Dominique Meeùs
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— au dossier marxisme
Différents facteurs sont à la base de cette nouvelle poussée de l’internationalisation
1o D’abord, les rapports de force ont changé au niveau mondial. (Voir aussi le paragraphe 114.) La période de la suprématie incontestée des États-Unis est terminée. Sur le plan économique et financier, le Japon et l’Europe talonnent et dépassent régulièrement les États-Unis. Du plus grand exportateur de capitaux, les États-Unis sont devenus le plus grand importateur au niveau mondial, et du plus grand créancier, ils sont devenus le plus grand débiteur.
Face au déficit commercial des États-Unis (qui a déjà dépassé les 150 milliards de dollars par an), le Japon et l’Allemagne réalisent un excédent commercial. Au niveau technologique, les États-Unis ont dû céder l’important avantage qu’ils détenaient dans beaucoup de domaines. Et dans la foulée de leurs succès commerciaux, les Japonais ont également accru énormément leurs investissements aux États-Unis et en Europe. Partout dans le monde, les monopoles américains sont confrontés à des rivaux de force égale, ce qui intensifie la lutte mondiale sur les marchés de la « triade » Europe-Japon-États-Unis.
La lutte entre ces puissances est encore aiguisée par des développements objectifs qui ébranlent profondément le processus d’accumulation capitaliste : la crise et l’explosion des forces de production. Le rapport entre crise, nouvelle technologie et internationalisation peut être résumé comme suit.
2o La crise conduit au renforcement de la concurrence sur les marchés suite à la surproduction et à la forte surcapacité du parc des machines. Une expansion géographique des marchés était exclue jusqu’il y a peu. (Avant l’effondrement des régimes en Europe de l’Est.) Le monde entier était partagé en zones d’influence, et les pays du tiers monde n’offraient aucune perspective pour l’ouverture de « nouveaux » marchés. Malgré l’existence de zones locales de croissance, le pouvoir d’achat du tiers monde dans sa globalité a été fortement ébranlé par la crise, les mesures protectionnistes des pays riches, l’effondrement des prix des matières premières et l’hémorragie provoquée par la dette extérieure.
Dans cette situation, la concurrence entre les monopoles revêt une forme particulière : la conquête de nouveaux marchés n’est possible qu’au détriment de la concurrence. Dans la lutte des monopoles pour conquérir leurs marchés réciproques, le fait d’être présent sur le terrain, d’y disposer d’entreprises et de réseaux de distribution est une question vitale, tout comme la réduction du coût de production, par le choix des endroits de production les plus avantageux, par l’accroissement de l’échelle de production et par le développement des systèmes de sous-traitance. (Parfois à l’échelle mondiale.) Aujourd’hui, nous sommes en présence d’une « concurrence mondiale », d’un « marché mondial » et d’une « production globale ».
3o La nouvelle technologie favorise l’internationalisation de deux manières.
* D’abord la technologie crée de nouvelles possibilités, supprime des barrières matérielles qui freinaient l’internationalisation. L’évolution fulgurante de la télématique (la combinaison de la télécommunication et de l’information) en est le témoignage le plus clair. Des réseaux d’information s’établissent, couvrant le monde entier et facilitant la coordination stratégique. Cette informatisation des réseaux augmente énormément la mobilité du capital. Ces nouveaux systèmes permettent de coordonner, à l’échelle mondiale et sans écoulement de temps (« in real time ») des processus de production, des systèmes d’approvisionnement et des constructions financières complexes.
* Deuxièmement, l’internationalisation est une nécessité pour exploiter les nouvelles technologies d’une manière rentable. Les nouvelles technologies constituent les secteurs les plus prometteurs pour le capital, tant du point de vue de l’étendue du marché que du taux de profit.
Mais il y a trois grandes barrières, qui ne peuvent être franchies qu’en augmentant l’internationalisation :
1o Barrières de capital. Les secteurs de haute technologie dévorent d’énormes capitaux destinés à la recherche et au développement. L’extension de l’échelle internationale, les accords de coopération, le rachat de sociétés étrangères, la formation de blocs supranationaux sont de plus en plus perçus comme une nécessité pour supporter ces coûts.
2o Barrières technologiques. La lutte concurrentielle se développe surtout sur le plan technologique. La coopération au niveau international, les fusions ou les rachats de sociétés sont souvent une nécessité pour acquérir une position de monopole dans un secteur particulier du marché ou pour s’introduire dans un terrain spécialisé.
3o Barrières de marché. Pour récupérer les capitaux engagés, il faut que le marché soit suffisamment étendu. La durée de vie des produits est de plus en plus réduite. Ils sont vite démodés. Le modèle selon lequel « les entreprises doivent d’abord viser la conquête des marchés intérieurs, avant de s’orienter vers l’étranger », est dépassé. Les marchés intérieurs sont les arrières d’une bataille qui se mène directement sur le front des marchés étrangers. Ce qui incite également les groupes à investir à l’étranger, à nouer des alliances ou à effectuer des raids de rachat.
Ainsi donc, la révolution scientifique et technique pousse irrémédiablement à une internationalisation plus avancée, qui est une condition au développement de la technologie moderne et des forces de production.