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Atlan, H. (2007) Inné et acquis: Les réponses d’henri atlan (31 mai 2007). Philosophie Magazine, 10 . Retrieved December 21, 2010, http://www.philomag.com/fiche-philinfo.php?id=37  
Last edited by: Dominique Meeùs 2010-12-22 08:24:47 Pop. 0%
      Il vaudrait mieux proscrire, ou limiter au maximum, dans les discours biologiques qui se veulent explicatifs, y compris de la part de spécialistes, un certain nombre d’expressions qui sont devenues populaires. Celles de « patrimoine génétique » ou de « programme génétique » sont des métaphores trompeuses qu’il vaut mieux proscrire totalement. L’expression « gène de ceci », « gène de cela » souvent utilisée dans des annonces spectaculaires doit être strictement limitée à ces cas rares de maladies monogénétiques, et à l’identification de séquences d’ADN codant pour des protéines dont les fonctions normales ou pathologiques sont connues, ainsi que les mécanismes causaux, divers génétiques et épigénétiques, par lesquels ces protéines produisent les effets incriminés. Ceci aurait pour effet de relativiser, déjà au niveau de la recherche biologique fondamentale, la part des gènes dans le développement et les fonctions des organismes, tant il est clair aujourd’hui que l’organisme contrôle le génome au moins autant que le génome contrôle l’organisme. Il s’agit là d’une révolution dans les mentalités qui a commencé à pénétrer le monde de la recherche en biologie moléculaire et cellulaire, mais qui a du mal à passer non seulement dans le grand public, mais encore dans l’information médicale.
      Mais la question rebondit aussitôt quand on croit pouvoir « mesurer » la part innée — ou génétique, bien que cela ne soit pas la même chose — et la part acquise. Les revues scientifiques de haut niveau publient encore des études sur de telles estimations, bien que les méthodes statistiques sophistiquées utilisées reposent sur des hypothèses erronées, et que cela ait été dénoncé régulièrement par des articles critiques depuis plus de trente ans. Ces calculs n’auraient de valeur que si l’on admettait que les effets des gènes et de l’environnement s’ajoutent les uns aux autres de façon indépendante. Or il n’en est rien : les effets des gènes dépendent de l’environnement et réciproquement. Une part d’inné peut être de 40 % dans un environnement donné et de 10 % ou 75 % ou n’importe quoi d’autre dans d’autres environnements.
      Un cerveau humain offrant un un million de milliards de connexions possibles, se construisant au cours d’une vie, comment 30 000 gènes détermineraient-ils tout le comportement — notamment nos affections psychologiques, la délinquance, le comportement suicidaire, l’invention de la sexualité ? [Frédéric Joignot]
     La question n’est pas tant le nombre de gènes qui serait insuffisant pour déterminer les synapses. On pourrait imaginer des combinaisons de gènes et des combinaisons de combinaisons en nombre aussi grand que l’on veut. La question est celle du nombre de niveaux d’organisation qui séparent le niveau moléculaire des gènes et des protéines de celui du cerveau, dans sa structure et son fonctionnement. Deux vrais jumeaux — qui ont donc les mêmes gènes — ont des systèmes nerveux, et aussi des propriétés d’autres systèmes, comme le système immunitaire par exemple, différents car les phénomènes épigénétiques, d’auto-organisation et autres, qui comportent une part importante de hasard, jouent un rôle déterminant dans leur développement, depuis l’embryon et pendant toute la vie. Ceci prive souvent de sens la question même du déterminisme génétique — c’est-à-dire moléculaire — d’un fonctionnement cérébral aussi complexe que ce qu’on appelle un « comportement ».
Changeux, J.-P. (2002). L’homme de vérité M. Kirsch, Trans. Paris: Éditions Odile Jacob.  
Last edited by: Dominique Meeùs 2016-05-30 21:00:01 Pop. 0%
      Cette analyse ne met pas fin au débat entre nature et culture, mais elle le replace dans une perspective nouvelle. On ne peut plus désormais parler d’inné et d’acquis sans prendre en compte à la fois les données du génome, leur mode d’expression au cours du développement, l’évolution épigénétique de la connectivité sous ses aspects anatomiques, physiologiques et comportementaux. Cela peut paraître très difficile, voire presque impossible, surtout dans le cas du cerveau humain. Pourtant, cette conception du gène et de son expression, à la fois multidimensionnelle, non linéaire et hautement contextualisée, remet en cause des formulations qui ont un impact social très fort : comme les « gènes du bonheur » ou, au contraire, de « la nature strictement constructive du développement mental », dans le premier cas, on omet l’épigenèse, dans le second, la génétique.
     Le développement du cerveau humain se caractérise fondamentalement par cette « ouverture de l’enveloppe génétique » à la variabilité épigénétique et à l’évolution par sélection, celles-ci étant rendues possibles par l’incorporation dans le développement synaptique d’une composante aléatoire au sein des enchaînements de croissance synaptique en cascade qui vont des débuts de l’embryogenèse jusqu’à la puberté.
     Chaque « vague » successive de connexions, dont le type et la chronologie sont encadrés par l’enveloppe génétique, est sans doute en corrélation avec l’acquisition de savoir-faire et de connaissances particuliers, mais aussi avec la perte de compétences […] Le savoir inné et l’apprentissage épigénétique se trouvent étroitement entrelacés au cours du développement pré- et postnatal, où se manifestent l’acquisition de savoir-faire et de connaissances, l’entrée en action de la conscience réflexive et de la « théorie de l’esprit », l’apprentissage du langage, des « règles épigénétiques » et des conventions sociales. L’épigenèse rend possibles le développement de la culture, sa diversification, sa transmission, son évolution. Une bonne éducation devrait tendre à accorder ces schémas de développement avec le matériel pédagogique approprié que l’enfant doit apprendre et expérimenter. Petit à petit se met en place ce que Pierre Bourdieu appelle l’« habitus » de chaque individu, qui varie avec l’environnement social et culturel, mais aussi avec l’histoire particulière de chacun. Le caractère unique de chaque personne se construit ainsi comme une synthèse singulière de son héritage génétique, des conditions de son développement et de son expérience personnelle dans l’environnement social et culturel qui lui est propre.
     Du point de vue plus général de l’acquisition des connaissances, le savoir inné et la plupart des dispositions innées à acquérir des connaissances et à en mettre à l’épreuve leur vérité de manière consciente se sont développés à travers l’évolution des espèces au niveau de l’enveloppe génétique. Par ailleurs, la durée exceptionnellement longue de l’évolution épigénétique dont dispose le cerveau humain a permis une « incorporation » dans le cerveau de caractéristiques du monde extérieur sous forme de « savoir épigénétique ». Inversement, c’est aussi ce qui a rendu possible la production d’une mémoire culturelle qui ne dépende pas directement des limites intrinsèques du cerveau humain et puisse être transmise de manière épigénétique au niveau du groupe social.
      […] l’ensemble des résultats obtenus à ce jour sur divers modèles animaux démontrent que, si un nombre important de structures cérébrales sont préformées ou innées, l’activité spontanée et/ou évoquée du système nerveux en cours de développement est nécessaire à leur évolution ultérieure.
     Les principales caractéristiques de l’organisation cérébrale propres à l’espèce sont déterminées par une enveloppe génétique qui commande la migration et la différenciation des catégories de cellules, la croissance et la formation étendue de connexions, le comportement des processus nerveux en cours de croissance, la reconnaissance de cellules cibles et le démarrage de l’activité spontanée. Cette enveloppe détermine également la structure des molécules qui entrent dans l’architecture des synapses, les règles régissant leur assemblage ainsi que le contrôle de leur évolution, par l’activité du réseau. Néanmoins, au sein de cette enveloppe génétique, des processus « épigénétiques » se manifestent dans le réseau en développement, comme l’attestent tant les phénomènes régressifs que les processus de croissance des connexions que je viens de mentionner.
     Au cours de périodes sensibles du développement, on peut donc assister temporairement à une diversification exubérante de contacts svnaptiques, suivie de la stabilisation sélective de certains de ces contacts labiles et de l’élimination (ou de la rétraction) des autres. Concurremment, des phénomènes de croissance et de régénération des connexions peuvent se poursuivre à l’échelon local. Ces « allées et venues » des contacts synaptiques se maintiennent chez l’adulte. Mais l’équilibre se déplace au cours du vieillissement, et la régression finit par l’emporter avant la mort.
Deutsch, J. (2012). Le gène: Un concept en évolution. Paris: Éditions du Seuil.  
Added by: Dominique Meeùs 2016-10-08 05:34:48 Pop. 0%
      Le dernier mot. Le grand problème de la biologie du 21e siècle, c’est celui, posé dès le 19e siècle par Weismann et De Vries, d’expliquer à la fois la transmission des caractères au cours des générations et la formation de ces caractères au cours du développement. C’est encore et toujours celui d’établir la relation entre le génotype et le phénotype, de comprendre les mécanismes biologiques complexes par lesquels l’être vivant transforme les signaux transmis, y compris épigénétiques, inscrits dans les gènes au sens large, en information et cette information en forme, en phénotype. Le processus est complexe, il fait intervenir non seulement chacun des gènes (si tant est qu’on puisse les singulariser), mais leurs interactions mutuelles et leur interaction avec l’environnement.
      Un concept de gène élargi.
Pour les fondateurs de la théorie de l’information, le message est une suite linéaire de signaux symboliques. Nous avons vu l’influence et l’importance de cette conception dans la proposition et la découverte du code génétique, le dictionnaire qui permet de passer de la séquence en nucléotides de l’ADN à la séquence en acides aminés des protéines (chap. 13). Nous avons vu aussi qu’aujourd’hui le concept moléculaire du gène, réduit à un segment d’ADN codant, est insuffisant. Il y a bien plus de signaux dans la chromatine que les signaux alphabétiques codants (chap. 17 à 20). Il y a dans la séquence de l’ADN lui-même des signaux de type analogique, non numérique. Ces signaux représentent une part non négligeable de la quantité d’ADN et leur importance, tant fonctionnelle chez les êtres vivant aujourd’hui que dans l’évolution, est considérable. De plus, tout le message n’est pas inscrit dans l’ADN. Nous avons vu que, chez les eucaryotes, la structure de la chromatine, la façon dont les protéines de la chromatine sont associées à l’ADN, constitue aussi un message transmis, dit épigénétique.
Il est important de conserver le concept d’information génétique, différent de la forme des organismes, en sachant qu’il faut distinguer l’information du message : l’information est le message lu et interprété par la cellule, voire par l’organisme entier en développement, dans le cas des organismes pluricellulaires.
En ce qui concerne le message biologique, il nous faut envisager une conception élargie. Le message biologique n’est pas seulement une suite linéaire de signaux symboliques. Le message doit être vu comme un ensemble, dont la structure n’est pas nécessairement linéaire, de signaux numériques ou non. On est ainsi conduit à une conception élargie du gène : le gène est le message, de type symbolique et/ou analogique, inscrit dans les composants nucléique et protéique de la chromatine, transmis de cellule à cellule et de génération en génération, qui est interprété, grâce aux propriétés de la cellule et de l’organisme, en information permettant la création des formes du vivant.
Le génome, c’est-à-dire l’ensemble des messages, contient des signaux régulateurs qui contrôlent le passage des messages géniques en information. Les signaux régulateurs sont inscrits dans les composants nucléiques et aussi protéiques (épigénétiques) de la chromatine, et sont donc aussi des gènes. C’est par le moyen (medium) de ces signaux régulateurs que le génome est ouvert sur l’environnement.
      La transmission épigénétique

La structure de la chromatine impose ainsi un état « ouvert » (permissif) ou « fermé » (répressif) pour l’expression des gènes concernés. Ce qui est remarquable, c’est que cet état est transmissible au cours des divisions mitotiques et parfois aussi à la méiose, de génération en génération. On a alors parlé de transmission épigénétique et le terme épigénétique lui-même a pris un sens nouveau : l’épigénétique est la transmission d’une information au travers des divisions mitotiques et/ou méiotiques, sans qu’il y ait changement de la séquence d’ADN. Cette transmission se traduit par des états de caractère (phénotypes) différentiels. L’épigénétique, en tant que nouvelle discipline, est aussi l’étude de cette transmission.

Pour moi, il est clair que l’épigénétique, dans son acception actuelle, est une part de la génétique.

Prochiantz, A. (1989). La construction du cerveau. Paris: Hachette.  
Last edited by: Dominique Meeùs 2010-07-18 09:34:49 Pop. 0%
      Il y a donc une flexibilité par rapport à ce déterminisme génétique, et ces variations entre individus identiques [vrais jumeaux] sont dues à tout ce qu’on peut appeler l’épigénétique — c’est-à-dire tout ce qui n’est pas strictement déterminé par les gènes, tout ce qui vient introduire du jeu dans le déterminisme génétique ; ce qu’indique le préfixe grec épi qui signifie tout à la fois le surcroît, la succession, le contact et l’inflexion d’une trajectoire.
      Le système nerveux central de l’homme forme une manière d’engramme de son histoire personnelle ; et l’individu humain, unique, donc non clonable, résulte d’une histoire sociale. Chez les abeilles, tous les individus sont à quelque chose près (qu’il ne faut évidemment pas nier) des clones. Deux humains, fussent-ils absolument identiques sur le plan génétique, ne sont jamais des clones, parce que l’histoire de chaque individu reste singulière, de la naissance à la mort. Or, cette histoire est marquée dans la structure physique, puisqu’elle s’inscrit dans la matière cérébrale même, à cause de l’importance de l’épigenèse qui va stabiliser tel circuit ou tel autre. Et si le langage, évidemment fondamental pour ce qui est de l’humanité de l’homme, se trouve lié à la structure d’une couche cérébrale particulière, à sa conformation synaptique, au nombre de cellules qui la composent et à tout autre trait de caractère épigénétique, alors le langage d’un individu a à voir avec le processus de son individuation: avec son histoire affective, intellectuelle, d’interactions avec les autres individus dans la société.
     L’individu humain est donc un individu extrême, et en même temps un individu social extrême ; à la fois le plus individuel et le plus social des animaux; le plus individuel parce que, par nature, le plus social. Voilà qui permet, me semble-t-il, de relancer sur de nouvelles bases les discussions souvent mal engagées sur l’inné et l’acquis.
     Prenons un exemple brûlant. Je suis convaincu que la perspective développementale que l’on vient de résumer est susceptible de réduire, sinon de dissiper complètement, l’hostilité qui s’est installée entre les neurobiologistes, ou ceux qu’on appelle les psychiatres biologistes, d’une part, et le courant psychanalytique, toutes obédiences confondues, d’autre part.
     Quand les biologistes décrivent les désordres comportementaux (névroses, psychoses...) comme inscrits dans la structure neuronale du cerveau, les psychanalystes interprètent à contresens et s’imaginent qu’on veut parler de quelque chose d’inné. Ils sont persuadés qu’on soutient, ipso facto, qu’il existe, par exemple, un gène de la schizophrénie ou de la névrose obsessionnelle, et que la maladie affecte automatiquement tout individu porteur du gène.
     Il faut bien leur accorder qu’à partir de données généalogiques démontrant, pour certaines formes de maladies mentales, une composante héréditaire, il s’est trouvé quelques idéologues qui ont tenté de généraliser et d’exploiter les résultats des recherches en biologie moléculaire pour soutenir de telles aberrations radicalement et exclusivement généticistes, qui menacent toujours d’être criminelles. Rappelons-nous les premières lobotomies !
     Mais il y a là un profond malentendu. La position des neurobiologistes sérieux consiste à affirmer, tout simplement, que la plupart de ces comportements sont liés à certaines structurations des réseaux neuronaux : ce qui ne signifie nullement que ces comportements soient innés ou qu’une quelconque composante génétique les rende fatals. On peut penser, au contraire, que ce sont des structures qui se sont construites au cours du développement de l’individu et qui se sont stabilisées du fait de l’environnement affectif que l’individu a dû affronter au fil de son histoire singulière. Dans cette perspective, une structure psychique névrotique peut, de fait, très bien correspondre à une structure de réseaux neuronaux.
     Prenons le risque de heurter un peu plus les convictions idéalistes de la majorité des psychanalystes en empiétant résolument sur leur domaine. Ne peut-on penser que la cure analytique correspond à une modification des réseaux neuronaux, qui s’effectue douloureusement dans les conditions du transfert au cours de l’anamnèse (la remontée vers les souvenirs d’enfance), puisqu’on sait que les neurones restent plastiques, chez l’homme, jusqu’à un âge avancé, sinon pendant l’entière durée de sa vie ? Si l’on a un jour la possibilité de visualiser certains de ces réseaux entiers, par exemple grâce à de nouvelles techniques d’imagerie médicale, on pourra peut-être trancher. J ’aime à penser qu’on pourra voir, au cours de la cure, s’opérer la modification de certains réseaux, et le dénouement de certains « nœuds » qu’on pourrait appeler, pourquoi pas, des « nœuds névrotiques ». Il n’y a rien là qui me paraisse scandaleux du point de vue de la neurobiologie. Pourquoi les psychanalystes s’en offusqueraient-ils ? Freud lui-même aurait-il rejeté cette hypothèse ?
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