Dominique Meeùs
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Récit de la grande expérience de l’équilibre des liqueurs

Vers octobre 1648.
Édition originale de 1648, Bibliothèque Nationale, 4o, V, 7749.

Récit de la grande expérience de l’équilibre des liqueurs
projectée par le sieur B. P.
pour l’accomplissement du traicté qu’il a promis dans son abbregé touchant le vuide.
et faite par le sieur F. P. en une des plus hautes montagnes d’Auvergne.

[…]

Au lecteur

Mon cher lecteur. Le consentement universel des peuples et la foule des Philosophes concourent à l’establissement de ce principe, que la Nature souffriroit plustost sa destruction propre, que le moindre espace Vuide. Quelques esprits des plus eslevez en ont pris un plus modéré : car encore qu’ils ayent creu que la Nature a de l’horreur pour le Vuide, ils ont neantmoins estimé que cette répugnance avoit des limites, et qu’elle pouvoit estre surmontée par quelque violence ; mais il ne s’est encore trouvé personne qui ayt avancé ce troisiesme : que la nature n’a aucune répugnance pour le vuide, qu’elle ne fait aucun effort pour l’éviter, et qu’elle l’admet sans peine et sans résistance. Les expériences que je vous ay données dans mon abrégé destruisent, à mon jugement, le premier de ces principes ; et je ne vois pas que le second puisse résister à celle que je vous donne maintenant ; de sorte que je ne fais plus de difficulté de prendre ce troisiesme, Que la Nature n’a aucune répugnance pour le Vuide ; qu’elle ne fait aucun effort pour l’éviter ; que tous les effets qu’on a attribuez à cette horreur procèdent de la pesanteur et pression de l’air ; qu’elle en est la seule et véritable cause, et que, manque de la connoistre, on avoit inventé exprés cette horreur imaginaire du Vuide, pour en rendre raison. Ce n’est pas en cette seule rencontre que, quand la foiblesse des hommes n’a pu trouver les véritables causes, leur subtilité en a substitué d’imaginaires, qu’ils ont exprimées par des noms spécieux qui remplissent les oreilles et non pas l’esprit, c’est ainsi que l’on dit, que la sympatie et antipatie des corps naturels sont les causes efficientes et invoquées de plusieurs effects, comme si des corps inanimez estoient capables de sympatie et antipatie ; il en est de mesme de l’antiperistase et de plusieurs autres causes Chimériques, qui n’apportent qu’un vain soulagement à l’avidité qu’ont les hommes de connoistre les veritez cachées, et qui, loing de les descouvrir, ne servent qu’à couvrir l’ignorance de ceux qui les inventent, et à nourrir celle de leurs sectateurs.

[…]

De Wikisource, http://fr.wikisource.org/wiki/Page:%C5%92uvres_de_Blaise_Pascal,_II.djvu/379, « Au lecteur », pages djvu/389 et suivantes.

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