Althusser, L. (1974). Philosophie et philosophie spontanée des savants (1967): Cours de philosophie pour scientifiques. Paris: Librairie François Maspero. |
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Last edited by: Dominique Meeùs 2009-08-23 21:21:26 |
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Toute une tradition philosophique oppose depuis Kant le « dogmatisme » à la « critique ». Or, les propositions philosophiques ont justement pour effet de produire des distinctions « critiques », c’est-à-dire de « faire un tri », de séparer les idées les unes des autres et même de forger des idées propres à faire percevoir leur séparation, et sa nécessité. Théoriquement, on peut exprimer cet effet en disant que la philosophie « divise » (Platon), « trace des lignes de démarcation » (Lénine), produit (au sens de rendre manifestes, visibles) des distinctions, des différences. Toute l’histoire de la philosophie le montre : les philosophes passent leur temps à distinguer entre la vérité et l’erreur, entre la science et l’opinion, entre l’intelligible et le sensible, entre la raison et l’entendement, entre l’esprit et la matière, etc. |
Ollman, B. (2005). La dialectique mise en œuvre: Le processus d’abstraction dans la méthode de marx. Paris: Éditions Syllepse. |
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Added by: admin 2010-02-01 12:03:49 |
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[…] comprendre un élément de notre expérience quotidienne exige de savoir comment il est apparu et s’est développé, et comment il s’insère dans le contexte ou le système plus large dont il fait partie. Avoir conscience de cela n’est cependant pas suffisant. Car rien n’est plus facile que de retomber dans des appréciations étroitement focalisées sur les apparences. Après tout, peu de gens nieraient que tout dans le monde change et interagit à une certaine vitesse et d’une manière ou d’une autre, que l’histoire et les connexions systémiques appartiennent au monde réel. La difficulté a toujours été de trouver un moyen de penser tout cela de façon adéquate, sans en déformer les processus et en leur donnant l’attention et le poids qu’ils méritent. La dialectique cherche à surmonter cette difficulté en élargissant notre idée des choses pour y inclure, comme aspects de ce qu’elles sont, à la fois le processus par lequel elles sont devenues ce qu’elles sont et les interactions dans lesquelles elles se situent. De cette façon l’étude de toute chose induit l’étude de son histoire et du système qui l’inclut. La dialectique restructure notre pensée de la réalité en remplaçant notre notion de « chose » issue du sens commun, selon lequel une chose a une histoire et a des relations externes avec d’autres choses, par la notion de « processus », qui contient sa propre histoire et ses futurs possibles, et par celle de « relation », qui contient comme partie intégrante de ce qu’elle est ses liens avec d’autres relations. Rien n’a été ajouté ici qui n’existât déjà. Il s’agit plutôt de décider où et comment tracer les frontières, et d’établir les unités dans lesquelles ont puisse penser le monde (ce qu’on appelle, en termes dialectiques, « abstraire »). Alors que les qualités que nous percevons à travers nos cinq sens existent véritablement dans la nature, les distinctions conceptuelles qui nous indiquent où une chose se termine et où la suivante commence dans l’espace et le temps sont des constructions sociales et mentales. Aussi profond que soit l’impact du monde réel sur les frontières que nous traçons, c’est nous qui, en fin de compte, en faisons le découpage, et des personnes issues de cultures et de traditions philosophiques différentes peuvent en fait les tracer différemment. |