Changeux, J.-P. (1984). L’homme neuronal 5th ed. Paris: Fayard. |
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Last edited by: Dominique Meeùs 2011-01-02 15:35:12 |
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Essayons d’abord de préciser ce que l’on entend habituellement par « concept ». Faisons ensemble le chemin suivant : nous nous promenons boulevard Saint-Germain à la recherche de sièges anciens ; dans une première boutique, on remarque une caqueteuse d’époque Renaissance ; dans une autre, une chaise à haut dossier Louis XIII, ou encore une ponteuse de style Louis XVI. Dans tous les cas, malgré des différences notables de forme et de style, on n’hésitera pas à qualifier ces sièges de chaises. Ils possèdent en effet des traits et des propriétés communs, une fonction identique, qui permet de les regrouper sous le même concept. Ce faisant, nous avons évidemment éliminé les fauteuils. Former le concept « chaise » revient ainsi à répartir des objets dans la catégorie « chaise » et à en exclure les fauteuils. Ce classement en catégories nous a conduits à négliger les différences de forme et de décor existant entre la chaise Louis XIII et la ponteuse Louis XVI. La formation du concept « chaise » s’est accompagnée d’une élimination de détails parfois importants, d’une schématisation, voire d’une abstraction. Le concept devient ce que Rosch (1975) appelle un prototype de l’objet qui rassemble les traits caractéristiques partagés par des chaises différentes. Ce concept-prototype est mémorisé. Il peut être évoqué, par exemple, par l’audition du mot chaise, mais aussi, spontanément, de manière volontaire, en l'absence d’un stimulus sensoriel. Enfin, il peut être comparé au percept primaire de la ponteuse Louis XVI ou du fauteuil à la Reine, et accepté ou rejeté. Il possède donc plusieurs propriétés des images de mémoire. Le concept apparaît comme une image simplifiée, « squelettique », réduite aux traits essentiels, formalisée, de l’objet désigné. Une parenté se dessine entre le percept, l’image et le concept, et en suggère la même matérialité neurale. |
Gould, S. J. (1991). Bully for brontosorus: Further reflexions in natural history. Harmondsworth (Middlesex): Penguin Books. |
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Added by: Dominique Meeùs 2011-08-01 18:42:42 |
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[…] we often stop discussing the fundamentals once an orthodoxy triumphs, and we need to consult the original debates in order to rediscover the largest issues — perhaps never really resolved but merely swept under a rug of concord. |
Jouvet, M. (1992). Le sommeil et le rêve. Paris: Éditions Odile Jacob. |
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Last edited by: Dominique Meeùs 2016-05-30 21:23:52 |
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Je ne crois pas que dans la science il puisse y avoir une démarche très cohérente. Je ne crois pas, non plus, qu’il soit possible d’ « administrer » la recherche. S’il y a un domaine où il faut laisser le plus de liberté, c’est bien celui de la recherche. L’ « administrer » ce serait forcément le faire en fonction de certains dogmes, de certaines vérités. Or, par définition, plus une vérité est connue, plus elle est médiatisée, plus elle a de chances de bloquer les autres voies de la recherche. |
Il y a des exemples comme ça, dans l’histoire des sciences : tout un courant de la connaissance se gèle pendant dix, vingt ans, avant que ça reparte. Prenez l’histoire du rêve. Le premier qui a vraiment essayé de le situer dans le sommeil, de le doter d’une structure temporelle, c’est Alfred Maury, qui était professeur au Collège de France. La théorie en vogue à l’époque disait que l’esprit, étant immatériel, voyageait en tous sens, pendant que le corps subissait la « mort périodique » du sommeil. Alfred Maury a réussi à infirmer cette idée. Il lui a substitué son interprétation du rêve comme accident épisodique, phase intermédiaire entre le sommeil et l’éveil. Sa conception a littéralement parasité les chercheurs qui se sont occupés ensuite de la question. Il a fallu, en fait, attendre la guerre de 1939-1945 — car c’est la guerre qui fait avancer la recherche! — pour qu’on dispose facilement d’appareils permettant l’enregistrement des microvolts. Et, en 1957, des neurophysiologistes de Chicago, en étudiant le mouvement des yeux des dormeurs, ont pris conscience de leur périodicité. Mais, comme l’électroencéphalogramme était identique à celui de l’endormissement — et que les idées de Maury persistaient encore —, ils ont pensé que le rêve n’était qu’un retour du sommeil léger. Si bien que leur découverte qui aurait dû faire un énorme bruit n’en a pas fait beaucoup. Et le paradigme — prenons le mot, bien que je ne l’aime pas — du rêve demi-réveil, demi-sommeil, est resté bloqué où il était. Comme je l’ai dit, c’est totalement par hasard, en étudiant les mécanismes d’apprentissage du chat, que François Michel et moi sommes arrivés par l’autre côté, en 1958. Nous nous sommes aperçus que le rêve n’était ni du sommeil ni de l’éveil. Et que c’était donc obligatoirement un troisième état de cerveau, aussi différent du sommeil que celui-ci l’est de l’éveil. |