Le point de départ de toute connaissance, dans l’histoire de l’humanité comme dans la biographie de chaque individu, ce sont les images mentales qui résultent de l’action de la réalité matérielle sur les organes des sens […] Mode primordial de la connaissance, l’image sensible est à la fois concrète et particulière. Elle est concrète, c’est-à-dire que m’y sont donnés […] les divers aspects immédiats de son objet. […] Étant concrète, l’image est toujours particulière, et même singulière, unique, c’est-à-dire qu’elle est l’image de cette réalité-ci, différente de celle-là, et de toute autre, ne serait-ce que par quelque détail. Mais justement pour cette raison, si elle est le point de départ de toute connaissance, l’image est vouée à demeurer son degré primitif, borné, inessentiel, parce qu’y demeure enfoui au sein du particulier ce qui dans l’objet a une signification générale ; parce que, inséparable des aspects changeants des choses et de leurs rapports variables entre elles et avec moi-même, elle ne saisit pas ce qui définit chacune d’elle en propre et de manière permanente. […] C’est donc que la consistance véritable des choses se situe au-delà de ce qu’en reflète la connaissance sensible, et ne peut être atteinte que par une connaissance d’un autre ordre : celle non plus des sens mais de l’intellect — de ce que la philosophie classique appelle l’entendement. |