Dominique Meeùs

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237.
La conception et la tactique syndicale à l’égard du management participatif

En quelques mois, pratiquement toutes les instances syndicales nationales ont décidé de coopérer au management participatif. Les unes avec enthousiasme : « Nous prêterons une collaboration positive à des initiatives de concertation au travail » (congrès de la CSC), « nous les utiliserons d’une manière intelligente » (congrès VLIG). Les autres avec beaucoup de réserves : « Par une participation conflictuelle, nous réaffirmerons notre fidélité à une vision socialiste de la société et nous préserverons notre approche conflictuelle des rapports sociaux ». (Congrès CMB.)

Pourquoi même ceux qui se préoccupent des conséquences du management participatif, se sont-ils laissés entraîner, sans coup férir, dans la voie de la collaboration ? Partout, on peut lire et entendre les mêmes arguments :

1o Nous sommes contraints de collaborer, faute de quoi nous sommes mis hors jeu. « Face au management participatif, il nous faudra naviguer entre deux écueils : la marginalisation et l’exclusion d’une part, le risque, toujours bien réel, de nous intégrer à une culture d’entreprise, d’autre part. » (Congrès CMB.)

Ce raisonnement défensif s’appuie sur une évaluation erronée des rapports de force. Pour les patrons, la coopération des dirigeants syndicaux et des délégués est absolument indispensable pour développer leur corporatisme d’entreprise. (Voir le paragraphe 227.) Un refus de leur part fait sauter le système.

2°Les ouvriers le veulent. » Avec un parallélisme frappant, on découvre soudain, lors du congrès de la CSC comme à celui de la FGTB, le « nouvel ouvrier », celui qui vise la liberté et l’épanouissement individuel et qui, pour cette raison, aspire à la flexibilité et au management participatif. « Une tendance très nette à un plus grand individualisme se dégage comme un élément non négligeable de cette problématique. » — « Si nous ne voulons pas être désavoués par une partie de nos affiliés, il nous faudra jouer serré… » (Congrès de la CMB, p. 34.) Ceci revient à faire porter par le « nouvel ouvrier » la responsabilité de la capitulation. Sur quels « ouvriers » se base-t-on ? Le syndicat n’a-t-il donc plus de mission d’éducation et de protection collective à assumer ? La véritable rupture avec les ouvriers menace de se produire d’un autre côté : la rupture avec les intérêts ouvriers par une intégration croissante des responsables syndicaux dans les schémas patronaux.

3o L’idée d’une contre-offensive sur le plan de la « qualité » a été lancée par la CMB de Liège. Puisque le patronat veut la qualité, posons aussi nos revendications de qualité. La qualité du travail, ce sont des rythmes plus bas, une sécurité accrue, une meilleure information, des salaires plus élevés, une meilleure gestion, etc.22 À cela, le patronat répondra, bien entendu : discutons ça dans le cadre de nos cercles de qualité et de la qualité totale. Ainsi le système devient discutable, les patrons en retirent bien ce qui les intéresse. Une contre-offensive sur le plan de la qualité doit commencer par le refus des initiatives patronales en la matière.

En résumé, on peut dire que les premières adaptations doctrinaires ont été revêtues de beaucoup de précautions verbales. (Sans doute pour rassurer les adversaires.) Dans la pratique, de nombreux dirigeants syndicaux capitulent face à l’offensive patronale de « participation ». Certains avec enthousiasme.

Notes
22.
Cité dans « Qualité Totale », Bulletin de la Fondation André Renard, no 180, 1989, p. 42.