Dominique Meeùs
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— au dossier marxisme
Le patronat n’exige pas seulement de l’ouvrier sa force de travail, il veut aussi son engagement intellectuel et sa solidarité. Les bras, ils les ont déjà, maintenant ils veulent aussi la tête. C’est un assaut à l’esprit de classe et à la lutte de classes. C’est pourquoi il faut rejeter par principe le management participatif. Ce qui signifie qu’il faut le combattre de l’intérieur et de l’extérieur. S’il existe déjà, il vaut mieux le faire disparaître au plus vite.
1o En tout cas, il ne faut accepter aucune forme de cogestion généralisée. Les accords déjà conclus du style GM-Anvers doivent être annulés.
2o D’autres formes d’application, plus restreintes celles-ci, circulent sur le marché : les différents types de « cercles de qualité ». Dans l’optique patronale, ceux-ci sont liés de manière quasi organique aux nouvelles méthodes de production. Peut-on dès lors prévenir leur introduction ? Ce qui, du côté des travailleurs, est négociable peut parfaitement l’être au sein des structures légales existantes et avec la délégation syndicale. Comme les patrons ont besoin des délégués pour installer leurs organes parallèles (voir le paragraphe 227), ceci confère au syndicat une position de force dont il faut profiter au maximum. L’expérience a montré que la mise en place de ces organes peut être boycottée aussi longtemps que les rapports de force au sein des délégations sont favorables. À Caterpillar-Gosselies, leur installation a été provisoirement suspendue. (Malgré une forte pression.) La même chose s’est aussi produite, par exemple, chez Michelin, à Clermont-Ferrand et, temporairement, chez Peugeot à Mulhouse.
Il y a tout avantage à empêcher le plus longtemps possible l’introduction de ce genre de management participatif. Même s’il finit quand même par être appliqué, cette mobilisation des masses est d’une importance exceptionnelle pour faire, a posteriori, le bilan de l’expérience et pour combattre les nouvelles méthodes de l’intérieur. En procédant de la sorte, chacun est prévenu des dangers et tous les syndicalistes sont armés pour lutter contre le virus patronal de la collaboration. Ce qui n’est pas du tout le cas si l’on cède au premier chant de sirène patronal.
3o Si les organes de participation à l’organisation du travail doivent bon gré mal gré être acceptés sous la pression patronale, les délégués doivent y être présents pour y assurer une mission d’éducation et pour y adopter une position de classe conséquente. Cette tactique a, entre autres, été appliquée par la CGT chez Renault, à Douai.
L’objectif est alors de faire sauter cette forme de collaboration de classe en dévoilant en permanence les contradictions du système et en exploitant chaque contradiction. Des mots tels que la « satisfaction », la « joie au travail » n’ont aucun contenu de classe. Ils ont été et sont toujours un des thèmes favoris des fascistes, et des fascistes en herbe (« Arbeit macht frei »). Ce sont des mots qui masquent souvent la réalité de l’exploitation. Nous devons considérer d’un point de vue de classe le contenu précis de chaque slogan de propagande pour le management participatif.
Le MP, c’est décider soi-même ?
À condition qu’on ne touche pas au vrai pouvoir patronal. La préface de chaque brochure de formation au management participatif précise que « la direction conserve ses responsabilités ». Très souvent, les aspirations patronales sont déguisées de manière à apparaître comme « volonté des travailleurs ». La rage frénétique de l’ordre et de la propreté dans les usines en est une bonne illustration. Les patrons modernes veulent des lieux de travail clairs, spacieux, bien aérés, impeccablement entretenus et sans poussière, pour « accroître le plaisir au travail ». Ce n’est pas à porter au compte du management participatif ; ce sont des exigences imposées par le matériel électronique délicat, par les robots et les machines automatisées. Le MP est très souvent « librement choisi » sous le chantage. Si le MP est accepté, nous ne parlerons plus de la menace imminente de fermeture. Si les cercles de qualité sont installés, nous suspendons tout licenciement… Si vous ne l’acceptez pas, nous déplacerons la production à l’étranger. La seule échappatoire est la collaboration de classes.
En règle générale, la participation aux décisions ne dure qu’un temps, le temps de mettre au point le « stress » optimal, les routines optimales, lors du démarrage d’un nouveau système ou processus de production. Lorsque l’organisation du travail est optimalisée, l’heure n’est plus à la discussion, mais au travail : chaque poste de travail est mesuré jusque dans ses moindres détails et standardisé. Les standards les plus rentables sont alors imposés « démocratiquement » dans toutes les entreprises du groupe.
Le MP, c’est produire la qualité ?
Une amélioration de la qualité devrait se traduire par une attention accrue, ce qui suppose plus de temps. Tout autre chose que faire le même travail avec moins de personnel. Mais pour le patronat, la qualité est conçue « beaucoup plus largement » : c’est surtout la qualité du coût de production et de la productivité. « La qualité n’est pas en contradiction avec la vitesse », entendons-nous dire.
Le MP, c’est la qualité de la vie ?
Le seul vrai critère, c’est la qualité du profit. En faisant porter l’entière responsabilité par le travailleur, le patronat veut accroître l’intensité du travail. Que devient la qualité de la vie si on fait la chasse à la moindre interruption, au moindre « temps mort » ? Souvent, cela signifie la disparition de « bons » postes de travail, des postes qui revenaient souvent à des gens ayant beaucoup d’expérience et d’ancienneté, des travailleurs plus âgés pour lesquels le rythme des chaînes peut poser problème.
Le MP accroît le plaisir au travail ?
Que devient le plaisir en cas de restructuration et de licenciement ? Et si le stress augmente ? Et si les heures et les journées de travail deviennent flexibles ? Au sein d’une équipe, les jobs sont répartis équitablement, c’est-à-dire qu’ils sont répartis de manière à ce que chacun travaille à 100 %. Si quelqu’un découvre le moyen d’économiser quelques secondes, il ne les accumulera pas, mais se verra attribuer une tâche supplémentaire.
La polyvalence est synonyme de qualifications accrues ?
Chacun doit pouvoir assumer différentes tâches. Mais la formation n’est plus une formation professionnelle de valeur, car celle-ci se paie plus cher. Chacun reçoit, sur place, la même formation limitée, pour les multiples tâches qu’il doit être capable d’assumer. Chacun est donc remplaçable et, en cas de perte d’emploi ou de changement d’emploi, on se retrouve en fait sans qualification.
Le MP pour former une équipe ?
Les travailleurs, les cadres et la direction forment-ils une seule et même équipe, comme une équipe de football, avec ses joueurs, son entraîneur et son administration ? Seul point de comparaison, c’est l’esprit de compétition que l’on fait mousser, pour stimuler les prestations. Les départements, les équipes, les usines sont dressés les uns contre les autres pour atteindre les meilleurs chiffres. Un esprit de dénonciation est créé en permanence, pour détecter les fautes individuelles. C’est le groupe qui est puni pour les erreurs, les absences, les manquements individuels ce qui augmente la pression sociale pour que chacun se conduise en contremaître.
Le MP, c’est, enfin, la démocratie à l’usine ?
Envers ceux qui marchent dans le système, on fait preuve de la plus grande complaisance. Mais gare aux fortes têtes ! L’attitude, le comportement individuel, la conduite syndicale, tout cela est contrôlé minutieusement et il apparaît vite que le patronat n’a pas enterré la dictature.
Ces contradictions sont inhérentes au système. Il revient à toutes les forces combatives de les mettre à profit.