L’incorporation dans le monde romain de grands territoires continentaux (l’Espagne, la Gaule, l’Illyrie, les pays danubiens) renforça de façon décisive la signification du travail non libre pour la civilisation romaine. Le centre de gravité démographique de l’Empire se déplaça vers l’intérieur des terres. De ce fait, la civilisation antique tenta de changer de scène : de civilisation côtière, elle essaya de devenir une civilisation continentale. Elle s’étendit à un énorme espace économique, mais où, même après des siècles, elle ne put, de loin, assurer la circulation des biens et la satisfaction des besoins par une économie monétaire, à la manière de ce qui s’était fait sur les côtes de la Méditerranée. Si, ainsi qu’il a été dit, le commerce interrégional antique ne représentait, même sur les côtes, qu’une pellicule mince et qui allait s’amincissant, à plus forte raison les mailles du réseau commercial devaient-elles se relâcher substantiellement à l’intérieur des terres. Là, les progrès de la civilisation par voie de la division libre du travail grâce au développement d’un commerce intensif étaient, en l’état, une impossibilité absolue. Seule la montée d’une aristocratie foncière, assise sur la propriété des esclaves et la division non libre du travail dans le cadre de l’οἶκος, permettait une intégration progressive dans l’aire culturelle méditerranéenne. Bien plus encore que sur les côtes, le trafic continental infiniment plus coûteux dut se limiter d’abord exclusivement à satisfaire les besoins de luxe d’une couche supérieure propriétaire d’esclaves ; de même, seule une mince couche de grandes entreprises esclavagistes était en mesure de dégager un surplus commercialisable [Absatzproduktion]. Le propriétaire d’esclaves devint ainsi le support économique de la civilisation antique, et l’organisation du travail des esclaves constitua le fondement indispensable de la société romaine. |