Dominique Meeùs
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— au dossier marxisme
Ces dernières années, on constate un regain évident des groupements parasyndicaux ou « politiquement non alignés », qui sont actifs au plan syndical. Des comités, des coordinations indépendantes et même de nouveaux syndicats, comme le SIC (ex-Loco) aux chemins de fer, ont été créés parmi les fonctionnaires, les enseignants francophones, etc. Les grandes grèves dans les hôpitaux français ont été menées par des « coordinations ». Est-ce un facteur de division ou de renouveau syndical ? Est-ce un repli sur des intérêts corporatistes ou un stimulant positif pour les « grands » syndicats ? Il n’est pas simple d’y répondre, car leur origine, leur composition et leurs positions divergent nettement. Cependant, on remarque certaines constantes.
1o La responsabilité première est à situer au niveau de la direction des grandes organisations syndicales. Des années de politique de restrictions et l’attitude soumise de nombreux dirigeants syndicaux face aux revendications patronales ont bien souvent transformé le désarroi de la base syndicale en réactions antisyndicales. Ce qui a créé une base potentielle pour de nouveaux groupements de ce genre, sur lesquels le patronat essaie de jouer (dans le cas des services publics, ce sont les ministères).
2o Il s’agit souvent de forces radicales qui, recherchant une alternative au laxisme de leur propre organisation, rejoignent ces nouveaux syndicats. Dans tous ces comités, dans toutes ces coordinations, il y a des éléments très combatifs à la recherche de structures de contact qu’ils ne trouvent pas ou plus dans les syndicats traditionnels.
3o La tendance à se replier sur soi-même pour des revendications strictement professionnelles et à ne pas se soucier de revendications générales est également souvent présente dans ces nouvelles organisations. Le corporatisme, au sens d’organisation professionnelle étroite, est une idéologie funeste qui tue la conscience de classe et est, en définitive, prête à sacrifier les intérêts de la classe travailleuse dans son ensemble pour la satisfaction de ses propres intérêts strictement matériels. La « vente » du droit de grève dans les chemins de fer en échange de quelques concessions salariales en est un exemple frappant. La même chose vaut pour ceux qui acceptent la flexibilité en échange de hausse de salaire.
4o Et pourtant, ce corporatisme n’est pas le monopole des organisations nouvelles ; les doigts accusateurs des grands syndicats sont bien souvent hypocrites. Traditionnellement, le réformisme n’a que faire des intérêts fondamentaux des travailleurs quand il est possible de conclure des petits accords avec le patronat. N’est-ce pas une habitude de « vendre » la paix sociale pour quelques miettes ? Les organisations syndicales n’ont-elles pas elles-mêmes proposé les tickets-repas, comme alternative à une hausse des rémunérations, dans l’enseignement francophone puis dans les services publics ?
5o Il y a corporatisme et corporatisme. À côté d’une idéologie de « revendications professionnelles étroites », il y a celle du corporatisme fasciste ; c’est-à-dire d’un esprit de totale collaboration de classe. Les dirigeants syndicaux de la CSC et de la FGTB font parfois preuve de la collaboration de classe la plus inouïe, tout en mettant en garde contre le corporatisme !
L’accord qui a été conclu en secret avec la direction de GM à Anvers sur le management participatif (1989) ne se distingue pas beaucoup du modèle fasciste de corporation dans lequel patrons et syndicats coopèrent dans des structures corporatistes communes. (Voir le paragraphe 227.)
6o Il est vrai que la tendance « apolitique », « indépendante » et antisyndicale de ces nouvelles organisations offre souvent des possibilités idéales de dérapages libéraux et d’extrême droite. Il n’est pas non plus exclu que certains de ces comités soient volontairement créés par des éléments fascistes (comme l’Amicale Zwartberg). De toute façon, la plus grande vigilance est de mise envers des manipulations d’extrême droite.
Les directions syndicales ne peuvent pas cacher qu’elles perdent de plus en plus leur emprise sur leur base, principalement en raison de leur attitude modérée et propatronale. Elles ne pourront retrouver la confiance perdue et restaurer l’unité syndicale que par un revirement de caractère anticapitaliste. Si l’on veut renforcer le syndicat et mettre fin à son démantèlement, c’est la seule conclusion valable.