J’ai essayé de montrer que les histoires dont se compose le folklore d’une communauté indigène sont inséparables du contexte culturel de la vie tribale, qu’elles vivent elles-mêmes de cette vie, au lieu d’être des récits purs et simples. Je veux dire par là que les idées, les émotions et les désirs associés à une histoire donnée sont évoqués, non seulement au moment même où cette histoire est racontée, mais aussi par certaines coutumes et règles morales ou par certains rites qui forment pour ainsi dire sa contre-partie, la réalisation effective du sujet sur lequel elle porte. À ce point de vue, on constate une grande différence entre les diverses catégories d’histoires. Alors que dans le simple conte du coin du feu le contexte sociologique se trouve réduit au minimum, la légende pénètre déjà davantage dans la vie tribale de la communauté, et le mythe joue un rôle tout à fait important. Le mythe, qui postule une réalité primitive se perpétuant jusqu’à nos jours et constitue une justification par des précédents, fournit un modèle rétrospectif de valeurs morales, d’ordre sociologique et de croyances magiques. Il n’est donc ni un simple récit, ni une tentative d’explication scientifique, sous la forme la plus primitive, ni une œuvre d’art ou un document historique. Il remplit une fonction sui generis, qui se rattache étroitement à la nature de la tradition, à la continuité de la culture, aux rapports entre la vieillesse et la jeunesse, à l’attitude humaine à l’égard du passé. Bref, la fonction du mythe consiste à renforcer la tradition, à lui conférer un prestige et une valeur plus grande, en la faisant remonter à une réalité initiale plus élevée, meilleure, d’un caractère plus surnaturel. |