Althusser, L. (1974). Philosophie et philosophie spontanée des savants (1967): Cours de philosophie pour scientifiques. Paris: Librairie François Maspero. |
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Last edited by: Dominique Meeùs 2009-08-23 21:21:26 |
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Les propositions philosophiques sont des Thèses. […] une proposition philosophique est une proposition dogmatique […] […] des propositions dogmatiques négativement, dans la mesure où elles ne sont pas susceptibles de démonstration au sens strictement scientifique (au sens où l’on parle de démonstration en mathématiques et en logique), ni de preuve au sens strictement scientifique (au sens où l’on parle de preuve dans les sciences expérimentales). […] Elles peuvent seulement être dites « justes ». |
Toute une tradition philosophique oppose depuis Kant le « dogmatisme » à la « critique ». Or, les propositions philosophiques ont justement pour effet de produire des distinctions « critiques », c’est-à-dire de « faire un tri », de séparer les idées les unes des autres et même de forger des idées propres à faire percevoir leur séparation, et sa nécessité. Théoriquement, on peut exprimer cet effet en disant que la philosophie « divise » (Platon), « trace des lignes de démarcation » (Lénine), produit (au sens de rendre manifestes, visibles) des distinctions, des différences. Toute l’histoire de la philosophie le montre : les philosophes passent leur temps à distinguer entre la vérité et l’erreur, entre la science et l’opinion, entre l’intelligible et le sensible, entre la raison et l’entendement, entre l’esprit et la matière, etc. |
Mais les questions philosophiques ne sont pas les problèmes scientifiques. La philosophie traditionnelle peut donner des réponses à ses questions, elle ne donne pas de solution aux problèmes scientifiques ou autres — au sens où les scientifiques donnent des solutions à leurs problèmes. Ce qui veut dire : la philosophie ne résout pas les problèmes scientifiques au lieu et place de la science ; les questions de la philosophie ne sont pas les problèmes des sciences. Ici encore, nous prenons position dans la philosophie : la philosophie n’est pas science, ni à fortiori la science, ni la science des crises de la science, ni la science du Tout. Les questions philosophiques ne sont pas ipso facto des problèmes scientifiques. |
Donc la philosphie énonce des Thèses. Propositions qui ne donnent lieu ni à démonstration ni à preuves scientifiques au sens strict, mais à des justifications rationnelles d’un type particulier, distinct. […] la philosophie est une discipline différente des sciences (la « nature » de ses propositions suffit ici à l’indiquer). |
La philosophie a pour fonction majeure de tracer une ligne de démarcation entre l’idéologique des idéologies d’une part, et le scientifique des sciences d’autre part. |
Les conditions de l’Alliance entre les scientifiques et la nouvelle philosophie matérialiste doivent être particulièrement claires. […] Par cette Alliance, la philosophie matérialiste est autorisée à intervenir dans la P.S.S. [philosophie spontanée des savants], et uniquement dans la P.S.S. Ce qui veut dire : la philosophie n’intervient que dans la philosophie. Elle s’interdit donc toute intervention dans la science proprement dite, dans ses problèmes, dans sa pratique. Cela ne veut pas dire qu’il y ait une séparation radicale entre la science d’une part et la philosophie d’autre part, que la science soit un domaine réservé au pur scientifique. Cela veut dire que le rôle des catégories philosophiques et même des conceptions philosophiques dans la science, dont nous n’avons pas parlé jusqu’ici […], s’exerce, entre autres formes, par l’intermédiaire de la P.S.S., et que l’intervention philosophique dont nous parlons ici est une intervention de la philosophie dans la philosophie. Il s’agit encore une fois de faire basculer le rapport des forces internes à la P.S.S. de manière à ce que la pratique scientifique ne soit plus exploitée par la philosophie, mais soit servie par elle. |
Bachelard, G. (1975). Le rationalisme appliqué 5th ed. Paris: Presses universitaires de France. |
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Added by: Dominique Meeùs 2010-11-13 19:53:15 |
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Le rationalisme est une philosophie qui travaille, une philosophie qui veut s’étendre, qui veut multiplier ses applications. On considère trop souvent la philosophie rationaliste comme une philosophie qui résume, comme une philosophie qui réduit la richesse du divers à la pauvreté de l’identique. On la croit absorbée dans une sorte de narcissisme des principes de la raison, uniquement animée par l’articulation mécanique de formes vides. Or la vraie démarche, la démarche active du rationalisme, n’est nullement une réduction. Il ne faut pas confondre l’appareil des preuves et les fonctions de la recherche. Il ne faut pas confondre la déduction qui assure et l’induction qui invente. Le rationalisme dans son travail positif est éminemment inducteur […] on se convainc aisément que le rationalisme est, non pas une pensée de réduction, mais une pensée de production. Mais pour donner tout de suite des preuves de cette allure inductive, nous allons choisir le plus simple des principes de raison, le principe d’identité que les philosophes aiment à mettre sous la forme vide A = A et nous allons montrer comment la pensée rationnelle fait travailler ce principe, comment d’abord elle l’engage sans se confier à une identité en soi, sans jamais s’appuyer sur une ontologie. Nous nous efforcerons donc de détacher le principe d’identité de toute référence à un réalisme absolu, nous verrons ensuite, qu’une fois le domaine choisi, le principe d’identité peut être producteur. […] notre polémique sera peut-être plus concluante si nous la développons à propos de l’expérience de la géométrie, là où l’on fait fonds souvent sur des réalités géométriques parfaites, mises sous la dépendance absolue du principe d’identité. […] On ne doit plus parler, dans le problème qui nous occupe, que d’une identité opératoire, que de l’identité relative à un groupe d’opérations bien spécifiées. Des êtres géométriques qui sont invariants dans les opérations d’un sous-groupe G′ du groupe général G de la géométrie euclidienne peuvent cesser d’être invariants pour des opérations qui, comprises dans G, ne figurent pas dans G′. Leur « identité » est donc simplement relative au groupe qui définit le système rationnel qui sert de base à l’examen de leurs propriétés. Il ne servirait de rien de parler d’une géométrie plus générale qui donnerait « l’identité » la plus spécieuse. Car la qualification désignée comme la plus générale serait aussi relative à un point de vue particulier. Qu’une sphère et un ellipsoïde soient des surfaces identiques du point de vue de l’Analysis Situs, voilà un fait qui nous libère d’une identité en soi. |
Edelman, G. M., & Tononi, G. (2000). Comment la matière devient conscience J.-L. Fidel, Trans. Paris: Éditions Odile Jacob. |
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Last edited by: Dominique Meeùs 2016-05-30 19:22:45 |
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Les efforts philosophiques pour mettre au jour les origines de la conscience sont en fait marqués par une limite fondamentale. Et celle-ci est en partie le produit du présupposé selon lequel la pensée pourrait à elle seule révéler les sources de la pensée consciente. Ce présupposé est aussi inadéquat que celui qui caractérisait jadis les tentatives pour comprendre la cosmogonie, la base de la vie et la structure profonde de la matière en l’absence d’observations et d’expériences scientifiques. En fait, les philosophes n’ont pas tant excellé dans les solutions qu’ils ont proposées au problème en question que par leur manière de souligner combien il est insoluble. |
Des systèmes philosophiques entiers se sont édifiés sur la seule base de la phénoménologie subjective — c’est-à-dire sur l’expérience consciente d’un seul individu enclin à la philosophie. Voilà qui témoigne de l’arrogance humaine. Comme le vit bien Descartes, qui en fit son point de départ, cette arrogance est en partie justifiée, puisque notre expérience consciente est la seule ontologie sur laquelle nous ayons des preuves directes. Cela engendre un curieux paradoxe, Schopenhauer l’avait bien saisi (Schopenhauer, 1813, 1889). L’immense richesse du monde phénoménologique que nous vivons — c’est-à-dire de l’expérience consciente en tant que telle — semble dépendre d’une apparente broutille au sein de ce monde, un peu de gélatine dans le crâne. Notre cerveau, qui joue un rôle mineur et fugace sur la scène de la conscience, au point même que la plupart d’entre nous n’en ont jamais vu, semble détenir la clé de tout le spectacle. Toute attaque de notre cerveau peut modifier pour toujours notre monde. Nous pouvons même être annihilés par une simple substance chimique, anesthésique ou toxique, agissant sur notre cerveau. |
Feyerabend, P. K. (1996). Tuer le temps: Une autobiographie B. Jurdant, Trans. Paris: Éditions du Seuil. |
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Last edited by: Dominique Meeùs 2009-10-09 11:41:02 |
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Tout cela [les explications simples de Popper] était plus facile à comprendre et plus plausible que les diverses formes de la logique inductive que j’avais trouvées chez Mill et Jørgensen. L’argument qui m’a finalement convaincu que l’induction était une escroquerie et que Popper a présenté au cours d’un séminaire de la British Society for the Philosophy of Science (c’est un argument de Duhem — mais Popper n’en dit rien) était que les lois de niveau supérieur (comme la loi de la gravitation de Newton) se trouvent souvent en conflit avec celles de niveau inférieur (comme les lois de Kepler) et que donc elles ne pouvaient pas en être dérivées, quel que soit le nombre d’hypothèses que l’on rajoutât aux prémisses. Le falsificationnisme semblait alors être une véritable alternative et j’ai craqué pour ça. Parfois je me sentais quelque peu mal à l’aise, en particulier quand je parlais avec Walter Hollitscher ; il semblait qu’il y ait un grain de sable dans la machine. Pourtant, j’utilisais la procédure dans divers domaines et j’en fis le point central de mes cours quand je commençai à enseigner. Aujourd’hui je vois cet épisode comme une illustration parfaite des dangers du raisonnement abstrait. Il y a beaucoup de philosophies dangereuses qui se promènent. Pourquoi dangereuses ? Parce qu’elles contiennent des éléments qui paralysent notre jugement. Le rationalisme, qu’il soit dogmatique ou critique, ne fait pas exception. Pire même : la cohérence interne de ses produits, la dimension apparemment raisonnable de ses principes, la promesse d’une méthode qui permettrait aux individus de se libérer des préjugés et le succès des sciences qui semblent être l’exploit principal du rationalisme lui confèrent une autorité presque surhumaine. Popper a non seulement fait usage de ces éléments, mais il y a encore ajouté un ingrédient paralysant de son propre cru — la simplicité. Donc, qu’est-ce qui cloche dans une philosophie cohérente qui explique ses principes d’une façon simple et directe ? Le fait qu’elle peut perdre le contact avec la réalité, ce qui veut dire, dans le cas d’une philosophie des sciences, avec la pratique scientifique. Une philosophie, après tout, n’est pas comme un morceau de musique qui peut donner du plaisir par lui-même. Elle est censée nous guider dans la confusion et peut-être nous fournir un programme pour changer. Popper savait qu’un guide ou une carte peuvent être simples, cohérents, « rationnels », tout en ne traitant de rien. Tout comme Kraft, Reichenbach et Herschel avant lui, il a alors fait une distinction entre la pratique des sciences et les normes de l’excellence scientifique et a déclaré que l’épistémologie n’avait affaire qu’à ces dernières : le monde (de la science, et du savoir en général) doit s’adapter à la carte, et non l’inverse. Pendant un certain temps j’ai raisonné de la même manière. C’était drôle de couvrir de mépris des traditions vénérables en prouvant qu’elles n’avaient « aucun sens sur le plan cognitif ». C’était même encore plus drôle de critiquer des théories scientifiques respectables en levant la baguette magique de la falsifiabilité. Je ne me rendis pas compte que j’acceptais une hypothèse importante et pas du tout évidente. Je croyais que les normes « rationnelles », dès qu’elles étaient appliquées rigoureusement et sans exceptions, pouvaient conduire à une pratique aussi flexible, riche, stimulante et technologiquement efficace que celle des sciences que nous connaissons déjà, que nous acceptons et que nous admirons. Mais l’hypothèse est fausse. Pratiqué avec détermination et sans concession, le falsificationnisme balaierait la science telle que nous la connaissons. Il y a quelques épisodes qui semblent obéir au modèle falsificationniste (mon exemple favori était la transition entre la théorie de l’horreur du vide et les conceptions de Torricelli et Pascal — jusqu’à ce que j’en sache plus). Mais la grande majorité des épisodes, et plus particulièrement ceux qui, selon Popper, montrent la science sous son meilleur jour, se sont déroulés d’une manière complètement différente. Ce qui ne veut pas dire que la science est « irrationnelle » — on peut rendre compte de chacune de ses étapes (comme le font des historiens comme Shapin, Schaffer, Galison, Pickering, Rudwick, Gould, Hacking, Buchwald, Latour, Biagioli, Pera et d’autres). Néanmoins, les étapes prises ensemble ne constituent que rarement un modèle cohérent obéissant à des principes universels, et les cas qui confirment de tels principes ne sont pas plus fondamentaux que les autres. À ce niveau-là, les arts et les sciences deviennent assez semblables. Dans l’art byzantin les visages étaient peints d’une façon sévèrement schématique : trois cercles dont la base du nez était le centre. La longueur du nez était égale à la hauteur du front et à la partie inférieure du visage — et ainsi de suite, selon la description du Manuel du peintre du mont Athos. Ces règles produisent des visages — mais dans une seule attitude (de face), sans détails et sans personnalité. Elles se trouvent en conflit avec presque tout ce qui ne relève pas d’une école byzantine particulière. De la même manière, les règles de Popper peuvent produire une science byzantine ; elles ne sont pas totalement inefficaces. Mais leurs résultats n’ont que très peu de chose à voir avec la science de Newton, Faraday, Maxwell, Darwin, Einstein et Bohr (Otto Neurath, il y a bien longtemps déjà, avait adressé exactement les mêmes critiques à Popper). |
Lefebvre, H. (1962). Le matérialisme dialectique 5th ed. Paris: Presses universitaires de France. |
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Last edited by: Dominique Meeùs 2011-10-22 14:16:45 |
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La logique formelle a engagé la pensée rationnelle dans une série de conflits. Le premier est un conflit entre la rigueur et la fécondité. Dans le syllogisme (même s’il n’est pas absolument stérile) la pensée n’est rigoureusement cohérente qu’en se maintenant dans la répétition des mêmes termes. Il est bien connu que l’induction rigoureuse n’est pas celle qui permet de passer des faits aux lois. Tout fait, toute constatation expérimentale introduisent dans la pensée un élément neuf, donc sans nécessité du point de vue du formalisme logique. Les sciences se sont développées en dehors de la logique formelle, et même contre elle. Mais alors si la science est féconde, elle ne part pas de vérités nécessaires, elle ne suit pas un développement rigoureux. La logique et la philosophie restent hors des sciences, ou ne viennent qu’après elles, pour constater leurs méthodes spécifiques, sans rien leur apporter. Réciproquement les sciences sont extérieures à la philosophie — au-dessous ou au-dessus d’elle — et leurs méthodes de découverte n’ont rien à voir avec la logique rigoureuse. Le savant prouve le mouvement de la pensée en avançant dans la connaissance; mais le philosophe se venge en mettant en question la valeur de la science. Le conflit entre la rigueur et la fécondité s’élargit; il fait naître le problème de la connaissance et de la valeur de la science. |
Lévy, J.-P. (1997). La fabrique de l’homme. Paris: Éditions Odile Jacob. |
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Last edited by: Dominique Meeùs 2010-01-02 08:12:20 |
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La conscience primaire que je partage avec mon chien S’il est une fonction cérébrale mal comprise, c’est bien la conscience, cet étrange processus qui fait que nous savons que nous voyons ou que nous pensons, et même que nous savons que nous le savons. Nous avons beaucoup de mal à analyser et à définir ce phénomène. Toujours présente, sauf durant le sommeil lent, la conscience nous met en communication avec le monde et avec nous-même, mais nous ne la dirigeons qu’en certains instants privilégiés. Les neurobiologistes […] commencent seulement à aborder l’étude de la conscience, timidement, avec des méthodes encore maladroites. C’est donc l’un des domaines dans lesquels les philosophes continuent à spéculer, ce qui témoigne, à l’évidence, de l’insuffisance des connaissances scientifiques. L’histoire des connaissances est celle d’un recul permanent de la spéculation abstraite des philosophes, parfois géniale, mais somme toute fort peu productrice de connaissances, devant les méthodes de la science. Mais la conscience est un domaine où la science ne pénètre encore qu’à pas comptés. |
Raymond, P. (1977). Matérialisme dialectique et logique. Paris: Librairie François Maspero. |
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Last edited by: Dominique Meeùs 2011-01-13 06:55:41 |
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Engels justifie en général le matérialisme historique de Marx par lui-même et le recouvre seulement après coup d’un habit dialectique : ainsi, dans l’Anti-Dühring (chapitre 13), il reconnaît que la « négation de la négation ne démontre pas la nécessité historique. Au contraire : c’est après avoir démontré par l’histoire comment, en fait, le processus en partie s’est réalisé, en partie doit forcément se réaliser encore, que Marx le désigne, en outre, comme un processus qui s’accomplit selon une loi dialectique déterminée. » Cet habit devrait constituer un matérialisme dialectique ; celui-ci est toutefois entendu en plusieurs sens. Tantôt la philosophie doit jouer le rôle d’une sorte de laboratoire pour les sciences : « Les savants croient se libérer de la philosophie en l’ignorant ou en la vitupérant. Mais [de ce fait et] comme, sans pensée, ils ne progressent pas d’un pas […] ils n’en sont pas moins sous le joug de la philosophie et la plupart du temps, hélas, de la plus mauvaise […]. Les savants ont beau faire, ils sont dominés par la philosophie. La question est seulement de savoir s’ils veulent être dominés par… ou s’ils veulent se laisser guider par une forme de pensée théorique qui repose sur la connaissance de l’histoire de la pensée et de ses acquisitions […]. Ce n’est que lorsque la science de la nature et de l’histoire aura assimilé la dialectique… » (Dialectique de la nature, « Science de la nature et philosophie ».) Tantôt la philosophie doit jouer le rôle d’une synthèse des connaissances : « La dialectique n’est pas autre chose que la science des lois générales [de tout]. » (Anti-Dühring, chapitre 13.) L’Anti-Dühring est sans doute plus circonstanciel que la Dialectique de la nature. (Engels s’en explique au début de l’ « Ancienne préface à l’Anti-Dühring sur la dialectique ».) Mais, pour les deux ouvrages, la valeur idéologique doit être soigneusement distinguée de la valeur théorique. L’ambition immédiate est de lutter contre une sous-philosophie (« M. Dühring “créateur de système” n’est pas un phénomène isolé dans l’Allemagne d’aujourd’hui ») qu’Engels, à l’instar du 18e siècle et de Hegel, va appeler « métaphysique » : l’ennemi numéro 1 est cette théorie réactionnaire qui organise un blocage contre les transformations révolutionnaires de l’histoire réelle et la poussée associée de l’histoire scientifique. La portée à long terme, l’enseignement de l’œuvre d’Engels pour nous résident essentiellement là. |
Russell, B. (1971). La méthode scientifique en philosophie: Notre connaissance du monde extérieur P. Devaux, Trans. Paris: Éditions Payot. |
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Added by: admin 2010-01-02 08:10:19 |
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Toute proposition concernant l’avenir appartient par son objet à quelque science particulière et ne peut être affirmée avec quelque certitude, s’il en est, qu’à l’aide des méthodes propres à cette science. La philosophie n’est pas un chemin raccourci pour atteindre aux mêmes résultats que ceux que l’on poursuit dans d’autres sciences. Si elle a un véritable objet, elle doit avoir son domaine propre, et chercher des résultats que les autres sciences ne peuvent, ni prouver, ni controuver. S’il existe une pareille étude, l’idée d’une philosophie qui consiste en propositions que les autres sciences ne rencontrent pas est grosse de conséquences. Toutes les questions qui ont un intérêt humain — comme, par exemple, la question de la vie future —, du moins en théorie, appartiennent à des sciences spéciales et peuvent recevoir, en théorie du moins, une preuve empirique. Les philosophes se sont trop souvent permis, par le passé, de se prononcer sur des questions empiriques, et se sont trouvés finalement en conflit, d’une façon désastreuse, avec des faits bien attestés. Nous devons donc renoncer à 1’espoir que la philosophie puisse promettre satisfaction à nos désirs pratiques. Ce qu’elle peut, lorsqu’elle en est complètement puritiée, c’est nous aider à comprendre les aspects généraux du monde et l’analyse logique des choses familières mais complexes. En exécutant ce plan, en suggérant de fécondes hypothèses, elle peut être immédiatement utile aux sciences, notamment aux mathématiques, à la physique et à la psychologie. Mais une véritable philosophie scientifique ne peut se flatter d’en appeler à personne d’autre qu’à ceux qui ont le désir de comprendre, et d’échapper à certain obscurantisme intellectuel. Elle procure dans son domaine le genre de satisfaction que procurent les autres sciences. Mais elle n’apporte, ni ne veut apporter une solution au problème de la destinée humaine ou de l’univers. |
Weinberg, S. (1993). Dreams of a final theory: Search for the ultimate laws of nature. Londres: Hutchinson Radius. |
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Last edited by: Dominique Meeùs 2011-05-03 08:46:32 |
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Some of it [current work on the philosophy of science] I found to be written in a jargon so impenetrable that I can only think that it aimed at impressing those who confound obscurity with profundity. |
The insights of philosophers have occasionally benefited physicists, but generally in a negative fashion — by protecting them from the preconceptions of other philosophers. I do not want to draw the lesson here that physics is best done without preconceptions. At any one moment there are so many things that might be done, so many accepted principles that might be challenged, that without some guidance from our preconceptions one could do nothing at all. It is just that philosophical principles have not generally provided us with the right preconceptions. In our hunt for the final theory, physicists are more like hounds than hawks ; we have become good at sniffing around on the ground for traces of the beauty we expect in the laws of nature, but we do not seem to be able to see the path to the truth from the heights of philosophy. Physicists do of course carry around with them a working philosophy. For most of us, it is a rough-and-ready realism, a belief in the objective reality of the ingredients of our scientific theories. But this has been learned through the experience of scientific research and rarely from the teachings of philosophers. This is not to deny all value to philosophy, much of which has nothing to do with science. I do not even mean to deny all value to the philosophy of science, which at its best seems to me a pleasing gloss on the history and discoveries of science. But we should not expect it to provide today’s scientists with any useful guidance about how to go about their work or about what they are likely to find. |
Even where philosophical doctrines have in the past been useful to scientists, they have generally lingered on too long, becoming of more harm than ever they were of use. Take, for example, the venerable doctrine of « mechanism », the idea that nature operates through pushes and pulls of material particles or fluids. In the ancient world no doctrine could have been more progressive. Ever since the pre-Socratic philosophers Democritus and Leucippus began to speculate about atoms, the idea that natural phenomena have mechanical causes has stood in opposition to popular beliefs in gods and demons. The Hellenistic cult leader Epicurus brought a mechanical worldview into his creed specifically as an antidote to belief in the Olympian gods. When René Descartes set out in the 1630s on his great attempt to understand the world in rational terms, it was natural that he should describe physical forces like gravitation in a mechanical way, in terms of vortices in a material fluid filling all space. The « mechanical philosophy » of Descartes had a powerful influence on Newton, not because it was right (Descartes did not seem to have the modern idea of testing theories quantitatively) but because it provided an example of the sort of mechanical theory that could make sense out of nature. Mechanism reached its zenith in the nineteenth century, with the brilliant explanation of chemistry and heat in terms of atoms. And even today mechanism seems to many to be simply the logical opposite to superstition. In the history of human thought the mechanical worldview has played a heroic role. That is just the trouble. In science as in politics or economics we are in great danger from heroic ideas that have outlived their usefulness.The heroic past of mechanism gave it such prestige that the followers of Descartes had trouble accepting Newton’s theory of the solar system. How could a good Cartesian, believing that all natural phenomena could be reduced to the impact of material bodies or fluids on one another, accept Newton’s view that the sun exerts a force on the earth across 93 million miles of empty space ? It was not until well into the eighteenth century that Continental philosophers began to feel comfortable with the idea of action at a distance. In the end Newton’s ideas did prevail on the Continent as well as in Britain, in Holland, Italy, France, and Germany (in that order) from 1720 on. To be sure, this was partly due to the influence of philosophers like Voltaire and Kant. But here again the service of philosophy was a negative one ; it helped only to free science from the constraints of philosophy itself. Even after the triumph of Newtonianism, the mechanical tradition continued to flourish in physics. The theories of electric and magnetic fields developed in the nineteenth century by Michael Faraday and James Clerk Maxwell were couched in a mechanical framework, in terms of tensions within a pervasive physical medium, often called the ether. Nineteenth-century physicists were not behaving foolishly — all physicists need some sort of tentative worldview to make progress, and the mechanical worldview seemed as good a candidate as any. But it survived too long. |
Positivism did harm in other ways that are less well known. There is a famous experiment performed in 1897 by J. J. Thomson, which is generally regarded as the discovery of the electron. […] It turned out that the amount of bending of these rays was consistent with the hypothesis that they are made up of particles that carry a definite quantity of electric charge and a definite quantity of mass. […] For this, Thomson regarded himself, and has become universally regarded by historians, as the discoverer of a new form of matter, a particle […] : the electron. Yet the same experiment was done in Berlin at just about the same time by Walter Kaufmann. The main difference between Kaufmann’s experiment and Thomson’s was that Kaufmann’s was better. […] Thomson was working in an English tradition going back to Newton, Dalton, and Prout — a tradition of speculation about atoms and their constituents. But Kaufmann was a positivist ; he did not believe that it was the business of physicists to speculate about things that they could not observe. So Kaufmann did not report that he had discovered a new kind of particle, but only that whatever it is that is flowing in a cathode ray, it carries a certain ratio of electric charge to mass. The moral of this story is not merely that positivism was bad for Kaufmann’s career. Thomson, guided by his belief that he had discovered a fundamental particle, went on and did other experiments to explore its properties. He found evidence of particles with the same ratio of mass to charge emitted in radioactivity and from heated metals, and he carried out an early measurement of the electric charge of the electron. This measurement, together with his earlier measurement of the ratio of charge to mass, provided a value for the mass of the electron. It is the sum of all these experiments that really validates Thomson’s claim to be the discoverer of the electron, but he would probably never have done them if he had not been willing to take seriously the idea of a particle that at that time could not be directly observed. |
Wittgenstein, L. (1993). Tractatus logico-philosophicus, suivi de investigations philosophiques P. Klossowski, Trans. Paris: Éditions Gallimard. |
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Last edited by: Dominique Meeùs 2009-08-30 21:59:34 |
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4.1 — La proposition représente l’existence et la non-existence des états de choses. 4.11 — La totalité des propositions vraies constitue la totalité des sciences de la nature. 4.111 — La philosophie n’est aucune des sciences de ia nature. (Le mot « philosophie » doit signifier quelque chose qui est au-dessus ou au-dessous, mais non pas à côté des sciences de la nature.) 4.112 — Le but de la philosophie est la clarification logique de la pensée. La philosophie n’est pas une doctrine mais une activité. Une œuvre philosophique consiste essentiellement en élucidations. Le résultat de la philosophie n’est pas un nombre de « propositions philosophiques », mais le fait que des propositions s’éclaircissent. La philosophie a pour but de rendre claires et de délimiter rigoureusement les pensées qui autrement, pour ainsi dire, sont troubles et floues. 4.1121 — La psychologie n’est pas plus apparentée à la philosophie qu’aucune autre des sciences de la nature. La théorie de la connaissance constitue la philosophie de la psychologie. Mon étude du langage des signes ne répond-il pas à l’étude des processus de pensée, que les philosophes ont tenue pour tellement essentielle à la philosophie de la logique 7 Sauf qu’ils s’embrouillaient le plus souvent dans des investigations psychologiques inessentielles, et il y a un danger analogue dans ma propre méthode. 4.1122 — La théorie darwiniste n’a pas plus de rapport avec la philosophie qu’aucune autre hypothèse des sciences de la nature. 4.113 — La philosophie limite le domaine discutable des sciences de la nature. 4.114 — Elle doit délimiter le concevable, et, de la sorte, l’inconcevable. Elle doit limiter de l’intérieur l’inconcevable par le concevable. 4.115 — Elle signifiera l’indicible, en représentant clairement le dicible. 4.116 — Tout ce qui peut être en somme pensé, peut être clairement pensé. Tout ce qui se laisse exprimer, se laisse clairement exprimer. |
6.53 — La juste méthode de philosophie serait en somme la suivante : ne rien dire sinon ce qui se peut dire, donc les propositions des sciences de la nature — donc quelque chose qui n’a rien à voir avec la philosophie — et puis à chaque fois qu’un autre voudrait dire quelque chose de métaphysique, lui démontrer qu’il n’a pas donné de signification à certains signes dans ses propositions. Cette méthode ne serait pas satisfaisante pour l’autre — il n’aurait pas le sentiment que nous lui enseignons de la philosophie — mais elle serait la seule rigoureusement juste. 6.54 — Mes propositions sont élucidantes à partir de ce fait que celui qui me comprend les reconnait à la fin pour des non-sens, si, passant par elles, — sur elles — par-dessus elles, il est monté pour en sortir. Il faut qu’il surmonte ces propositions ; alors il acquiert une juste vision du monde. 7. — Ce dont on ne peut parler, il faut le taire. |