Aristote. (2000). Metaphysique: Tome1, livres α — ζ J. Tricot, Trans. Vol. 1. Paris: Librairie philosophique J. Vrin. |
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Last edited by: Dominique Meeùs 2013-07-13 13:08:29 |
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(Livre Α, 5, 986 a 22) D’autres, parmi ces mêmes philosophes [les Pythagoriciens], reconnaissent dix principes, qu’ils rangent en deux colonnes parallèles [κατά συστοιχίαν] : Limité et Illimité, Impair et Pair, Un et Multiple, Droite et Gauche, Mâle et Femelle, en Repos et Mû, Rectiligne et Courbe, Lumière et Obscurité, Bon et Mauvais, Carré et Oblong. — Sensiblement la même parait avoir été la doctrine d’Alcméon de Crotone, soit que celui-ci ait reçu ses idées des Pythagoriciens, ou ces derniers, d’Alcméon, car il florissait au temps de la vieillesse de Pythagore, et les doctrines sont presque identiques. Il dit, en effet, que la plupart des choses humaines vont par deux, désignant par là non pas des contrariétés définies comme celles des Pythagoriciens, mais des contrariétés prises au hasard : par exemple, le Blanc et le Noir, le Doux et l’Amer, le Bien et le Mal, le Grand et le Petit. Ainsi donc, ce philosophe a émis des idées informes sur le reste, tandis que les Pythagoriciens se sont expliqués clairement sur le nombre et la nature de leurs contrariétés. — De ces deux écoles nous pouvons donc retenir que les contraires sont les principes des êtres, et l’une d’elles peut nous renseigner sur le nombre et la nature de ces principes. Mais comment il est possible de les réduire aux causes dont nous avons parlé, c’est ce qui n’a pas été nettement articulé par ces philosophes ; ils semblent pourtant ranger les éléments sous l'idée de matière, car c’est à partir de ces éléments, pris comme parties immanentes de toutes choses, qu’est, disent-ils, constituée et façonnée la substance. |
Aristote. Περὶ τῶν σοφιστικῶν ἐλέγχων: Réfutations des sophistes J. Barthélémy Saint-Hilaire, Trans. |
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Last edited by: Dominique Meeùs 2010-12-22 21:29:47 |
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Ὁμοίως δὲ καὶ τὸ παρὰ τὸ πῂ καὶ τὸ ἁπλῶς· οἷον ὁ Ἰνδός, ὅλος μέλας ὤν, λευκός ἐστι τοὺς ὀδόντας· λευκὸς ἄρα καὶ οὐ λευκός ἐστιν. Ἢ εἰ ἄμφω πῄ, ὅτι ἅμα τὰ ἐναντία ὑπάρχει. Τὸ δὲ τοιοῦτον ἐπ´ ἐνίων μὲν παντὶ θεωρῆσαι ῥᾴδιον, οἷον εἰ, λαβὼν τὸν Αἰθίοπα εἶναι μέλανα, τοὺς ὀδόντας ἔροιτ´ εἰ λευκός· εἰ οὖν ταύτῃ λευκός, ὅτι μέλας καὶ οὐ μέλας οἴοιτ´ 〈ἂν〉 διειλέχθαι, συλλογιστικῶς τελειώσας τὴν ἐρώτησιν. Ἐπ´ ἐνίων δὲ λανθάνει πολλάκις, ἐφ´ ὅσων, ὅταν πῂ λέγηται, κἂν τὸ ἁπλῶς δόξειεν ἀκολουθεῖν, καὶ ἐν ὅσοις μὴ ῥᾴδιον θεωρῆσαι πότερον αὐτῶν κυρίως ἀποδοτέον. Γίνεται δὲ τὸ τοιοῦτον ἐν οἷς ὁμοίως ὑπάρχει τὰ ἀντικείμενα· δοκεῖ γὰρ ἢ ἄμφω ἢ μηδέτερον δοτέον ἁπλῶς εἶναι [κατηγορεῖν]· οἷον, εἰ τὸ μὲν ἥμισυ λευκὸν τὸ δ´ ἥμισυ μέλαν, πότερον λευκὸν ἢ μέλαν; (On confond de même et la restriction et le sens absolu ; par exemple, si l’Indien étant tout à fait noir il est cependant blanc par les dents, il est tout à la fois blanc et non blanc ; ou bien s’il est les deux, en quelque façon à la fois, il faut donc que les contraires coexistent en lui. Tout le monde peut aisément voir dans certains cas des paralogismes de ce genre ; par exemple, si supposant que l’Éthiopien est noir, on demande s’il est blanc par les dents. Si donc il est blanc de cette façon, on pourra croire avoir prouvé par syllogisme qu’il est noir et non noir tout à la fois, quand on aura terminé son interrogation. Mais cette erreur reste souvent cachée : et c’est dans tous les cas où lorsqu’on dit la chose avec une restriction, le sens absolu semblerait devoir suivre, et dans tous ceux où il n’est pas facile de voir lequel des deux sens on doit prendre au propre. Et cela se présente toutes les fois que les opposés sont également au sujet. Il paraît, en effet, ou que les deux en même temps, ou que ni l’un ni l’autre, ne doivent être attribués absolument : par exemple, si une moitié est blanche et l’autre moitié noire, on demande si la chose est blanche ou noire ? |
Bunge, M. (2008). Le matérialisme scientifique S. Ayache, P. Deleporte, É. Guinet & J. Rodriguez Carvajal, Trans. Paris: Éditions Syllepse. |
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Last edited by: Dominique Meeùs 2017-04-01 21:24:07 |
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Nous tenons les principes de la dialectique pour être les suivants : […] D2. Tout objet est contradictoire de manière inhérente, c’est-à-dire qu'il est constitué de composants et d’aspects qui s’opposent mutuellement. D3. Tout changement est le produit de la tension ou de la lutte des contraires, que ce soit à l’intérieur du système en question ou entre différents systèmes. […] |
La thèse D2, selon laquelle tout objet est une unité de contraires, est couramment considérée comme constituant la thèse essentielle de la dialectique. Mais, à nouveau, la phrase n’a guère de sens, à moins que l’on ne précise le terme de « contraire ». Et, comme nous l’avons vu dans les deux dernières sections, ce n’est pas facile, et en tous cas cela n’a pas été réalisé par les philosophes dialecticiens. Je soumets l’idée que D2 a un sens si le contraire, ou la contradiction ontique, est conçue comme une relation entre propriétés, à savoir la relation d’action contraire ou de neutralisation […]. […] Par exemple, dans un pays surpeuplé, l’augmentation de la population et le bien-être de cette population sont réciproquement contraires parce que la première propriété fait échouer les tentatives de maintien et d’élévation du niveau de vie. Si le mot « contraire » est pris dans ce sens, alors on peut affirmer qu’il existe des systèmes dominés par des contradictions internes. Mais ceci est bien loin de l'affirmation selon laquelle tous les systèmes sont contradictoires. Par exemple, selon la physique contemporaine, les électrons et les photons n’ont pas de contradictions internes. Ce qui est tout aussi bien, parce que si toute chose était composée de parties réciproquement contradictoires alors chacune de ces parties serait composée de manière similaire et l’on serait face à une régression infinie. Maintenant, si tout ce qu’on peut dire est que certaines choses (ou certaines de leurs parties) sont contraires à d’autres sous certains aspects […], alors tout ce que nous pouvons conclure est que certains systèmes ont des composants ou des traits qui s’opposent l’un à l’autre sous certains aspects. C’est-à-dire que nous obtenons la thèse suivante d’une moindre portée : D2a. Certains systèmes ont des composants qui sont contraires les uns aux autres sous certains aspects. |
Casanova, G. (1947). Mathématiques et matérialisme dialectique. Paris: Éditions sociales. |
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Added by: Dominique Meeùs 2013-05-28 15:03:34 |
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Toutes les fois que la fraction a/b est plus petite que la fraction a′/b′, la soustraction a/b − a′/b′ est impossible, car il ne peut exister de fraction c/d qui, ajoutée à a′/b′, donnerait a/b comme somme. Ainsi, il est contradictoire de supposer la soustraction a/b − a′/b′ possible dans le domaine des nombres rationnels précédemment introduits. Deux attitudes sont alors concevables : ou bien se refuser à envisager l’opération de soustraction lorsque a/b est plus petit que a′/b′ ou bien considérer l’opération comme possible, poser la contradiction comme réellement existante et nier la notion précédente de rationnel en affirmant la présence de nouveau nombres dont nous ne savons jusqu’à présent rien d’autre si ce n’est le fait qu’ils ne peuvent coïncider avec les rationnels précédemment définis. La première attitude est une attitude statique, incapable de nous faire progresser. La seconde attitude seule va ouvrir une nouvelle route à la pensée mathématique. Après avoir nié la notion de nombre fractionnaire précédemment introduite — nombres que nous appellerons désormais positifs — les mathématiques nient cette négation en attribuant à ces nouveaux nombres — dits négatifs — les règles de calcul qui étaient la propriété des nombres positifs […] |
Haldane, J. B. S. (1946). La philosphie marxiste et les sciences É. Bottigelli, Trans. Paris: Éditions sociales. |
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Last edited by: Dominique Meeùs 2013-01-13 09:12:01 |
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À n’importe quelle étape du développement de la science, nous pouvons expliquer des contradictions qui embarrassaient nos ancêtres. Aujourd’hui, par exemple, au lieu de dire comme Platon qu’une table est à la fois dure et molle, nous pouvons vérifier par certaines mesures le degré de dureté du bois, sa résistance à la rupture, etc. Il y a un certain nombre de choses qui étaient paradoxales pour Platon et qui ne le sont plus pour nous. D’autre part, des contradictions nouvelles ont apparu de notre temps qui semblent nous embarrasser autant que les contradictions que nous trouvons futiles et qui embarrassaient Platon. Par exemple, les électrons semblent avoir en même temps des propriétés qui nous obligent à les considérer comme des particules, et d’autres propriétés qui ne s’expliquent que s’ils sont des systèmes ondulatoires. Dans deux mille ans d’ici, ces difficultés paraîtront certes très élémentaires, mais je pense que nos descendants rencontreront sans doute des contradictions inhérentes à la matière qu’ils trouveront très difficile de résoudre. |
De même, le calcul différentiel impliquait des notions contradictoires, par exemple, les nombres infinitésimaux. Au 19e siècle, deux cents ans après l’invention du calcul différentiel, des preuves tout à fait rigoureuses des théorèmes découverts par Newton et Leibniz furent enfin données. |
Jouary, J.-P., & Spire, A. (1983). Invitation à la philosophie marxiste. Paris: Messidor/Éditions sociales. |
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Added by: Dominique Meeùs 2009-12-20 17:58:44 |
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Si on jette un coup d’œil sur la réalité dans son ensemble, ce qui apparaît d’abord, c’est un enchevêtrement […] Il s’agit là de l’apparence de la dialectique, qui est l’interaction. […] Ce qui apparaît ensuite, c’est que […] « Tout se meut, change, devient et périt ». Autrement dit, l’évolution est un aspect moins superficiel de la dialectique. […] Il n’est pas faux de dire que la dialectique est une théorie de l’interaction et du développement. Mais il convient d’aller plus loin et de ne jamais perdre du vue que ça renvoie à l’étude de la contradiction dans l’essence même de la chose. […] Il s’agit d’un appel à analyser concrètement de quelle manière chaque chose est dans son essence contradictoire […] |
Lefebvre, H. (1962). Le matérialisme dialectique 5th ed. Paris: Presses universitaires de France. |
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Last edited by: Dominique Meeùs 2011-10-22 14:16:45 |
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Pas d’objet où l’on ne puisse trouver une contradiction, c’est-à-dire deux déterminations opposées et nécessaires, « un objet sans contradiction n’étant qu’une abstraction pure de l’entendement qui maintient avec une sorte de violence l’une des déterminations et dérobe à la conscience la détermination opposée qui contient la première… » (E., § 89.) |
La contradiction absolue serait le déchirement absolu, l’anéantissement immédiat. Une contradiction absolue dans une chose, ou bien entre la pensée et les choses, rendrait impossible toute activité immanente et toute pensée. La contradiction, comme le néant, est relative : à une affirmation, à un degré de l’être, à un moment du développement. Dans la nature, elle est extériorité ; dans la vie, rapport de l’individu à l’espèce, etc. Il n’est donc pas question pour Hegel de détruire le principe d’identité. Au contraire : toute contradiction est relative à une certaine identité. Réciproquement, l’unité est unité d’une contradiction. L’unité sans contenu, sans « moments » multiples et contradictoires, est vide. Mais la contradiction comme telle est intolérable ; l’unité dialectique n’est pas confusion des termes contradictoires comme tels, mais unité qui traverse la contradiction et se rétablit à un niveau supérieur. La contradiction est déchirement et destruction interne, arrachement de l’être à lui-même, fécondation à travers le devenir, l’anéantissement et la mort ; mais l’unité exprime et détermine l’apparition de l’être nouveau, le Troisième Terme. Jamais l’unité ne peut complètement rejeter hors d’elle la négation et le néant relatifs ; mais dans la mesure où elle lutte contre la contradiction et triomphe en surmontant les moments contradictoires, en les maintenant en soi, dans cette mesure naît un être nouveau plus élevé. Le principe d’identité devient ainsi concret et vivant. |
Tout mouvement est contradictoire cas sans contradiction immanente rien ne bouge. Le mouvement est lui-même une contradiction et la contradiction propulse le mouvement. |
Levins, R., & Lewontin, R. C. (1985). The dialectical biologist. Harvard: Harvard University Press. |
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Last edited by: Dominique Meeùs 2020-03-03 15:30:17 |
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A second consequence of the heterogeneity of all objects is that it directs us toward the explanation of change in terms of the opposing processes united within that object. Heterogeneity is not merely diversity: the parts or processes confront each other as opposites, conditional on the whole of which they are parts. For example, in the predator-prey system of lemmings and owls, the two species are opposite poles of the process, predation simultaneously determining the death rate of lemmings and the birth rate of owls. It is not that lemmings are the opposite of owls in some ontological sense, or that lemmings imply owls or couldn’t exist without owls. But within the context of this particular ecosystem, their interaction helps to drive the population dynamics, which shows a spectacular fluctuation of numbers. What characterizes the dialectical world, in all its aspects, as we have described it is that it is constantly in motion. Constants become variables, causes become effects, and systems develop, destroying the conditions that gave rise to them. Even elements that appear to be stable are in a dynamic equilibrium of forces that can suddenly become unbalanced, as when a dull gray lump of metal of a critical size becomes a fireball brighter than a thousand suns. Yet the motion is not unconstrained and uniform. Organisms develop and differentiate, then die and disintegrate. Species arise but inevitably become extinct. Even in the simple physical world we know of no uniform motion. Even the earth rotating on its axis has slowed down in geologic time. The development of systems through time, then, seems to be the consequence of opposing forces and opposing motions. This appearance of opposing forces has given rise to the most debated and difficult, yet the most central, concept in dialectical thought, the principle of contradiction. For some, contradiction is an epistemic principle only. It describes how we come to understand the world by a history of antithetical theories that, in contradiction to each other and in contradiction to observed phenomena, lead to a new view of nature. Kuhn’s (1962) theory of scientific revolution has some of this flavor of continual contradiction and resolution, giving way to new contradiction. For others, contradiction is not only epistemic but political as well, the contradiction between classes being the motive power of history. Thus contradiction becomes an ontological property at least of human social existence. For us, contradiction is not only epistemic and political, but ontological in the broadest sense. Contradictions between forces are everywhere in nature, not only in human social institutions. This tradition of dialectics goes back to Engels (1880) who wrote, in Dialectics of Nature, that “to me there could be no question of building the laws of dialectics of nature, but of discovering them in it and evolving them from it.” Engels’s understanding of the physical world was, of course, a nineteenth-century understanding, and much of what he wrote about it seems quaint. Moreover, dialecticians have repeatedly attempted to make the identification of contradictions in nature a central feature of science, as if all scientific problems are solved when the contradictions have been revealed. Yet neither Engels’ factual errors nor the rigidity of idealist dialectics changes the fact that opposing forces lie at the base of the evolving physical and biological world. Things change because of the actions of opposing forces on them, and things are the way they are because of the temporary balance of opposing forces. In the early days of biology an inertial view prevailed: nerve cells were at rest until stimulated by other nerve cells and ultimately by sensory excitation. Genes acted if the raw materials for their activity were present; otherwise they were quiescent. Gene frequencies in a population remained static in the absence of selection, mutation, random drift, or immigration. Nature was at equilibrium unless perturbed. Later it was recognized that nerve impulses act both to excite and to inhibit the firing of other nerves, so the state of a system depends on the network of opposing stimuli, and that network can generate spontaneous activity. Gene action is regulated by repressors, repressors of the repressors, and all sorts of active feedbacks in the cell. There are no genetic loci immune to mutation and random drift, and no populations are free of selection. The dialectical view insists that persistence and equilibrium are not the natural state of things but require explanation, which must be sought in the actions of the opposing forces. |
Madaule, J. (1953). La pensée historique de toynbee. In Le monde et l’Occident (pp. 9–65). Paris: Desclée De Brouwer. |
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Added by: Dominique Meeùs 2010-07-30 00:12:20 |
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Qu’est-ce à dire ? C’est qu’une Civilisation naît toutes les fois que les hommes se trouvent en présence d’un défi (challenge) et qu’ils le relèvent victorieusement. La Civilisation naît donc d’une contradiction surmontée. Cette contradiction peut venir de la nature ou des hommes, peu importe. Mais rien ne saurait en tenir lieu. Voilà une idée capitale, que l’on pourrait exprimer ainsi : au commencement de toute Civilisation est un effort victorieux. Du reste, cette loi s’applique aussi bien au développement des Civilisations qu’à leur naissance. |
Meulders, M. (2001). Helmholtz: Des lumières aux neurosciences. Paris: Éditions Odile Jacob. |
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Last edited by: Dominique Meeùs 2013-01-13 09:03:35 |
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Autre concept cher à Schelling : la polarité, qui est à la base du dynamisme créatif de la nature, car celui-ci est assuré par le conflit de deux forces antagonistes qui tendent à s’équilibrer sans jamais y parvenir, et dont l’aimant est l’exemple par excellence réalisé dans la nature. |
La démonstration expérimentale, par exemple, est devenue inutile. Il y a en effet une harmonie préétablie quasi leibnizienne entre la pensée et la nature, par l’identité entre l’une et l’autre, ce qui avait permis à Novalis de dire que « si la théorie devait attendre la confirmation de l’expérience, elle ne viendrait jamais à bonne fin ». La physique expérimentale ne pourrait donc jamais être qu’une juxtaposition de travaux analytiques et dispersés, sans lien possible avec l’évidente unité de la nature et l’insertion de l’homme dans l’univers. Seule compte une physique spéculative qui permette de penser et de justifier une nature préexistant à l’homme et de lui donner un sens, comme la vision dit le sens de l’œil. Pour Schelling : « Nous ne connaissons pas la Nature, mais la Nature est a priori » ; il en résulte que la science naturelle s’est muée en philosophie déductive et démonstrative. La Naturphilosophie se situe donc à un niveau supérieur du savoir, à un niveau d’intelligibilité différent de celui des sciences empiriques, qui sont en porte-à-faux sur un abîme insondable. Il n’est pas étonnant, dès lors, que le rejet de l’expérimentation en tant que démonstration s’accompagne de l’exclusion des mathématiques. Non seulement Goethe, mais même Schopenhauer pour qui « là où commence le calcul, la compréhension cesse », partagent l’avis de Schelling déniant aux mathématiques une « voix au chapitre de la physique supérieure ». Par contre, l’arithmosophie a droit de cité, car la plupart des Naturphilosophen recherchent partout les mêmes structures de nombres dans les cristaux, les constellations, la circulation du sang, les périodes de la vie humaine. Enfin, il faut rappeler l’importance en Naturphilosophie du concept d’organisme, que Leibniz avait développé dans sa Monadologie, en affirmant que la diversité des monades d’un animal donné n’empêche en rien l’une d’entre elles de devenir dominante et de devenir ainsi l’âme de l’animal. L’organisme est un modèle en acte de « l’identité dans la différence » ; pour Schelling, il doit y avoir un principe qui se reproduise dans chaque partie de l’ensemble comme « une unité organique des choses… c’est l’âme du monde qui est le principe unissant la nature en un vaste organisme ». |
Politzer, G., Besse, G., & Caveing, M. (1954). Principes fondamentaux de philosophie. Paris: Éditions sociales. |
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Last edited by: admin 2009-03-18 22:33:21 |
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[De l’eau] c’est la lutte des contraires qui explique sa transformation qualitative d’état liquide en état gazeux, d’état liquide en état solide. |
Le changement de lieu s’explique par la contradiction. Considérons un véhicule qui roule (ou un homme en marche). Il ne peut passer de A en B, puis de B en C, etc., qu’à la condition de « lutter » sans cesse contre la position qu’il occupe. Que cette lutte cesse, et la marche cesse. |
Quinn, H. (2009). What is science ? Physics Today, 8–9. |
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Added by: Dominique Meeùs 2010-11-06 08:22:05 |
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One key to progress in science is an eye for contradictions and an insistence that they be resolved. That can make scientists seem overly dogmatic or argumentative in the eyes of a nonscientist because it diverges strongly from usual human behavior. Of necessity, we all live lives full of contradictory elements, and we must often act without sufficient knowledge to draw logical conclusions or else become incapable of action. |
Science requires absolute honesty about acquired data and the intellectual honesty that insists on resolving logical contradictions. Scientists must be open to new ideas and ready to modify their opinions if and when contradictory evidence emerges. The key values of honesty and openness are essential for science to progress. Scientists are human: They jump to conclusions, they make mistakes in recording or analyzing data. Sometimes a scientist fakes data and commits scientific fraud. The principle of verification by independent replication of experimental results is an important part of science, because it can unmask such errors or fraud. |
Raymond, P. (1977). Matérialisme dialectique et logique. Paris: Librairie François Maspero. |
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Last edited by: Dominique Meeùs 2011-01-13 06:55:41 |
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L’originalité de la dialectique de Marx tient donc aux modifications qu’il imprime à la notion de contradiction dans la dialectique. Ces modifications ne sont pas seulement celles que nous venons d’évoquer : leur pluralité et leur jeu réciproque les unes sur les autres. Plus exactement, cette idée fondamentale doit être considérée sous plusieurs aspects. D’abord, les contradictions sont réelles et non langagières ou logiques, c’est-à-dire qu’elles doivent être clairement distinguées des négations que traitait Hegel, leurs rôles ne sont pas ceux d’une simple négation : elles ont des phases, depuis l’appel d’air de la contradiction précapitaliste entre la propriété manufacturière et la technique artisanale jusqu’aux crises du capitalisme moderne, c’est-à-dire que leurs termes ne sont pas le plus et le moins du même, mais des réalités différentes et liées. Ensuite, leur pluralité et la pluralité des rôles de leurs termes inégalement développés déterminent un aspect fondamental de la dialectique historique de Marx : l’enchevêtrement des luttes entre bourgeoisie montante, aristocratie décadente et prolétariat naissant évite les coupures radicales entre périodes (et l’appel de ce mécanisme à la volonté ou à la Providence), au profit d’une théorie des renversements de dominante dans les contradictions. |
Une dialectique fondée sur l’éternité du mouvement, au prix de la répétition. « Le mouvement est une contradiction », dit Engels (Anti-Dühring, chapitre 12). Mais de quel mouvement s’agit-il ? Tantôt Engels parle du mouvement mécanique : « Le simple changement mécanique de lieu […] ne peut s’accomplir que parce qu’à un seul et même moment un corps est à la fois dans un lieu et dans un autre lieu, en un seul et même lieu et non en lui » (Dialectique de la nature, « Les formes du mouvement de la matière ») (le mouvement mécanique est celui des « masses ») ; tantôt du mouvement physico-chimique (atomes et molécules) ; tantôt du mouvement organique, qui fait la synthèse des deux premiers et les rend « indissociables » : « Le mécanique y est causé directement par le physico-chimique […]. » Les divers mouvements sont associés « dialectiquement » : à chaque niveau les mouvements se convertissent les uns dans les autres et se transforment en mouvements de « qualité différente » par « accroissement quantitatif ». La dialectique consiste à suivre l’histoire de ces transformations : ce n’est pas tant le mouvement qui est dialectique que la persistance, la réciprocité et la transformation des mouvements. Ces mouvements, le mouvement de ces mouvements, que concernent-ils ? La confusion des exemples est là extrême : tantôt l’histoire d’une identité (une plante ou un animal), tantôt celle d’un changement d’identité (la nature, la Terre, une espèce, une société). Autrement dit, Engels gomme immédiatement l’écart entre Marx et Hegel : faut-il toujours une identité au changement ? La dialectique doit-elle être pronominale, aliénation et retrouvailles d’une identité ? Cette précipitation d’Engels est, très exactement exprimée par l’idée d’un mouvement des mouvements, d’une identité logique de la dialectique : c’est la série des trois lois de la dialectique. Fiction du 18e siècle présentée comme innovation logique à renfort de Hegel. Fiction qui implique quelques présupposés : — que la logique analytique classique est dépassée au profit d’une fluence synthétique. En fait, Engels confond plusieurs choses : l’identité d’un concept n’est pas celle d’un individu, mais d’un ensemble de différences et de similitudes, de répétitions et de transformations réglées, si bien que la transformation méthodique (et non historique) du concept est absurde ; l’identité d’un individu (d’un organisme par exemple) n’est pas celle d’une permanence ni d’un flux, mais d’une reproduction variable qui suppose à la fois une identité et les conditions extérieures de son exercice, si bien que la transformation est abstraite sans recours à une histoire sans identité, l’histoire d’une identité n’a même aucun sens ; un mécanisme technique implique des conditions extérieures pour une répétition, conditions qui, cette fois-ci, sont en outre celles de son identité elle-même et non seulement de sa persistance ou de son échec ; or une société n’est pas un mécanisme, économique par exemple, ni un mécanisme de mécanismes, mais l’ensemble ouvert des conditions de l’existence de mécanismes, d’identités ou de concepts. La dialectique historique entraîne donc a priori l’absence de lois logiques et non un autre type de logique : il n’y a pas de synthèse logique possible entre la logique, forcément analytique, et l’histoire ; — que les résultats obtenus par des savants grâce à des méthodes, de démonstration par exemple, pourraient recevoir une clarté supplémentaire d’une logique « dialectique » : en fait, ou bien il s’agit d’une histoire, et elle n’a rien à voir avec un processus démonstratif conscient (sinon réfléchi), elle n’éclaire donc que le changement de méthodes ; ou bien il s’agit d’une méthode, et elle ne peut venir après coup, comme le sentiment d’avoir « fait de la prose toute sa vie sans en avoir la moindre idée » à M. Jourdain (Anti-Dühring, « La dialectique »). Le chapitre d’Engels sur la démonstration mathématique, comme illustration de la dialectique, est ainsi le plus haut point de sa confusion ; — que les thèmes de l’éternel retour et de l’identité « qui contient en elle la différence » suffisent à entraîner une conception dialectique, alors qu’ils sont les bases mêmes de la philosophie antidialectique de Nietzsche à l’époque d’Engels (l’éternel retour est, chez celui-là, interprétable comme le refus de la conception métaphysique de l’identité : rien n’existe comme entité, mais comme éclatement et entrelacement d’un passé et d’un avenir, comme différence d’avec soi-même). |
Rose, S. (1994). La mémoire: Des molécules à l’esprit M. Blanc, Trans. Paris: Éditions du Seuil. |
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Added by: Dominique Meeùs 2013-10-13 22:16:16 |
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[…] il est important d’en finir avec ces vielles querelles sur l’inné et l’acquis. Pour comprendre le cerveau et le comportement, il faut rejeter cette dichotomie, et essayer, au contraire, d’interpréter la dialectique de la spécificité et de la plasticité. |
Thomson, G. (1973). Les premiers philosophes M. Charlot, Trans. Paris: Éditions sociales. |
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Added by: Dominique Meeùs 2010-02-07 21:37:31 |
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Comparons, avant de poursuivre, les contraires pythagoriciens avec le yin et le yang des Chinois (p. 70). Les deux théories ont en commun le point suivant : elles postulent toutes deux une série de couples, où à chaque fois, l’un des éléments est moralement supérieur à 1’autre ; en outre, elles s’accordent pour exclure, ou du moins pour rejeter à l’arrière-plan, une origine du monde dans le temps. Mais, quoique grosse d’idéalisme et de dualisme, la théorie chinoise reste moniste et matérialiste, le conflit des contraires étant réconcilié et contrôlé en la personne du roi. La théorie chinoise est donc moins avancée que celle des Pythagoriciens. C’est la conception d’une intelligentsia commerçante dans une société où le développement de la production marchande est bloqué par le despotisme oriental. |
Solon prétendait qu’en se tenant à mi-chemin entre les classes opposées et en imposant de la mesure à leurs ambitions, qui elles-mêmes sont illimitées, il avait réalisé la justice sociale. C’est la première fois qu’apparaît dans la pensée grecque l’idée de la « moyenne », ou « milieu », comme il faudrait plutôt l’appeler (meson). Mais la conception pythagoricienne est différente. Pour Solon, la moyenne c’était le point situé à mi-chemin des deux extrêmes, et il s’imposait de l’extérieur. Pour les Pythagoriciens, c’est une nouvelle unité qui naît du conflit même dont elle est négation. La signification de cette conception devient encore plus claire si nous examinons la terminologie qui l’exprime. Les Pythagoriciens décrivent l’accord en musique (harmonia) comme « une coordination des contraires, une unification du multiple, une réconciliation de ceux qui ne pensent pas pareillement (Philolaos, fragment P 10, édition Diels-Kranz) ». Les mots dicha phronéo, « être en désaccord » et symphronasis, « réconciliation » sont doriques et ont pour équivalents attiques stasis et homonoia, correspondant aux mots latins certamen et concordia. Tous ces mots ont pour origine des rapports sociaux : stasis signifie faction ou guerre civile (en latin : certamina ordinum); homonoia signifie paix civile ou concorde (en latin : concordia). Ainsi la concorde des Pythagoriciens reflète le point de vue de la nouvelle classe moyenne, intermédiaire entre l’aristocratie foncière et la paysannerie, et qui prétendait avoir résolu la lutte des classes par la démocratie. Si l’on désire une preuve supplémentaire, il n’est que d’opposer leur point de vue à celui de Théognis qui a été témoin dans sa cité natale de Mégare de l’arrivée au pouvoir des démocrates qu’il détestait […] […] Théognis n’était pas philosophe. Il ne fait que décrire, du point de vue de quelqu’un qui s’y oppose violemment, les transformations sociales de son temps. Et que voit-il ? Les contraires, esthloi et kakoi, qu’en tant qu’aristocrate il veut maintenir séparés, il les voit fusionner par l’effet de l’argent de la nouvelle classe moyenne. Cette interprétation est si évidente qu’on peut considérer qu’elle confirme l’idée que la doctrine en question remonte aux Pythagoriciens de Crotone. Une telle philosophie ne peut s’être constituée qu’à une époque d’ascension de la nouvelle classe moyenne. On peut tirer la même conclusion de l’œuvre d’Eschyle, qui meurt en 456 avant notre ère, à peu près au moment où l’Ordre Pythagoricien perd le pouvoir. Il est expressément dit par Cicéron, qui avait étudié à Athènes, qu’Eschyle était Pythagoricien (Les Tusculanes, livre 2 § 23). Et l’authenticité de cette tradition se trouve confirmée par l’étude de ses pièces. Il n’est pas nécessaire bien sûr de supposer qu’il fut membre de la Secte, bien qu’il se soit plusieurs fois rendu en Sicile et qu’il ait très bien pu y adhérer là. Mais sans aucun doute il en connaissait la philosophie pour laquelle, en tant que démocrate modéré, il éprouvait une sympathie naturelle. Ses premières pièces datent du début du 5e siècle, alors que Pythagore était peut-être encore en vie. Comme je l’ai montré dans mon livre Eschylus and Athens, le type de drame qu’il créa : la trilogie incarne, aussi bien par sa forme que par le contenu, l’idée de la fusion des contraires dans la moyenne. Le progrès de l’humanité, selon lui, avait été un combat entre des puissances opposées, par lequel l’homme était lentement passé de la barbarie à la civilisation — combat qui avait reçu de son vivant sa solution dans l’unité nouvelle que représentait l’Athènes démocratique, la plus brillante cité que le monde ait jamais contemplée. |