Guillaume d’Ockham, 1290-1349, Venerabilis inceptor

Né à Ockham dans le Surrey. Franciscain. Études à Oxford de 1312 à 1318. Y enseigne de 1318 à 1320. Appelé à Avignon pour répondre d’hérésie devant la Curie, il s’oppose à Jean XXII sur la question du pouvoir temporel. Se réfugie auprès de l’empereur Louis de Bavière à Pise en 1328 puis à Munich en 1330 d’où il continue à attaquer le pape.

Pour Ockham, on ne démontre une proposition qu’en montrant qu’elle est immédiatement évidente ou qu’elle découle nécessairement d’une telle proposition. C’est un grand changement parce que la raison ne connaît que le nécessaire tandis que l’intuition peut porter sur le contingent. La connaissance abstraite n’assure pas l’existence. La connaissance intuitive est la base de la connaissance expérimentale.

Il utilise radicalement le principe aristotélicien de l’économie de pensée, au besoin contre Aristote lui-même. Il combat la débauche ontologique (la barbe de Platon) par ce qu’on a appelé le rasoir d’Ockham. Entia non sunt multiplicanda præter necessitatem.

On reconnaît la cause d’un phénomène en éliminant les autres causes possibles en sorte qu’avec cette seule cause l’effet se produit tandis qu’autrement il ne se produit pas. Il s’agit donc d’expérimenter par l’absence et la présence.

Le thomisme porte sur le général et ne porterait sur rien s’il ne lui reconnaissait un caractère de réalité. Pour Ockham, il n’y a de réel que le particulier et ses propriétés. L’universel n’est que dans notre âme. Omnis res positiva extra animam eo ipso est singularis. (C’est en fait déjà peut-être la distinction d’Aristote entre substances premières (individus) et substances secondes.) Donner une réalité à un universel conduit à une contradiction : s’il est réel, il est un et ne peut couvrir une pluralité de choses ; s’il est pluriel, il n’est pas un. Il critique le réalisme de Duns Scot. Il ne peut y avoir d’unité que d’individu, pas de groupe et ce qui n’a pas d’unité ne peut avoir de réalité.

La science n’est faite que de propositions qui enferment des termes universels. Dans une proposition, un terme universel tient lieu (supponit pro) de quelque chose, dans trois fonctions, positions ou suppositio différentes : le mot peut se désigner lui-même, suppositio materialis que l’on matérialise parfois par des guillemets (« homme » est un mot de cinq lettres) ; il peut désigner un individu, suppositio personalis (cet homme court) ; il peut fonctionner vraiment comme universel, suppositio simplex (l’homme est une espèce). Les réalistes comme Platon affirment l’existence de réalités universelles ce qui en fait, contradictoirement, des choses singulières. D’autres affirment bien que l’universel n’existe que dans la pensée mais s’efforcent ensuite de le retrouver dans le réel. Contre les eccéités de Duns Scot, il affirme :

Contre le nécessitarisme des Grecs et des Arabes, il défend un contingentisme radical.

Des philosophes introduisent les espèces ou autres concepts comme intermédiaires dans la connaissance entre l’intellect et la chose connue. Nous ne pourrions connaître les choses qu’à travers les concepts. Mais quels sont les principes ockhamiens ? Chercher les causes : la chose connue est une cause suffisante de la connaissance, il n’en faut pas d’autre. Se fonder sur la connaissance expérimentale : si une chose est blanche, ça se voit ; par contre nous n’avons jamais vu la blancheur en tant qu’espèce. Le fait contingent de la ressemblance entre certaines choses particulières est la cause, occulte, de l’apparition dans notre âme de notions universelles : natura occulte operatur in universalibus.

Ockham met d’ailleurs en doute que nous soyons doués d’une âme substantielle et immatérielle qui serait la forme de notre corps. Nous avons connaissance de notre capacité à connaître et à sentir des émotions. L’intuition ne nous apprend rien sur une substance immatérielle qui effectuerait l’opération de connaissance. L’existence d’une âme immortelle ne peut être que de l’ordre de la foi.

Cet empirisme n’apporte aucune réponse en théologie. Celle-ci doit donc être fondée sur la foi appuyée par la révélation. Ockham affirme l’indépendance du philosophe et du théologien l’un par rapport à l’autre.

En physique, Ockham trouve qu’il ne faut pas chercher dans le mouvement autre chose que le mouvement lui-même. Selon Aristote, un mobile suppose un moteur distinct de lui-même : sa forme dans le cas d’un mouvement naturel (la pesanteur des objets pesants), un moteur efficient dans le cas d’un mouvement violent. Ce dernier cas fait difficulté parce que la pierre continuer à voler lorsqu’elle a quitté la main qui l’a lancée. Il suppose que la main a également mis l’air en mouvement et que celui-ci poussant l’air devant lui, de proche en proche, entretient le mouvement du caillou. Ockham récuse cette explication. Pour lui, il ne fait pas chercher plus loin que dans le mouvement lui-même : un mobile se meut parce qu’il est en mouvement. Il y a là un pressentiment de la notion d’inertie qui sera développée par Buridan.