Dominique Meeùs
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— au dossier marxisme
De larges couches de la classe ouvrière, ainsi qu’un grand nombre d’intellectuels progressistes, s’étaient rendu compte bien avant du semblant de prospérité, du glamour des « golden sixties ». La réalité de l’exploitation d’une part, l’intégration de la direction syndicale dans le système d’autre part, ont creusé un fossé grandissant entre la base et les dirigeants syndicaux. L’offensive impérialiste au Vietnam, la Révolution culturelle en Chine, les structures autoritaires de l’enseignement au service du capitalisme ont engendré un climat de protestation générale parmi les étudiants, qui a abouti aux révoltes de 1968.
Le mouvement étudiant progressiste approfondit ses analyses et devient un mouvement anticapitaliste qui redécouvre Marx et Lénine. Pendant le déferlement des grèves dites « sauvages » de 1970, le PTB voit le jour. En ce temps-là, il s’appelle Tout le pouvoir aux ouvriers (TPO). Les directions syndicales sont très inquiètes. Le zèle dont elles font preuve pour démarrer « une revitalisation idéologique » en témoigne.
La CSC évolue de la cogestion à « l’autogestion ». (Démocratisation de l’entreprise, 1971.) Pour une grande partie du sommet, cette appellation plus radicale n’est qu’une couverture qui cache un contenu identique. Ceci n’est pas le cas pour les tendances de gauche au sein de mouvement ouvrier chrétien qui se cristallisent également autour de l’idée de « l’autogestion ». Des groupements comme le MAP-GPTC l’associent à une critique radicale de l’ordre capitaliste existant et vont jusqu’à rejeter l’économie de marché capitaliste et à démasquer le contenu de classe de l’État. La direction de la CSC n’est pas sur la même longueur d’onde et utilise savamment l’idée de « l’autogestion » pour brouiller les pistes. Aujourd’hui encore, ce brouillard est toujours là et on nous présente comme des pas vers l’autogestion des instruments de collaboration de classe, comme les cercles de qualité ou le management participatif. (Voir le chapitre 2.)
À peu près au même moment, la doctrine de la FGTB évolue de la cogestion vers la notion de « contrôle ouvrier » (1971). Après la guerre, la direction de la FGTB croyait elle aussi que la voie vers la démocratie économique passerait par la cogestion (littéralement le partage du pouvoir). La nouvelle doctrine du contrôle ouvrier (déjà défendue par Renard en 1958) contient deux aspects. Essentiellement, elle continue à nourrir l’illusion réformiste d’une lente croissance du partage du pouvoir avec les capitalistes. Le deuxième aspect du « contrôle ouvrier » est qu’il rejette catégoriquement l’intégration dans le système. Cette dernière interprétation est surtout portée par l’aile gauche du mouvement qui se distancie de certaines pratiques d’intégration flagrante. C’est donc un renforcement de l’aile gauche à la direction, toujours dans le cadre d’une stratégie globalement réformiste. Beaucoup de délégués ont utilisé et utilisent toujours le « contrôle ouvrier » afin de défendre une position de classe autonome. Mais les nombreux doubles sens permettent même aux plus grands défenseurs de l’économie de concertation de présenter leurs activités comme du « contrôle ouvrier ». Actuellement, des dirigeants FGTB de droite proclament qu’ils soutiennent avec enthousiasme le management participatif afin d’appliquer « le contrôle ouvrier ».