The economic reform in the USSR has confirmed the essential role of commodity-monetary relations in the system of planned economic management. On this basis, a more detailed examination should be made of a number of questions of principle and methods concerning the most effective means of using commodity-monetary relations in our economic practice. The historically determined level of development of socialist production and of the social nature of labor gives rise to the necessity of comparing the labor of every worker and every collective against the results of their labor. The value form of such comparison is due to the fact that the socioeconomic heterogeneity of labor has still not been completely surmounted. There is complex and simple labor, mental and physical labor, skilled and unskilled labor. The expenditures of labor of individual workers and collectives of workers may be higher or lower than the socially necessary expenditures of labor on a given type of use value. Since the measure of labor must be controlled, when activity in the form of the product of labor is exchanged, the need arises to observe equivalence and to equate the products of labor. The products of labor can be compared and exchanged by equating them to a third, particular product of labor — to money, the universal commodity equivalent. Soviet scholars differ in their explanations of the reasons underlying the existence of commodity-monetary relations in socialist society. Thus, some of them claim that the basic reason is the social heterogeneity of labor, while others believe the cause to lie in the necessity for offering material incentives for labor. In our opinion, these viewpoints are not contradictory. Material work incentives are necessary since it is essential to compare the measure of consumption against the measure of labor, and this in turn is connected with the social heterogeneity of labor. Similarly, debates as to whether socialist production can or cannot be called “planned commodity production” or only “production in which commodity-monetary relations are used” seem relatively fruitless. Since the specific point at issue is the planned production of goods and services, it is clear that spontaneous, market-type commodity production is not involved. Planned patterns [planomernost] are evidence of the directly social nature of production. The economic relations of people are not concealed by an imaginary mask of relationships between things, and hence commodity fetishism is overcome. Exchange value does not play the role of universal or sole regulator of proportions in the distribution of social labor. Therefore, the commodity nature is not a constituent feature in socialist production, but it is nevertheless an integral feature together with other essential characteristics. Highly developed socialist production is based on the profound social and technological division of labor. Specialization and cooperation are a guarantee of the transition to the highest forms of automated production. The division of labor means the organization of production in the form of numerous branches and enterprises. Since the means of production are owned by all the people, production in the USSR is unified, and hence it would be inconceivable to manage the economy without a single nationwide plan. But at the same time, our production system is being divided up into a number of operationally autonomous enterprises. It is impossible to monitor and compare expenditures on production against the results of production solely by calculating the labor of each individual employed. The output of modern production is not only the fruit of the efforts of individual workers but, in larger measure, the result of the efforts of the collective worker. It is also necessary to use value levers and such a special economic category as cost-accounting in assessing, stimulating, and consciously managing enterprises in general. The exchange of activity between enterprises is now in the form of the movement of goods. |
Comme tous les habitants d’îles de corail, ils [ceux des îles Tobriand] passent une grande partie de leur temps sur la lagune centrale. Par une journée de temps calme, elle est sillonnée de canoës transportant gens ou marchandises, ou servant à l’un de leurs nombreux systèmes de pêche. Un coup d’œil superficiel sur ces occupations pourrait laisser une impression de désordre arbitraire, d’anarchie, d’absence totale de méthode et de système. Mais, si on se donne la peine d’observer longtemps et patiemment, on ne tarde pas à constater que non seulement les indigènes possèdent des systèmes techniques très précis pour la pêche du poisson et des organisations économiques complexes, mais aussi que leurs équipes d’ouvriers sont englobées dans une organisation assez stricte, avec une division précise des fonctions sociales.
C’est ainsi qu’on constate que chaque canoë a son propriétaire légal, tous les autres formant l’équipage. Tous ces hommes, qui font généralement partie du même sous-clan, sont liés les uns aux autres et à tous les autres habitants du village par des obligations réciproques : lorsque toute la communauté s’en va à la pêche, le propriétaire ne peut refuser son canoë. Il doit accompagner les gens lui-même ou envoyer quelqu’un d’autre à sa place. L’équipage est également lié envers lui par certaines obligations. Pour des raisons qu’on comprendra tout à l’heure, à chaque homme sont assignées sa place et sa tâche. Chaque homme reçoit, en récompense de ses services, sa part proportionnelle du produit de la pêche. C’est ainsi que le propriétaire et les usagers du canoë sont liés par des obligations et des devoirs réciproques qui les unissent en une véritable équipe de travailleurs.
Ce qui complique encore la situation, c’est que les propriétaires et les membres de l’équipage sont libres de déléguer leurs droits et obligations à des parents ou à des amis. Cela se fait souvent, mais toujours soit par considération, soit contre une rémunération. Un observateur qui n’est pas au courant de tous ces détails et qui ne suit pas les péripéties de chaque transaction croirait facilement se trouver en présence d’un système communiste : le canoë lui apparaitrait comme étant la propriété d’un groupe et comme pouvant être utilisé indistinctement par tous les membres de la communauté.
Le docteur Rivers raconte en effet que « le canoë est un des objets de la culture mélanésienne qui constitue généralement, sinon toujours, une propriété commune » ; et plus loin, développant cette affirmation, il ajoute qu’ « en ce qui concerne la propriété, les sentiments communistes sont très développés chez les peuples de la Mélanésie » (Social Organization, pp. 105 et 107). Dans un autre ouvrage, le même auteur parle du « comportement socialiste, voire communiste, de sociétés comme celles de la Mélanésie » (Psychology and Politics, pp. 86 et 87). Rien de plus erroné que les généralisations de ce genre. Il existe chez ces peuples une distinction et une définition nettes et précises des droits de chacun, ce qui a pour effet de donner à la propriété un caractère qui n’a rien de communiste. Il existe en Mélanésie un système de propriété composite et complexe, mais qui n’a rien à voir avec le « socialisme » ou le « communisme ». Le régime de la propriété en Mélanésie n’est pas plus communiste que celui d’une société anonyme moderne. D’une façon générale, toute description des sociétés primitives dans des termes tels que « communisme », « capitalisme », « société anonyme », empruntés aux conditions économiques de nos jours ou aux controverses politiques modernes, ne peut que créer des malentendus.
Le seul procédé correct consiste à décrire la situation juridique en termes de faits concrets. C’est ainsi que le droit de propriété sur un canoë de pêche aux îles Trobriand est défini par la manière dont l’objet est fabriqué, employé et considéré par le groupe d’hommes qui l’ont fabriqué et jouissent de sa possession. Le maître du canoë, qui est en même temps le chef de l’équipe et le magicien de la pêche, a pour premier devoir de construire à ses frais une embarcation neuve, lorsque la vieille est devenue hors d’usage, et de la maintenir en bon état, ce en quoi il est aidé par son équipage. En vertu d’obligations qu’ils contractent les uns envers les autres, chacun doit se présenter à son poste, de même que chaque canoë doit venir se mettre à la disposition de la communauté, lorsqu’elle organise une pêche communautaire.
Dans l’usage de l’embarcation, chaque co-propriétaire a droit à une certaine place, à laquelle sont associés certains privilèges, bénéfices et devoirs. À chacun sont assignées sa place et sa tâche, et à chacun est attaché un titre correspondant à l’une et à l’autre : « maître », « timonier », « surveillant des filets », « guetteur des poissons ». Sa position et son titre sont déterminés à la fois par son rang, son âge, son habileté personnelle. À chaque canoë, d’autre part, est assignée sa place dans la flottille et chacun a son rôle à jouer dans les manœuvres que comporte la pêche en commun. C’est ainsi qu’en examinant les choses de plus près, on en arrive à découvrir un système précis de division du travail et un système rigide d’obligations réciproques, qui implique, en même temps que le sentiment du devoir et la reconnaissance de la nécessité de la coopération, la recherche de l’intérêt personnel, de privilèges et de bénéfices. La propriété doit donc être définie, non dans des termes tels que « communisme », « individuafisme » ou par analogie avec le système des « sociétés anonymes » ou celui de l’ « entreprise personnelle », mais uniquement à la lumière des faits et des conditions concrets. C’est l’ensemble des devoirs, des privilèges et des réciprocités qui lie les co-propriétaires les uns aux autres et à l’objet.
C’est ainsi qu’à propos du premier objet qui ait attiré notre attention, le canoë indigène, nous constatons déjà l’existence d’une loi, d’un ordre, de privilèges définis et d’un système d’obligations bien développé. |
L’incorporation dans le monde romain de grands territoires continentaux (l’Espagne, la Gaule, l’Illyrie, les pays danubiens) renforça de façon décisive la signification du travail non libre pour la civilisation romaine. Le centre de gravité démographique de l’Empire se déplaça vers l’intérieur des terres. De ce fait, la civilisation antique tenta de changer de scène : de civilisation côtière, elle essaya de devenir une civilisation continentale. Elle s’étendit à un énorme espace économique, mais où, même après des siècles, elle ne put, de loin, assurer la circulation des biens et la satisfaction des besoins par une économie monétaire, à la manière de ce qui s’était fait sur les côtes de la Méditerranée. Si, ainsi qu’il a été dit, le commerce interrégional antique ne représentait, même sur les côtes, qu’une pellicule mince et qui allait s’amincissant, à plus forte raison les mailles du réseau commercial devaient-elles se relâcher substantiellement à l’intérieur des terres. Là, les progrès de la civilisation par voie de la division libre du travail grâce au développement d’un commerce intensif étaient, en l’état, une impossibilité absolue. Seule la montée d’une aristocratie foncière, assise sur la propriété des esclaves et la division non libre du travail dans le cadre de l’οἶκος, permettait une intégration progressive dans l’aire culturelle méditerranéenne. Bien plus encore que sur les côtes, le trafic continental infiniment plus coûteux dut se limiter d’abord exclusivement à satisfaire les besoins de luxe d’une couche supérieure propriétaire d’esclaves ; de même, seule une mince couche de grandes entreprises esclavagistes était en mesure de dégager un surplus commercialisable [Absatzproduktion]. Le propriétaire d’esclaves devint ainsi le support économique de la civilisation antique, et l’organisation du travail des esclaves constitua le fondement indispensable de la société romaine. |