Dominique Meeùs
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— au dossier marxisme
On a beaucoup épilogué ces dernières années sur l’effondrement des syndicats. Mais depuis la naissance du mouvement ouvrier, les ouvriers de Belgique n’ont quasiment pas connu d’autre forme d’organisation que les syndicats. Même s’il y a parfois un fossé énorme entre le sommet et la base, même si les directions syndicales sont parfois diamétralement en opposition avec les attentes des masses, l’expérience historique a démontré que, dans des conditions difficiles, les travailleurs retombent toujours sur les syndicats. Le dirigeant communiste Dimitrov avait déjà tiré la même leçon dans les années 30. À ceux qui voulaient quitter le syndicat, il répliqua : « Méconnaissant l’attraction que les syndicats exercent sur les ouvriers et placés devant les difficultés du travail à mener à l’intérieur des syndicats d’Amsterdam, beaucoup de nos camarades ont décidé de passer outre à cette tâche compliquée. Ils parlaient invariablement de la crise d’organisation des syndicats, de l’abandon précipité des syndicats par les ouvriers, et ils ont perdu de vue qu’après une certaine chute des syndicats au début de la crise économique mondiale, ceux-ci ont ensuite recommencé à grandir. La particularité du mouvement syndical consistait précisément en ce que l’offensive de la bourgeoisie contre les droits syndicaux, la compression des assurances sociales, le vol des salaires, malgré l’absence de résistance de la part des chefs syndicaux réformistes, obligeaient les ouvriers à se grouper encore plus étroitement autour des syndicats, car les ouvriers voulaient et veulent voir dans le syndicat le défenseur combatif de leurs intérêts de classe les plus urgents3. »
Pour gagner les masses à une politique révolutionnaire, il est indispensable de faire du travail syndical. Les syndicats sont les seules organisations de masse de la population travailleuse. En Belgique, ils organisent plus de 90 % des ouvriers et 50 % des employés. Les travailleurs sont encadrés par des délégués syndicaux qui viennent de leurs propres rangs. La pratique de toutes les grèves démontre qu’une partie importante des travailleurs regarde toujours ce que font les délégués. Qu’ils se fassent remarquer en bien ou en mal représente une différence énorme pour le climat et pour la confiance des masses en elles-mêmes. La lutte contre les conclaves successifs de Martens a souligné l’importance du comportement des directions syndicales : si elles soutiennent ou sabotent, si elles freinent ou laissent au moins libre cours. Sans Houthuys, les plans de Martens auraient probablement déjà avorté en 1984 et certainement en 1986. Mais la direction de la FGTB a elle aussi laissé tomber ses militants et sa base en plan aux moments cruciaux. Un militant syndical peut décrocher dans de tels moments ou bien redoubler d’énergie pour renouveler le syndicat de l’intérieur. Bien entendu, la seconde solution est la bonne. Tôt ou tard, les mêmes situations se reproduiront et un syndicaliste conséquent doit en tirer les leçons et dire : la prochaine fois, ce ne sera plus comme cela. Il rassemblera autour de lui des forces fraîches, les formera et les préparera à la prochaine lutte de classe. La bourgeoisie connaît très bien la force d’une avant-garde organisée et formée idéologiquement. Les trois grèves des mineurs du Limbourg, entre 1986 et 1988, montrent à quel point les syndicalistes révolutionnaires, conscients, arrivent à mettre en mouvement, au sein des syndicats et parmi les masses, des forces irrésistibles4. Les délégués militants et les noyaux syndicaux avaient tiré les leçons de la vague de fermetures successives dans la sidérurgie. Dans une situation considérée comme désespérée au départ, avec des directions syndicales qui avaient déjà abandonné le terrain, ils ont remonté la pente. Par deux fois, ils ont riposté de façon musclée. Ils n’ont pas gagné, mais ils ont vendu bien cher leur peau : ils ont arraché des compensations importantes, ils ont montré que l’on gagne dignement si l’on se bat jusqu’au dernier souffle. On ne retirera pas à un mineur cette fierté, même s’il a perdu son emploi. Et, de plus, il a appris une leçon qu’il n’oubliera plus : le gouvernement et le patronat sont comme les doigts de la main.