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Les origines de la civilisation
D’une branche commune de l’évolution animale, se détachent d’un côté la branche qui conduira aux gorilles actuels, de l’autre celle qui donnera les chimpanzés actuels et différentes espèces de type plus ou moins humain conduisant à l’homme actuel. Les différentes espèces du groupe humain se distinguent de leurs cousins singes et d’autres espèces relativement intelligentes (comme les dauphins) par une intelligence plus grande et qui va en croissant, mais dans l’ordre de l’évolution, c’est probablement la station debout qui est première. Marchant debout, ils diposent de leur mains pour travailler. Dans une espèce qui a déjà les mains libres pour fabriquer des outils et les utiliser, l’intelligence devient un avantage sélectif plus important (Stephen J. Gould, Ever since Darwin, reflexions in natural history, Norton and Cy, New York, 1977, Darwin et les grandes énigmes de la vie, Pygmalion/Gérard Watelet, Paris, 1979, p. 185 et suivantes). Gould cite p. 188 Engels (1876, Le rôle du travail dans la transformation du singe en homme) qui a insisté sur la relation travail intelligence. Le genre Australopithèque remonte à 5 millions d’années. Le genre Homo remonte à 3 millions d’années. Il est possible que certains Australopithèques tardifs aient produit eux aussi des pierres taillées, mais c’est assez contesté.
À certaines espèces du genre Homo, l’évolution a donné aussi des cordes vocales appropriées. Avec à la fois intelligence et cordes vocales, les pensées produites par les cerveaux individuels peuvent être partagées. Les gestes communs de la culture peuvent être commentés et renforcés par la parole. Le progrès a été assez lent pendant des centaines de milliers d’années où la technique se limitait à la taille de la pierre. On voit cependant apparaître des rites funéraires (cent mille ans) et certains groupes ont laissé des œuvres d’art célèbres. Vers la fin de cette période, avec la disparition de l’homme dit de Néanderthal il y a trente mille ans, des diverses espèces d’hominidés il n’en restait plus qu’une: la nôtre (espèce dite homo sapiens) qui, venant d’Afrique, s’était répandue sur toute la terre.
Pendant ces millions d’années, la nourriture est chassée ou cueuillie, pas produite. La seule production est celle de silex taillés comme outils. La première grande révolution de l’histoire de l’humanité, dite révolution néolithique, est celle de la production de nourriture par l’élevage et l’agriculture il y a environ huit mille ans. La population se sédentarise et, disposant de plus de nourriture, augmente en nombre. Les techniques apparaissent et se perfectionnent en quelques milliers d’années: construction de maisons et de villages, roue, poterie, tour de potier, construction navale, métallurgie.
Au début, tout le groupe se consacre à la production agricole et certains exercent en plus les différentes techniques. Le développement de la technique demande une spécialisation en métiers. Le développement de la productivité agricole permet de nourrir des gens qui font autre chose (ainsi que des gens qui ne font rien). La division technique du travail s’accompagne d’une division sociale (qui régule la division technique), apparemment sur base religieuse au début (temples et prêtres). Sur cette époque, on n’a de renseignements qu’archéologiques et je ne sais pas si on peut dire s’il y avait on non déjà des esclaves pour contribuer à la richesse à ce stade.
Certains villages sont devenus des villes et ces villes politiquement des États. C’est la deuxième révolution de l’histoire de l’humanité, la révolution urbaine. Elle n’a pas lieu partout au même moment. Dans les États d’une certaine importance, l’État (les temples) stocke des richesses. On a inventé l’écriture des nombres pour faire des inventaires et des comptes. En regard du nombre, un croquis schématique indiquait de quoi il s’agissait. Ces signes sont devenus conventionnels pour que tous les intéressés puissent les comprendre. Devenus conventionnels, ils avaient moins besoin d’être réalistes. Ils ont ensuite servi à représenter plutôt des sons (syllabes, puis lettres) que des choses. Une écriture conventionnelle permet d’écrire aussi des concepts abstraits, pas seulement les objets stockés dans les magasins. Une écriture qui représente des sons peut servir à écrire une langue étrangère. (À cet époque, il y a déjà un commerce international d’une certaine importance.) Par la suite, on verra apparaître des écrits non comptables, comme le nom de dirigeants sur des poteries, la mention de batailles ou d’autres événements importants, puis même l’histoire de ces événements, des écrits mathématiques et scientifiques, calendriers, puis finalement de la littérature pour le plaisir comme la poésie.
Dans la vallée du Nil et dans la Mésopotamie, littéralement l’entre deux fleuves, la zone comprise entre le Tigre et l’Euphrate, les conditions climatiques et l’eau permettent une richesse plus grande encore à condition de gérér l’irrigation ce qui suppose un État fort sur une zone étendue. C’est ce qui s’est passé dans les deux régions il y a environ cinq mille ans et ça a duré près de trois mille ans. (On parle moins en Europe de la vallée de l’Indus qui a eu une évolution semblable.) Des deux régions, l’Égypte des pharaons est la plus connue. Ces deux États avaient des conditions naturelles privilégiées et une organisation qui favorisaient la production de nourriture, donc la possibilité d’avoir des princes, des religieux, des scribes, des militaires, des métiers techniques, des ouvriers. Mais ils avaient peu de ressources minérales et peu de bois. Il ont donc eu un commerce international important qui a développé les relations internationales entre tous les autres États impliqués dans ce mouvement. La richesse permet — et la gestion des eaux dans un État de grande dimension impose — un pouvoir fort. La différenciation sociale était très grande. Les pharaons et les notables étaient extrèmement riches. Les scribes étaient les seuls travailleurs ayant une vie relativement aisée (tous les parents en rêvaient pour leurs enfants) et les autres travailleurs étaient des serfs misérables. À côté des Égyptiens riches et (très) pauvres, il y avait aussi des esclaves.
La Grèce est constituée de petites vallées où de grands États totalitaires comme ceux d’Égypte et de Mésopotamie ne sont ni possibles ni utiles. (Il y a eu au deuxième millénaire avant notre ère une civilisation des palais en Crète qui a disparu et que l’on connaît mal.) Au premier millénaire avant notre ère, les Grecs étaient propriétaires de leurs terres et leurs villes-État étaient un peu des clubs de propriétaires, dirigés par les plus riches. Ils se sont vite débarassés de leurs rois et la principale lutte de classe était entre gros, moyens et petits propriétaires pour un État plutôt aristocratique dirigé seulement par les plus riches, ou plus démocratique donnant un pouvoir de décision aux propriétaires moyens ou même petits. Dans cette lutte, lorsque les plus petits propriétaires n’arrivaient pas à arracher aux aristocrates des droits démocratiques, ils soutenaient un aventurier qui s’installait comme tyran en faveur des petits. Les aristocrates protestaient alors que c’était contraire aux principes démocratiques et une forme de régression à la royauté détestée. Dans les périodes de tyrannie populaire ou de démocratie, l’aristocratie apparaît comme un danger parce que complotant (éventuellement en s’appuyant sur des puissances étrangères) pour rétablir son oligarchie.
La politique romaine sera du même type. L’aristocratie (le Sénat) était républicaine mais pour une démocratie la plus limitée possible (oligarchie). Chaque fois qu’un homme politique s’appuyait sur le peuple, on l’accusait de rêver de devenir roi et on combattait le défenseur du peuple au nom des idéaux de la république. César est arrivé a réunir (légalement) dans ses mains un pouvoir à certains moments assez grand et ce pouvoir était assez favorable au peuple. C’est l’aristocratie dite républicaine qui a fait assassiner César et les assassins n’ont pas été inquiétés. (On craignait que Jules César ne devienne roi, mais ses successeurs sont devenus empereurs et ont repris dans ce sens le nom de César qui, lui, ne l’a jamais été.)
Cette situation économique et politique est très importante sur le plan militaire. Le service militaire obligatoire en temps de guerre est considéré comme naturel. Les propriétaires riches ou moins riches défendent leur propre terre petite ou grande contre l’ennemi étranger qui veut la voler ou au moins voler les récoltes et le bétail. La désagrégation de cette structure sociale dans l’empire romain a miné sa puissance militaire et l’a conduit au déclin.
Dans leurs vallées trop petites, les Grecs se tournaient vers la mer. Ils ont participé de manière importante au commerce international de l’époque. Certains citoyens ont dû tirer plus de richesse du commerce et de la navigation que de la terre, c’est à dire qu’il y avait des fortunes plus "bourgeoises" à côté de l’aristocratie basée sur la propriété terrienne. Les Grecs ont créé des colonies de la Sicile à l’Anatolie turque actuelle. Dans les colonies, l’esprit de club de propriétaires devait être plus ouvert et moins aristocratique (comme dans les colonies d’Amérique du Nord qui ont créé les États-Unis). À Athènes, un homme politique, Solon, a proposé une réforme où le pouvoir de décision dans le "club" ne venait pas seulement de la quantité de terre mais, dans une certaine mesure, aussi des autres richesses. Dans les colonies, le prestige traditionnel de l’aristocratie devait être moins grand et il n’était pas déshonorant d’être à la fois aristocrate (d’une vielle famille de grands propriétaires terriens) et bourgeois (à la tête de grosses affaires de commerce et de navigation). Sappho la poétesse (née vers 630? septième et sixième siècles avant notre ère) est certainement de la plus haute aristocratie de l’île de Lesbos parce que sa famille a été inquiétée à cause de cela (voir plus haut, sur les complots aristocratiques). Ils ont été tous exilés pendant un certain temps au début du sixième siècle. Cependant un de ses frères faisait fortune dans le commerce. Le premier homme qualifié de philosophe de toute l’histoire de l’humanité, Thalès (un peu plus jeune que Sappho, né vers 625? fin septième, sixième siècle), semble avoir été commerçant. Il était citoyen de la ville de Milet, colonie grecque, en Ionie, maintenant Anatolie.
Pourquoi l’importance des Grecs dans le développement de la culture européenne et donc mondiale? On peut penser que les deux grands empires, Mésopotamie et Égypte étaient trop totalitaires. La richesse et l’organisation permettait un certain développement des techniques mais la culture était limitée à la religion d’État et une pensée indépendante était interdite. On pourrait probablement étendre ça à tous les empires, donc aussi à l’Asie. La liberté de pensée serait donc impossible dans les États forts et riches et possible dans les États plus pauvres, plus faibles et donc plus ouverts, individualistes et démocratiques. De nouveau pourquoi les Grecs? La Terre ne manquait pas de pauvres et d’États pauvres et faibles. On peut penser que leurs qualités de marins et leur position stratégique en Méditerranée faisait qu’ils n’étaient pas non plus trop pauvres pour penser et que le commerce international développait leurs idées et leurs connaissances sur le monde. Les Grecs du premier millénaire avant notre ère auraient donc bénéficié d’une conjonction unique pour leur époque de facteurs comme une aisance relative dans la liberté politique, la propriété privée et les contacts avec le reste du monde.
L’esclavage s’est développé en Grèce et les gens les plus riches sont devenus beaucoup plus riches. À Athènes au cinquième siècle, l’aristocratie terrienne traditionnelle est devenue tellement riche qu’elle avait le plus total mépris pour le travail et les affaires. Une situtation comme celle du frère de Sappho aurait été impossible à l’époque. Les aristocrates profitaient de leurs revenus en faisant la fête ou en philosophant avec Socrate (cinquième, quatrième siècle) et Platon (quatrième siècle), philosophes des oisifs. Le commerce et la production non agricole étaient aux mains de métèques, étrangers régulièrement établis à Athènes mais pas citoyens.