par exemple, on a pu dire à coup sûr qu’un grattoir avait gratté ou qu’un racloir avait raclé (ou pas) ! |
de Duve, C. (1996). Poussière de vie: Une histoire du vivant A. Bucher & J.-M. Luccioni, Trans. Paris: Fayard. |
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Last edited by: Dominique Meeùs 2013-12-01 13:57:32 |
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En revanche, les savanes, étendues à ciel ouvert qui gagnaient sur les anciens espaces boisés, avaient bien des richesses à offrir à des créatures susceptibles de s’y adapter. Le bipédisme, auquel les ancêtres voisins du chimpanzé s’étaient déjà essayés, fit l’affaire. Il permettait à ces animaux de rester en position debout et d’acquérir ainsi une meilleure vision de leurs proies et de leurs ennemis à travers les herbes hautes ; et surtout, il libérait les mains. Observez les chimpanzés aujourd’hui, et vous comprendrez tout ce que les ancêtres que nous partageons avec eux avaient probablement réussi à faire avec leurs mains : porter leurs petits, se toiletter, ouvrir leur chemin à travers les fourrés, ramasser la nourriture, cueillir les baies et autres friandises, éplucher les bananes, porter les aliments à leur bouche, saisir leurs partenaires en amour, combattre leurs ennemis et leurs rivaux, chasser, faire des gestes, émettre des signaux et même utiliser des pierres et des bâtons comme armes ou comme moyen de se procurer la nourriture. Observez leurs yeux attentifs, leurs sourcils froncés, la moue de leurs lèvres lorsque leurs mains sont occupées à réaliser quelque opération délicate et manifestement réfléchie, et vous pourrez, avec un peu d’imagination, apercevoir les rouages d’une pensée en action sous ce front oblique. Ce qui s’est passé dans la jungle africaine il y a six millions d’années a joué un rôle essentiel dans l’apparition de la pensée humaine. Du cerveau à la main et, en retour, de la main au cerveau, ainsi s’initia un va-et-vient d'impulsions, s’amplifiant de lui-même, qui allait changer le monde. |
Gould, S. J. (1979). Darwin et les grandes énigmes de la vie D. Lemoine, Trans. Paris: Pygmalion/Gérard Watelet. |
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Added by: admin 2015-09-15 12:52:21 |
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En revanche, les savanes, étendues à ciel ouvert qui gagnaient sur les anciens espaces boisés, avaient bien des richesses à offrir à des créatures susceptibles de s’y adapter. Le bipédisme, auquel les ancêtres voisins du chimpanzé s’étaient déjà essayés, fit l'affaire. Il permettait à ces animaux de rester en position debout et d’acquérir ainsi une meilleure vision de leurs proies et de leurs ennemis à travers les herbes hautes ; et surtout, il libérait les mains.
Observez les chimpanzés aujourd’hui, et vous comprendrez tout ce que les ancêtres que nous partageons avec eux avaient probablement réussi à faire avec leurs mains : porter leurs petits, se toiletter, ouvrir leur chemin à travers les fourrés, ramasser la nourriture, cueillir les baies et autres friandises, éplucher les bananes, porter les aliments à leur bouche, saisir leurs partenaires en amour, combattre leurs ennemis et leurs rivaux, chasser, faire des gestes, émettre des signaux et même utiliser des pierres et des bâtons comme armes ou comme moyen de se procurer la nourriture. Observez leurs yeux attentifs, leurs sourcils froncés, la moue de leurs lèvres lorsque leurs mains sont occupées à réaliser quelque opération délicate et manifestement réfléchie, et vous pourrez, avec un peu d’imagination, apercevoir les rouages d’une pensée en action sous ce front oblique. Ce qui s’est passé dans la jungle africaine il y a six millions d’années a joué un rôle essentiel dans l’apparition de la pensée humaine. Du cerveau à la main et, en retour, de la main au cerveau, ainsi s’initia un va-et-vient d'impulsions, s’amplifiant de lui-même, qui allait changer le monde. |
En fait, nous devons au 19e siècle un exposé brillant, dont l’auteur surprendra sans doute beaucoup de lecteurs puisqu’i1 s’agit de Friedrich Engels. Engels a écrit en 1876, un traité intitulé le Rôle du travail dans le passage du singe à l’homme, qui ne fut publié qu’en 1896, après sa mort, et qui n’a malheureusement exercé aucune influence sur la science occidentale. Engels considère trois caractéristiques essentielles de l’évolution humaine : le langage, la taille du cerveau et la station debout. Il pense que la première étape a été la descente des arbres et que nos ancêtres, installés sur le sol, se sont progressivement redressés. « Ces singes, vivant sur le sol, perdirent l’habitude de se servir de leurs mains et adoptèrent une attitude de plus en plus droite. Ce fut une étape décisive du passage du singe à l’homme. » La position debout libérait les mains et permettait l’utilisation d’outils (c’est ce qu’Engels appelle le travail). Le développement de l’intelligence et le langage vinrent plus tard. « Ainsi, poursuit Engels, la main n’est pas seulement un outil de travail, c’est également le produit du travail. Ce n’est que par le travail, par l’adaptation à des opérations toujours nouvelles […], par l’utilisation toujours renouvelée des améliorations léguées par héritage dans des opérations nouvelles, de plus en plus complexes, que la main humaine a atteint le degré de perfection qui lui a permis de faire naître les peintures de Raphaël, les statues de Thorvaldsen, la musique de Paganini. » |
Levins, R., & Lewontin, R. C. (1985). The dialectical biologist. Harvard: Harvard University Press. |
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Last edited by: Dominique Meeùs 2020-03-03 15:30:17 |
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Marx insisted that human history was part of natural history. By this he meant that the human species arose through its interactions with nature; that, like other animals, people have to eat and reproduce; and that human history should be understood not as the unfolding of great ideas or ethical advancement, but as the ways in which people act on nature to survive and the social relations through which production and reproduction are carried out. Engels (1880) developed the theme further in his essay “The Role of Labor in the Transition from Ape to Man.” Despite, or because of, his Lamarckian biases, Engels captured the essential feature of human evolution: the very strong feedback between what people did and how they changed. He saw “environment” not as a passive selective force external to the organism but rather as the product of human activity the special feature of the human niche being productive labor and cooperation, which channeled the evolution of hand and brain. |
The simple view that the external environment changes by some dynamic of its own and is tracked by the organisms takes no account of the effect organisms have on the environment. The activity of all living forms transforms the external world in ways that both promote and inhibit the life of organisms. Nest building, trail and boundary marking, the creation of entire habitats, as in the dam building of beavers, all increase the possibilities of life for their creators. On the other hand, the universal character of organisms is that their increase in numbers is self-limited, because they use up food and space resources. In this way the environment is a product of the organism, just as the organism is a product of the environment. The organism adapts the environment in the short term to its own needs, as, for example, by nest building, but in the long term the organism must adapt to an environment that is changing, partly through the organism’s own activity, in ways that are distinctive to the species. In human evolution the usual relationship between organism and environment has become virtually reversed in adaptation. Cultural invention has replaced genetic change as the effective source of variation. Consciousness allows people to analyze and make deliberate alterations, so adaptation of environment to organism has become the dominant mode. Beginning with the usual relation, in which slow genetic adaptation to an almost independently changing environment was dominant, the line leading to Homo sapiens passed to a stage where conscious activity made adaptation of the environment to the organism’s needs an integral part of the biological evolution of the species. As Engels (1880) observed in “The Part Played by Labor in the Transition from Ape to Man,” the human hand is as much a product of human labor as it is an instrument of that labor. Finally the human species passed to the stage where adaptation of the environment to the organism has come to be completely dominant, marking off Homo sapiens from all other life. It is this phenomenon, rather than any lucky change in the external world, that is responsible for the rapid expansion of the human species in historical time. |
Lévy, J.-P. (1997). La fabrique de l’homme. Paris: Éditions Odile Jacob. |
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Last edited by: Dominique Meeùs 2010-01-02 08:12:20 |
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Il ne suffit pas de se déplacer, il faut aussi disposer d’instruments de préhension pour capter les aliments, en réduire les dimensions et les broyer pour leur permettre de traverser la bouche, le pharynx (la gorge) et l’œsophage, et parvenir à l’estomac où va commencer la digestion. Beaucoup d’animaux ne disposent pour cela que de leurs mâchoires. Nos ancêtres quadrupèdes lointains, qui étaient dans ce cas, devaient posséder de volumineuses mandibules et de puissants muscles de la face pour les faire fonctionner et assurer leurs prises. Nous n’aurions jamais appris à penser si nous en étions demeurés là, car il ne reste pas assez de place dans ces petits crânes prolongeant une grosse face pour loger un cerveau aussi performant que le nôtre. Mais, du fait de l’évolution du bassin, qui permettait le redressement complet des préhominiens, la station verticale et la marche bipède, les mains se sont trouvées de plus en plus libres de devenir ce que sont les nôtres. Cela a nécessité aussi l’évolution de la patte arrière vers le pied, étape décisive que l’on oublie souvent, car on imagine mal que penser puisse dépendre des pieds. Les quadrupèdes redressés dont nous provenons disposaient désormais, comme bien des insectes ou crustacés, de membres spécialisés dans la préhension. |