Dominique Meeùs

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Lutte irréductible contre toute forme de racisme, contre toute discrimination politique ou économique des immigrés

Depuis la crise, le racisme est devenu, de plus en plus, une arme pour diviser la classe ouvrière et justifier l’oppression impérialiste. Des campagnes haineuses faciles détournent l’attention des véritables responsables de la crise. La position à l’égard du racisme est un des critères les plus conséquents pour apprécier le point de vue de classe.

1o Le racisme est indissolublement lié au capitalisme et à l’impérialisme. L’idéologie impérialiste part de l’idée qu’il y aurait des races supérieures et inférieures, que les États impérialistes auraient le droit et le devoir d’installer leur suprématie et d’assujettir le monde économiquement. Le racisme a été fabriqué lors des expéditions de conquête, lors du commerce d’esclaves et trouve son origine dans le pillage économique du tiers monde. Dans le passé, les directions syndicales ont également soutenu le colonialisme, sur base du prétendu « apport de la civilisation ».

Suite aux catastrophes économiques et sociales causées par l’impérialisme, il y a environ 14 millions de réfugiés de par le monde. Des centaines de milliers de personnes sont venues travailler en Occident à la suite de la destruction de leurs structures économiques, dont ils ne pouvaient plus attendre que misère et famine. Ils ont souvent été amenés ici par des patrons en quête de forces de travail à bon marché. L’immigration est donc également un produit du capitalisme qui entraîne le sous-développement et le développement inégal.

Ici, les immigrés sont plongés dans une discrimination structurelle, ils sont traités sur tous les plans comme des citoyens de seconde zone. On les fait venir et on les tolère tant qu’ils sont nécessaires au marché du travail, tant qu’ils peuvent, en tant qu’armée de réserve, remplir une tâche économique. Mais en temps de crise, ils sont considérés comme des « profiteurs » et comme les responsables du chômage. Le racisme ouvert ou camouflé joue ici un rôle essentiel. Le racisme provient directement d’une supposée supériorité occidentale, d’une idéologie de domination et de mépris pour d’autres peuples et cultures. Les capitalistes propagent ce racisme et ce chauvinisme parce qu’ils peuvent ainsi obtenir l’accord des travailleurs pour le pillage du tiers monde et parce qu’ils en tirent un avantage économique et social. Politiquement, c’est un facteur de division des exploités. Économiquement, cela les autorise à créer une catégorie de travailleurs dénués de droits, sans défense face à l’inégalité sociale, et qui peut servir de groupe de pression envers l’ensemble de la population travailleuse.

2o Il y a une parenté fondamentale entre toutes les formes de nationalisme bourgeois, de chauvinisme (favoritisme national), d’eurocentrisme (l’Europe comme centre du monde) et de racisme. Ils sont tous propagés par la bourgeoisie pour alimenter l’identification avec « notre » culture, « notre » civilisation, « nos » valeurs. La classe ouvrière n’a qu’une nationalité : elle appartient au front international des travailleurs et des exploités. Le syndicalisme de classe n’autorise pas la moindre discrimination sur base de la nationalité ou de l’origine, il est pour l’union et la solidarité entre tous les exploités contre l’impérialisme et le capitalisme. Ceci condamne toute unité, sur base des « valeurs occidentales », avec la bourgeoisie nationale, étant donné que ces valeurs représentent justement les intérêts des exploiteurs. La seule valeur prolétarienne est celle de la solidarité de classe.

De par sa tâche d’organisation pour l’unité des travailleurs contre le capital, le syndicat est le mieux placé pour combattre la division. Il doit pour cela combattre chaque conciliation idéologique avec le racisme, le chauvinisme et l’eurocentrisme. La tâche fondamentale du syndicat, celle d’unifier la classe ouvrière, ne peut être accomplie que si chaque division est combattue de façon conséquente. L’esprit de l’internationalisme prolétarien s’oppose à toutes les formes d’impérialisme, de chauvinisme, de racisme et de protectionnisme ainsi qu’à toutes les formes de nationalisme bourgeois et de corporatisme au sein du mouvement syndical.

3o Tant les travailleurs des pays capitalistes que les peuples du tiers monde ont intérêt à la destruction de l’impérialisme. De ce point de vue, l’immigration joue un rôle positif, un rôle progressiste. Cela permet aux travailleurs d’ici de faire connaissance avec la réalité dans laquelle vivent des millions de travailleurs du tiers monde, à cause des crimes de l’impérialisme. Cela leur permet de connaître la lutte des peuples du tiers monde. À condition que le syndicat leur communique l’esprit de l’internationalisme prolétarien et se prononce pour la solidarité avec le tiers monde. « Sans quoi les travailleurs sont harcelés par la propagande bourgeoise et peuvent être entraînés par des campagnes racistes.

Un « test » particulier est le contrôle de l’immigration. Il y a concertation au niveau européen (les accords de Schengen) pour mieux protéger les frontières extérieures de la pénétration du tiers monde, par la coordination des services de police. Les capitaux des cheiks du pétrole, des barons de la drogue, des dictateurs peuvent pénétrer sans restriction dans les banques européennes, mais les réfugiés politiques et économiques des pays pauvres ne peuvent pas entrer en Europe. L’impérialisme exige la libre circulation de ses capitaux, de ses entreprises et de ses produits dans le tiers monde (l’Uruguay Round), mais il ferme ses frontières aux étrangers indésirables. Les forces de travail qualifiées et bon marché du bloc de l’Est sont accueillies à bras ouverts, mais pour les travailleurs non qualifiés du tiers monde, il n’y a plus de place. La seule position conséquente est la libre circulation et la libre entrée des immigrés du tiers monde.

De par leur composition, les syndicats sont particulièrement bien placés pour mener la lutte contre le racisme. Belges et étrangers sont rassemblés dans une même organisation. Les étrangers ont des droits syndicaux, ils peuvent voter et être élus lors des élections sociales, ce que la bourgeoisie leur refuse sur le plan de la société.

4o Le développement du racisme a été rendu possible grâce au laxisme, à la passivité et même à la complicité des partis traditionnels, socialistes y compris. Étant donné qu’ils sont eux-mêmes convaincus de la supériorité occidentale, des « valeurs » impérialistes, ils virent à droite tandis que les positions de l’extrême droite deviennent elles-mêmes plus agressives. Arrêt de l’immigration, seuil de tolérance, formation de ghettos et rapatriement en sont les formes dures ; « l’intégration » est la manière douce de soumettre les étrangers aux « valeurs » occidentales. La guerre du Golfe démontre de manière explicite quel genre « d’intégration » on exige des immigrés : qu’ils prennent le parti de l’impérialisme occidental et se désolidarisent de la lutte anti-impérialiste. « L’intégration » signifie que les jeunes générations d’immigrés doivent se ranger derrière les intérêts occidentaux, qu’ils doivent approuver l’ordre mondial occidental et absorber la culture impérialiste. « L’intégration » signifie tout, sauf la reconnaissance de droits politiques égaux.

Les dirigeants des partis traditionnels tentent également de pousser le mouvement syndical dans cette voie. Les syndicats sont divisés sur le chemin à suivre. Certains dirigeants continuent de soutenir la seule voie correcte vers « l’intégration », la reconnaissance de droits totalement égaux et inconditionnels aux immigrés. Les motivations sont diverses : elles vont de l’humanisme à la conquête de la démocratie ou de l’unité des travailleurs. Mais des failles se creusent de plus en plus dans le front syndical antiraciste. Depuis quelques années, seul le droit de vote aux élections communales est encore revendiqué dans les positions officielles, ce qui, en soi, est, incontestablement, un pas en arrière par rapport à la revendication des « droits politiques complets ».

Les syndicats sont confrontés à un choix irrémédiable dans la lutte contre ce racisme qui est la peste de notre époque. Soit se laisser emporter par la poussée raciste qui a fait son apparition dans tous les partis bourgeois, soit adopter une position intransigeante à l’égard de toute forme de racisme et de fascisme, en défendant les droits politiques intégraux pour les immigrés.

La situation est grave. Toute passivité fait le jeu des fascistes, qui ont déjà conquis une influence latente dans les syndicats.

5o La lutte contre le racisme doit être menée sur deux fronts par le syndicat

Premièrement, la meilleure arme contre le racisme est de défendre un programme anticapitaliste qui peut unir tous les travailleurs, Belges et immigrés, contre le grand capital. De plus en plus, il apparaît que le racisme trouve un terrain favorable quand les ouvriers perdent confiance dans le syndicat et dans la lutte de classe. Dans les grandes usines de la région anversoise, l’influence grandissante de la propagande raciste est en corrélation directe avec le mécontentement des gens à l’égard de l’attitude des directions syndicales, dans la lutte pour les intérêts ouvriers.

Secondement, chaque discrimination doit être combattue avec des mots d’ordre radicalement démocratiques et antiracistes. Les syndicats doivent se trouver aux premiers rangs dans la lutte contre la discrimination vis-à-vis des étrangers. Chaque discrimination rend plus difficile la participation des ouvriers étrangers à la lutte des classes.

* Contre toute discrimination syndicale.

Les étrangers ne doivent pas uniquement avoir le droit d’être élus : ils doivent de fait avoir accès aux fonctions syndicales.

* Contre toute discrimination politique.

Des droits politiques complets, y compris le droit de vote et le droit d’éligibilité pour tous ceux qui habitent en Belgique depuis au moins cinq ans.

* Contre toute discrimination sociale.

Les étrangers doivent avoir libre accès à tous les emplois, dans les services publics et dans toutes les entreprises. Ils doivent avoir des droits égaux à la sécurité sociale et la liberté d’habiter là où ils le désirent. Il ne peut y avoir de discrimination dans l’accès au logement.

* Des frontières ouvertes et la liberté de séjour pour les personnes, tout comme pour les capitaux et les marchandises. Le droit d’asile et la suppression de l’obligation de visa pour les citoyens du tiers monde. Pas de ratification des accords de Schengen.

* Non aux contrôles policiers discriminatoires et à l’intimidation des étrangers. La répression sélective a un double objectif : d’une part, décourager les immigrés et les rendre passifs dans la lutte, d’autre part, tester des méthodes de répression qui peuvent être employées, à l’avenir, contre tous les travailleurs.