Dans Piaget (Épistémologie génétique), il souligne comment ce sont les actions qui permettent à l’enfant de construire un objet. Il récuse donc l’idée de l’empirisme de réduire l’objet à un complexe de perceptions. Il faut encore que l’intelligence organise ces perceptions pour les identifier comme objet.
Voir aussi Cognitive Sciences.
Il me semble que Lénine en dit aussi quelque chose.
Relire Ayer à la lumière de ce qui précède.
Il existe une réalité en dehors de nous, indépendante de nous. / Il n’y a de réalité que notre esprit et son contenu.
Subsidiairement, le subjectivisme peut être plus ou moins radical : je suis le sujet unique (solipsisme) ou il y a plusieurs sujets. Il me semble que le seul subjectivisme cohérent est sa variante radicale, solipsiste. Mais ça, c’est parce que je suis moi-même matérialiste, je ne fais pas de différence radicale entre la matière et l’esprit, qui pour moi est un effet de la matière, donc il me semble que dans la logique de celui pour qui le monde extérieur n’existe pas, les autres sujets ne devraient pas exister non plus. Mais pour lui, s’il voit une différence essentielle entre les objets et les âmes (dualisme), il peut accepter l’existence objective de plusieurs sujets mais refuser l’existence de la matière.
S’il y a plusieurs sujets, c’est un subjectivisme objectiviste en ce que je, sujet, admet l’existence objective des autres sujets, subjectivisme objectiviste idéaliste si je n’admets l’existence objective que des autres sujets, pas du monde matériel. Berkeley, par exemple, n’est pas solipsiste. Il affirme en dehors de lui l’existence de Dieu et des autres. Pour lui le monde matériel n’existe pas en soi, en dehors de notre esprit, mais les autres existent, ainsi que Dieu. La vision de ce monde inexistant qu’ont les hommes différents est cohérente entre eux parce qu’elle leur est inspirée par ce dieu unique. Le monde matériel, qui n’existe pas en soi, existe d’abord dans l’esprit de Dieu. Il a donc un caractère objectif, il ne dépend pas de la subjectivité de chacun d’entre nous. C’est ainsi que c’est idéalisme radical (il n’existe pas de monde matériel) se concilie avec le sens commun de l’existence objective d’une monde matériel en soi.
Je ne me rappelle plus comment Ayer prétend résoudre ce problème dans Langage, vérité et logique.
Le monde de la pensée, des idées, est indépendant de la matière. Il y a deux mondes distincts, celui de la matière et celui de l’esprit.
Cela suppose la reconnaissance d’un monde matériel.
Les matérialistes considèrent qu’il n’y a de monde que matériel et d’idée que dans le fonctionnement de notre cerveau matériel. Les idées ne sont que des phénomènes électrochimiques qui ont leur siège dans notre cerveau. Évidemment, cela leur donne une réalité en tant qu’idées, en particulier une réalité sociale. Il est légitime de traiter des idées en tant que telles, de leur contenu, en d’autres termes qu’électrochimiques.
Werner Heisenberg (page 20) semble dire que certains aspects de la nature échappent définitivement à notre connaissance, que nous ne pouvons en avoir, nécessairement, qu’une connaissance incomplète.
La position (Schlick, Waismann) qu’une proposition n’a de sens que si elle est vérifiable est intenable. En effet la vérification des propositions générales dépasse nos possibilités parce qu’elle suppose un nombre de vérifications fini trop grand ou infini.
Popper propose la falsifiabilité. Une proposition générale a un sens si elle est susceptible d’être rendue fausse par un contre-exemple. La proposition
(1) "x, p(x)
a un sens si la proposition
(2) $x, ~p(x)
est vérifiable, ce qui veut dire que nous serons en mesure de reconnaître que
(3) ~p(a)
si nous trouvons un tel a.
Ayer trouve ce point de vue également intenable parce que si nous constatons que
(3) ~p(a),
nous ne pouvons pas savoir si ce n’est pas l’effet d’une influence extérieure exceptionnelle, qui ne fait pas partie de la définition de p(), qui nous a échappé.
Il y a une loi qui dit (exemple personnel) :
(4) toute allumette frottée sur le côté rugueux de la boîte s’allume.
Si je tombe sur une allumette a qui ne s’allume pas, c’est peut-être que l’allumette a est humide, ou la boîte b, ou que le côté rugueux de la boîte b est trop usé, ou une autre exception à laquelle nous ne pensons pas. En effet la loi ci-dessus était formulée de manière approximative : la loi qui était visée est évidemment :
(4 bis) toute allumette non humide frottée sur le côté rugueux pas trop usé et non humide de la boîte s’allume.
L’allumette a ne falsifie pas cette loi . Pour Ayer, beaucoup de lois sont de ce genre et beaucoup de falsifications présentent ce genre de difficultés (il ne s’agit pas seulement de logique pure, ce qui rend le critère de falsification inopérant.
Pour Ayer, nous procédons à une induction qui nous donne une certitude raisonnable (vérité probable) sur la base d’un nombre raisonnable de vérifications. C’est ce qu’il appelle vérifiabilité faible. Il dit qu’une proposition a un sens quand elle est susceptible de vérifiabilité faible.
Sokal et Bricmont reprennent la même idée (pp. 63-67) avec l’exemple de Mercure (pp. 66-67).
Saussure veut une homogénéité des objets considérés par la linguistique. Donc signifiant et signifié sont l’un et l’autre mentaux. Le signe met en relation [l’idée d’un] mot et une idée. De même pour Althusser, la science ne travaille pas sur le réel. Bien sûr, c’est la connaissance du monde réel qui est visée. Mais la science utilise comme matière première des idées, des représentations du réel. Une matière première est toujours le résultat d’un travail à partir de la matière brute. Dans le cas de la science, si la matière brute peut être une partie du monde réel, la matière première est déjà le fruit d’une transformation. De même que l’artiste peintre ne reproduit pas le réel dans son tableau mais crée en s’inspirant du réel, la matière première du scientifique est une construction de l’esprit et non le réel lui-même.
Il n’y a donc pas abstraction de quelque chose qui se trouverait dans la réalité et que l’on pourrait en abstraire. Le travail scientifique se fait dans l’abstrait, à part du monde réel. Mais l’articulation des divers abstraits de pensée peut conduire à la production d’un concret de pensée qui donne une connaissance du monde réel.
Les empiristes cherchent les conditions de vérité des propositions dans leur référent. La proposition p est vraie si elle décrit un état de chose qui a réellement lieu. Il cherchent à établir la science sur cette base. Sont vraies, les propositions qui décrivent des états de choses réels et les propositions que l’on peut en déduire analytiquement.
En fait les théories ne sont pas qu’un réceptacle de propositions vraies chacune pour elle-même mais un ensemble cohérent qui satisfait au critère de la pratique. Une théorie est plus ou moins bonne de ce point de vue. Il est difficile de dire qu’elle est vraie ou que chacune des ses propositions le sont.
La proposition d’Aristote :
(1) Le corps en mouvement s’arrête quand la force qui le pousse ne peut plus agir de
façon à le pousser.
a été remplacée par celle de Galilée et de Newton :
(2) Tout corps persévère dans son état de repos ou de mouvement uniforme en ligne
droite, à moins qu’il ne soit déterminé à changer de cet état par des forces agissant
sur lui.
Il est difficile de dire que la proposition (2) est vraie ou fausse, parce qu’il est
très improbable que " mouvement uniforme en ligne droite " ait un référent, donc que le
premier membre de la phrase corresponde à un état de choses. En effet il s’agit d’une
abstraction, d’une idéalisation (EINSTEIN & INFELD 1974).