Dominique Meeùs

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342.
La première tâche du syndicat, c’est de développer la conscience de classe

La conscience de classe n’est pas uniquement une question de rapports de force dans la lutte économique pour l’emploi, le salaire, les conditions de travail. Il s’agit de se positionner en tant que classe face aux autres classes de la société.

Dans la période d’origine du capitalisme, Marx considérait que la première tâche des syndicats était de briser la division imposée par le patronat aux travailleurs, et d’unir toute la classe dans une seule organisation. Ou, comme Marx le disait lui-même : « Les ouvriers doivent cesser de se considérer comme des concurrents entre eux, pour mieux concurrencer le patronat ». Le patronat utilisait la division des travailleurs en métiers, en usines, en secteurs et en régions pour acquérir une main-d’œuvre à bon marché, pour exercer un chantage sur les conditions de travail. Aujourd’hui, le capital international profite d’une manière presque identique de la concurrence entre les ouvriers des différents pays. Le patronat s’internationalise, mais essaie, dans chaque pays, d’inciter la classe ouvrière à une guerre économique contre « la concurrence internationale ».

Une véritable conscience de classe est impossible sans esprit internationaliste, c’est-à-dire sans qu’on situe son propre combat dans le champ de bataille international, où le camp des peuples et des travailleurs, qui luttent pour la libération, s’oppose au camp de l’impérialisme et du capitalisme mondial. Aujourd’hui, un ouvrier ou un militant syndical ne peut être conscient du sens véritable de la notion de classe ouvrière, s’il ne comprend pas les mécanismes essentiels de l’impérialisme et les contradictions qu’ils engendrent, s’il ne comprend pas les divers modes d’exploitation du tiers monde et le rôle que celui-ci joue dans la lutte anti-impérialiste. Il ne peut pas acquérir une véritable conscience de classe, s’il ne se rend pas compte qu’une grande partie des richesses occidentales provient du pillage du tiers monde, que le niveau de vie et le niveau technologique en Occident n’auraient jamais pu atteindre un tel degré sans l’exploitation des pays du Sud.

Cette dimension est fondamentale, car elle conditionne toute l’orientation du travail syndical. Si celui-ci ne tient pas compte de ce point de vue à tout moment, il perdra de sa justesse et de son efficacité, quels que soient les efforts consentis. Si l’on considère essentiellement la lutte de classe du point de vue de « nos » entreprises, de la Belgique, et sous l’angle étroit du bien-être immédiat, on pourra difficilement éviter de s’engager dans la voie de la collaboration avec l’impérialisme belge, au détriment des intérêts du tiers monde — y compris ceux des immigrés et des réfugiés. Car la meilleure manière d’obtenir les faveurs du capital, c’est de ne pas se préoccuper du sort des autres travailleurs.

Plus qu’avant, le patronat exerce le chantage à la compétitivité et la « menace économique » internationale. Plus que jamais, le problème principal des syndicats consiste à maintenir ou à acquérir une position de classe indépendante. À ne pas céder devant les chants de sirène de l’unité face aux envahisseurs étrangers, face à « notre ennemi commun », qui menace nos emplois.

La collaboration de classe avec « son propre patronat » acquiert une dimension de plus en plus internationale : soutenir le capital régional, national, européen, contre la concurrence mondiale. Alors que le fédéralisme en Belgique arrive à son accomplissement, le subterfuge de la « menace flamande » et réciproquement de la « menace wallonne » disparaît. On voit maintenant que cette voie « entièrement nouvelle », dans laquelle chacune des deux régions, une fois libérée du fardeau de l’autre, pourrait s’engager, est, en fin de compte, partout la même : celle de la collaboration de classe régionale pour soutenir « ses propres patrons » dans la lutte concurrentielle internationale.

En 1914, la sociale-démocratie a abandonné la voie révolutionnaire en choisissant le camp de sa propre bourgeoisie pendant la Première Guerre mondiale. Aujourd’hui, la sociale-démocratie invite la classe ouvrière à s’associer à la guerre économique que mènent la Flandre, la Wallonie, la région bruxelloise, la Belgique et l’Europe contre les concurrents « étrangers ».

On lie le sort de la classe ouvrière à celui du patronat, de sorte qu’on entre inévitablement en conflit avec les intérêts des ouvriers des autres pays et ceux des peuples du tiers monde. L’analyse de classe du système en place, l’alternative indépendante du socialisme et la perspective de la suppression de l’exploitation par le transfert des richesses à la collectivité : tout cela est complètement abandonné.

On combat la conscience de classe des travailleurs et on transforme les syndicats en remorque des stratégies patronales.