Dominique Meeùs

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332.
Exportation du modèle de concertation

Face aux problèmes mondiaux provoqués par l’impérialisme, les syndicats belges adoptent une attitude « modérément réformiste ». Ils s’érigent en champions de la concertation et du compromis et essaient de projeter « le modèle belge de concertation » à l’échelle mondiale. Sur la scène internationale, ils sont les grands défenseurs de la concertation tripartite (gouvernement, patrons, syndicats) et de conventions. Ils veulent que les activités des entreprises transnationales soient mises « sous contrôle », par l’imposition de « normes de conduite », de sorte que les aspects négatifs soient maîtrisés. Ils accordent dès lors beaucoup d’importance à l’action des institutions internationales, telles que les Nations Unies et leur Organisation internationale du travail (OIT).

L’OIT est la seule organisation internationale où les syndicats disposent du droit de vote. Chaque pays y est représenté par un délégué du patronat, un délégué des syndicats et deux délégués du gouvernement. L’OIT reflète donc, au plan mondial, le modèle de la concertation tripartite. Les internationales syndicales soutiennent et coordonnent le travail de leurs membres dans les réunions et les commissions de l’OIT. L’activité de l’OIT consiste essentiellement à établir des normes internationales et des recommandations. Les normes que les États membres auront acceptées et ratifiées devront être reprises dans leur législation, mais pas les recommandations. Depuis sa création en 1919, l’OIT a adopté au total plus de 300 normes et recommandations : à propos de l’égalité entre les hommes et les femmes, la liberté syndicale, les barèmes minimaux en matière de sécurité sociale, etc. En 1990 par exemple, l’OIT est revenue sur son interdiction de travail de nuit pour les femmes et elle accepte dorénavant des exceptions au protocole de 1948 qui l’excluait. Cela illustre très bien à quel point l’OIT évolue au rythme des syndicats des pays riches, qui ont accepté ces modifications de normes pour répondre à la demande patronale visant à introduire des systèmes de travail flexibles.

Il n’y a plus guère de différence entre l’attitude des directions de la CSC et de la FGTB face aux problèmes internationaux. Aucune des deux directions ne se base sur une position de classe ferme, consistant à soutenir tout ce qui affaiblit l’impérialisme et à renforcer tout ce qui contribue à la libération des peuples.

La fraction la plus engagée cherche une solution au sous-développement dans deux directions. Une tendance souhaite développer de vastes programmes d’aide internationale, comme une sorte de plan Marshall pour le tiers monde (d’après le rapport Willy Brandt). Une autre tendance soutient plutôt des « projets locaux » d’envergure restreinte (congrès de la CSC en 1990). Souvent, on se limite à une indignation morale face aux « excès » de l’impérialisme, sans parvenir à une attitude de rejet global de l’impérialisme et des mécanismes d’exploitation néocoloniale. Une petite minorité œuvre à l’élaboration de contacts de solidarité internationale à la base, en vue de renforcer la lutte.

Une autre partie du syndicat se prononce en faveur de « l’aide » et de structures « équitables » par souci de l’intérêt propre. On raisonne comme suit : si nous ne parvenons pas à désamorcer la poudrière qu’est le tiers monde, nos acquis et notre bien-être seront menacés. C’est également la philosophie du rapport Brandt. Loin de s’attaquer aux mécanismes économiques du système, on refuse de saisir le mal à sa racine, on se dérobe dans des rêves pieux et on se leurre d’illusions.

Enfin, une petite partie réactionnaire du syndicat ne jure que par « la compétitivité » de « nos » entreprises, soutient les accords protectionnistes dirigés contre le tiers monde (l’accord multifibre dans le textile), participe aux missions commerciales du gouvernement et du patronat afin de conquérir de nouveaux marchés. Les « syndicalistes » espèrent avoir leur part des profits de l’impérialisme et suivent, jusque dans ses conséquences les plus réactionnaires, le raisonnement de la confédération américaine AFL-CIO : « Ce qui profite à nos impérialistes, profite également à nos ouvriers et donc à tout le monde ».

Les directions CSC et FGTB dirigent leurs contacts et leur soutien vers les syndicats qui adoptent une position modérée et réformiste, c’est-à-dire presque toujours anticommuniste. Ainsi, elles se retrouvent souvent dans le camp impérialiste et jouent un rôle considérable dans le maintien du système établi, contre la lutte de libération. Au Nicaragua, la direction de la CSC a soutenu d’une manière conséquente l’action provocatrice du syndicat de l’opposition en vue de déstabiliser le régime sandiniste, contribuant activement à sa chute et au retour des fantoches proaméricains et des contras. La direction de la FGTB adopte régulièrement des positions clairement pro-israéliennes, elle entretient d’excellents contacts avec l’Histadruth et, pendant la guerre du Golfe, elle s’est identifiée au camp occidental en adoptant une attitude de faucon particulièrement marquée. (Voir la section 64.) Aucune des deux directions syndicales ne voit dans la répression de l’intifada palestinienne une raison de mettre fin aux relations avec l’Histraduth, alors qu’elles ont immédiatement rompu les ponts avec les syndicats chinois après les événements de la place Tien An Men. Aucune des deux directions syndicales ne manifeste quelque répugnance à se laisser « éclairer » par la confédération américaine AFL-CIO et par les services de sécurité américains en Belgique. De temps en temps, des dirigeants syndicaux sont reçus à la base de l’OTAN de Casteau (sans doute n’est-ce pas pour y syndiquer les militaires), et les dirigeants de la CSC se rendent à tour de rôle aux États-Unis pour y suivre des cours organisés par une certaine United States Information Agency (sans doute n’est-ce pas pour augmenter la combativité dans la lutte de classe en Belgique).