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Lévêque, C. (2011). La nature en débat: Idées reçues sur la biodiversité. Paris: Le Cavalier Bleu.  
Added by: Dominique Meeùs 2014-02-26 09:14:56 Pop. 0%
      Dans les faits, ce sont les ONG qui semblent mener le jeu, en se présentant comme les porte-parole de la société civile. On ne peut parler de manière globale de toutes les ONG et associations de protection de la nature. Elles n’ont pas toutes les mêmes objectifs, ni les mêmes modes de fonctionnement. Il y a notamment les grosses ONG qui fonctionnent comme des multinationales bien structurées, et les petites qui comptent surtout sur l’enthousiasme de leurs militants. Les grosses (WWF ; WRI, UICN, Conservation international, etc.) comptent plusieurs centaines, voire plusieurs milliers d’employés, elles tirent leur financement pour partie de dons et pour partie d’expertises. Elles sont construites comme de grandes entreprises de protestation, ont un besoin de pérennité et de légitimité politique, qui les amène à rassembler des moyens importants (agents, donateurs, militants). Ainsi l’UICN affiche 1 000 professionnels répartis en 60 bureaux et 11 000 scientifiques et experts bénévoles dans environ 160 pays. Les grandes ONG internationales environnementales sont presque toutes d’origine anglo-saxonne. Leurs modes d’action se sont largement inspirés de ceux du lobbying à l’américaine, et des méthodes de Ralph Nader, un avocat américain promoteur des associations de défense des consommateurs, qui fit voter des réformes au Congrès en s’appuyant sur les médias, l’opinion publique et le mouvement associatif agissant comme groupes de pression.
     Ces ONG sont actives depuis plusieurs décennies. On peut les comparer, toutes proportions gardées, à des « syndicats de la nature ». Ce sont elles, pas les scientifiques, qui ont été à l’origine des Stratégies de conservation et de la Convention sur la diversité biologique. Elles aussi peuvent légitimement se revendiquer d’être les principaux acteurs dans le domaine de la conservation de la biodiversité.
     Les ONG usent souvent du registre médiatique et de la dramatisation mettant en avant les atteintes irréversibles à l’environnement provoquées par les activités humaines. Leur système de communication est très élaboré (bien supérieur à celui du monde scientifique), sachant par ailleurs que leur existence repose en grande partie sur les dons. Elles ont fondé leur réputation dans les années 1970-1980 comme force de contestation. À la fin des années 1980 elles s’affichent ainsi comme représentantes d’une société civile mondiale, produisant des ouvrages scientifiques, ou développant des stratégies faisant autorité au niveau international. Simultanément elles perdent en partie leur caractère contestataire en s’impliquant de plus en plus dans l’élaboration de politiques publiques, nationales et internationales, et en développant un lobbying à l’expertise. Elles se voient confier par des États ou des organismes internationaux des missions qui demandent une expertise éprouvée. Et pour cela, elles associent des scientifiques à leur démarche, ce qui crée implicitement des liens de dépendance entre les scientifiques et ces ONG. Cette situation engendre également une dépendance des ONG par rapport aux États ou aux institutions internationales qui les subventionnent.
     Néanmoins, les ONG continuent de s’autoproclamer représentantes de la société civile et essaient de légitimer cette position en faisant appel à 1’opinion publique sous forme de pétition, de mobilisation, de dons. La légitimité et la visibilité des ONG dépendent de leur capacité d’expertise et de proposition, ainsi que des arguments qu’elles développent pour convaincre les adhérents/donateurs ou les politiques. Ce n’est pas un monde idyllique et la compétition est la règle derrière des alliances conjoncturelles, ce qui conduit inévitablement à certaines surenchères. On se doit donc d’être vigilants sur certains aspects du discours que les unes ou les autres propagent, et qui est relayé sans trop de discernement par les médias :
     — D’une part certaines ONG se préoccupent avant tout de la protection intégrale de la biodiversité. Le danger dans l’entrecroisement des discours médiatiques est de voir s’imposer des positions idéologiques. Les positions des ONG « intégristes » ne sont pas très éloignées d’une vision créationniste de la nature. On sait que les mouvements créationnistes sont puissants aux États-Unis où beaucoup de grandes ONG environnementales ont leur siège…
     — L’attitude qui consiste à dramatiser la situation pour retenir l’attention a des aspects positifs : elle a permis une prise de conscience de l’impact de l’homme sur la nature. Mais simultanément la radicalisation du discours peut conduire à la diffusion de messages caricaturaux, ou par trop globaux, ou pour le moins discutables sur le taux d’érosion de la biodiversité ou sur le danger supposé des introductions d’espèces.
     — De même, pour soutenir des politiques de conservation, certaines ONG ont tendance à instrumentaliser l’écologie et l’économie pour justifier leur action. On peut avoir parfois l’impression confuse (et parfois vérifiée) que des ONG privilégient la protection de certaines espèces animales, au détriment du bien-être des populations locales.
     Les grandes ONG qui ont fondé leur existence sur la contestation sont progressivement devenues des institutions qui doivent assurer leur pérennité à tout prix. Elles n’ont plus guère l’esprit suffisamment révolutionnaire pour remettre en cause leur statut de conseiller du Prince en contestant de manière frontale le système économique et politique international. Seules quelques-unes le font, à l’exemple de Transparency International (TI), une ONG qui lutte contre la corruption des gouvernements et institutions gouvernementales mondiales. En d’autres termes, on ne s’attaque pas aux causes profondes de la question : pourquoi y a-t-il érosion de la biodiversité ? On se contente de proposer quelques solutions curatives, une situation qui peut s’éterniser…
     Dans cette grande mise en scène internationale autour de la protection de la biodiversité, avec ses grands-messes et ses grands prêtres, on a l’impression que les différents acteurs jouent leur rôle en éludant les questions de fond, qui sont d’ailleurs les mêmes que celles posées à propos du développement durable : comment faire, dans le système politique et économique mondial actuel, pour mieux partager les ressources naturelles entre les hommes ? C’est un des objectifs du Millénaire de l’ONU… Et comment faire pour que la recherche effrénée du profit à court terme ne mette pas en péril l’intérêt collectif et notre patrimoine naturel ? Mais y a-t-il des réponses possibles à ces questions dans le contexte de l’ordre économique actuel ?
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