Dominique Meeùs
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philosophie
Louis de Broglie (1892-1987)
[─] « Pour la plupart des théoriciens actuels, l’onde (ou du moins ce qu’il en reste dans leurs conceptions) est presque toujours considérée comme une onde plane monochromatique ayant une fréquence bien déterminée, ce qui permet d’attribuer à la particule (ou du moins ce qu’il en reste dans cette manière de voir) une énergie bien déterminée par la relation du quantum W = hν. Or, il ne me paraît pas douteux que dans une théorie des ondes physiquement exacte, l’onde plane monochromatique n’existe jamais car elle aurait une durée dans le temps et une extension dans l’espace toutes deux infinies, ce qui n’est pas concevable. En réalité, nous avons toujours affaire à des trains d’ondes dont l’émission a un commencement et une fin et nous avons très bien qu’un tel train d’ondes a une largeur spectrale δν approximativement égale à sa durée d’émission τ de sorte qu’il n’est jamais strictement monochromatique.
« La considération exclusive des ondes monochromatiques conduit à une autre conception qui me paraît erronée. Si l’on considère une grandeur qui peut être représentée à la manière de Fourier, par une superposition de composantes monochromatiques, c’est la superposition qui a un sens physique, et non pas les composantes de Fourier considérées isolément. Si, par exemple, nous avons affaire à une corde vibrante dont le mouvement peut être représenté par une série d’harmoniques, la cinématographie de ce mouvement nous montrera qu’à chaque instant la corde a une forme très compliquée, variant sans cesse au cours du temps suivant une loi complexe. Rien dans ce mouvement ne permet de distinguer les différentes composantes monochromatiques : ces composantes n’existent que dans l’esprit des théoriciens qui cherchent à faire une analyse abstraite de ce mouvement et elles ne prendraient une existence physique que si l’on parvenait à les isoler par une opération qui, évidemment, romprait la superposition. D’ailleurs toute la théorie des interférences serait inexacte s’il n’en était pas ainsi. L’idée que les composantes monochromatiques ont une existence réelle dans le processus physique qui résulte de leur superposition me paraît être une idée fausse qui vicie une partie des raisonnements théoriques qui sont actuellement usuels en Physique Quantique. » (« Les idées qui me guident dans mes recherches », Certitudes et incertitudes de la science, Albin Michel, Paris, 1966, p. 61, cité par Marie-Antoinette Tonnelat dans Louis de Broglie, Savants du monde entier 33, Éditions Seghers, Paris, 1966, p. 67-68.)
« L’avenir, un avenir que je ne verrai sans doute pas, tranchera peut-être la question : il dira si mon point de vue actuel est l’erreur d’un homme déjà assez âgé qui reste attaché aux idées de sa jeunesse ou, au contraire, s’il traduit la clairvoyance d’un chercheur qui a réfléchi pendant toute sa vie sur le problème le plus fondamental de la physique contemporaine. » (« Mon anxiété devant le problème des quantas », Certitudes et incertitudes de la science, Albin Michel, Paris, 1966, cité par Marie-Antoinette Tonnelat dans Louis de Broglie, Savants du monde entier 33, Éditions Seghers, Paris, 1966, p. 73.)
À un homme d’Église qui s’inquiétait que la recherche du déterminisme en physique revienne à nier le libre arbitre : « Oh, monsieur, en ce qui me concerne, je ne m’occupe que des électrons ! » (Cité par Marie-Antoinette Tonnelat dans Louis de Broglie, Savants du monde entier 33, Éditions Seghers, Paris, 1966, p. 77.)
« Dans mes recherches, je ne veux pas me soumettre à un système philosophique préconçshutu, par exemple admettre a priori que l’influence de certains systèmes philosophiques est universelle, car je ne me sens pas qualifié pour émettre une opinion aussi absolue. Je pense d’ailleurs que l’influence de certains systèmes philosophiques tels que le positivisme oul’idéalisme a été assez néfaste dans le développement contemporain de la Physique Quantique. Cependant, j’ai la conviction profonde qu’il existe une réalité physique extérieure à nous, qui est indépendante de notre pensée et de nos moyens imparfaits de la connaître, sans laquelle l’unité des connaissances humaines, l’accord de tous les hommes sur la constatation des faits seraient incompréhensibles. Je crois aussi à la nécessité de faire reposer nos théories de phénomènes physiques sur des conceptions claires et sur des images précises de leur évolution dans l’espace et dans le temps (ou, plus exactement, dans l’espace-temps, l’exactitude des conceptions relativistes ne me paraissant pas devoir être mise en doute). » (« Les idées qui me guident dans mes recherches », Certitudes et incertitudes de la science, Albin Michel, Paris, 1966, p. 44, cité par Marie-Antoinette Tonnelat dans Louis de Broglie, Savants du monde entier 33, Éditions Seghers, Paris, 1966, p. 77-79.)